Dès jeudi, les lecteurs du quotidien de Hong Kong, Apple Daily – sur papier ou en numérique –, seront orphelins : leur journal, le seul média d’opposition d’importance publié à la fois en chinois et en anglais, ferme après avoir subi de nombreux coups depuis l’adoption le 1er juillet 2020 de la loi sur la sécurité nationale, destinée à faire taire ceux qui dénoncent la mainmise de Pékin sur la région autonome.
Arrestations et perquisitions à répétition... rien ne lui a été épargné ces douze derniers mois. Mais le média résistait grâce au soutien des Hongkongais qui se pressaient dans les kiosques au lendemain du passage des centaines de policiers.
Gel des comptes
La dernière intervention la semaine dernière, marquée par l’interpellation de cinq responsables, dont le directeur général du groupe de presse Next Digital, propriétaire de l’Apple Daily, Cheung Kim-hung, et son rédacteur en chef, Ryan Law, pour « complot à fin de collusion avec des puissances étrangères » et le gel de ses comptes lui aura cependant été fatale.
Les employés et les journalistes ne peuvent plus être payés. D’où la décision prise mercredi de se saborder. Le même jour, un de ses éditorialistes Yeung Ching-kee, qui écrit sous le pseudonyme de Li Ping, a été arrêté.
Sur son site, le quotidien, qui avait été lancé le 20 juin 1995, rappelle que lors de son 20e anniversaire, il se demandait s’il y aurait un numéro spécial pour ses 30 ans : « Le vent s’est levé. La seule chose à faire est d’essayer de survivre », soulignait-il alors. Alors que Pékin a resserré son emprise sur l’ancienne colonie britannique en mettant fin progressivement et résolument à la semi-autonomie censée se poursuivre jusqu’en 2047, le journal aura finalement tenu six ans.
Reporters sans frontières a dénoncé mercredi un « assassinat par asphyxie » [1], Amnesty International, « une attaque inacceptable contre la liberté de la presse ».
La police affirme que des dizaines d’articles du quotidien sont à l’origine des poursuites. Le secrétaire pour la sécurité, John Lee, a accusé la semaine dernière le journal de mettre en danger la sécurité nationale sous couvert de journalisme. On reproche notamment à ses dirigeants d’avoir appelé les États-Unis à imposer des sanctions aux responsables de Hong Kong et de la Chine.
Le patron et fondateur de l’Apple Daily, le millionnaire Jimmy Lai, qui avait lancé le quotidien en 1995, est actuellement en prison pour sa participation aux manifestations pro-démocratie de 2019, considérées comme illégales par les autorités. Originaire du sud de la Chine, il avait fait fortune dans le textile après être arrivé à Hong Kong, alors colonie britannique, sans le sou à l’âge de 12 ans. Résolument anti-communiste, jusqu’à prendre parti pour Donald Trump, il s’est toujours rangé du côté des démocrates et en a payé le prix.
Le même jour où on apprenait la fin de l’Apple Daily, comparaissait le premier prévenu poursuivi dans le cadre de la loi sur la sécurité nationale pour « incitation à la sécession et au terrorisme », rapporte le site de la radio-télévision de Hong Kong (RTHK) [2].
Tong Ying-kit, 24 ans, se voit reprocher d’avoir foncé avec sa moto sur des policiers le 1er juillet 2020 en brandissant un drapeau où était inscrit : « Libérez Hong Kong, la révolution de notre temps. » L’un des slogans des manifestations de 2019, considéré comme un appel à l’indépendance par les autorités. Son procès doit durer quinze jours.
François Bougon