Peu importe le couvre-feu imposé par la junte. Thuya Aung était déterminé à trouver de l’oxygène pour son père infecté par le Covid-19 et alité dans leur maison de Rangoun. “Le temps était compté”, témoigne le jeune homme auprès du South China Morning Post. “C’est pourquoi il me fallait y aller même si je prenais le risque d’être arrêté ou abattu par les soldats.” Une mission risquée mais vaine au bout du compte. Sa mère l’a appelé, son père venait de mourir.
Lundi 12 juillet, écrit le journal de Hong Kong, les autorités sanitaires birmanes ont rapporté 5 014 nouvelles infections, “dépassant pour la première fois la barre des 5 000 contaminations quotidiennes”. La veille, abonde The Irrawaddy, 82 décès ont été signalés, là encore “le bilan le plus élevé depuis le coup d’État du 1er février”. Au total, officiellement, près de 4 000 personnes sont mortes du Covid-19 depuis le début de la pandémie. Mais “beaucoup pensent que ces chiffres sont largement sous-évalués”, relève le site indépendant, “alors que trois variants, dont le Delta, circulent à travers le pays”.
Pénurie d’oxygène
Un variant qui fait peser une pression considérable sur les infrastructures médicales du pays, mais aussi sur les stocks d’oxygène. Comme Thuya Aung, beaucoup bataillent pour dénicher une bouteille, dont les prix s’envolent. Celles de 40 litres, détaille The Irrawaddy, se négociaient jusqu’à peu à 230 000 kyats (118 euros). “Désormais leur prix s’élève à 350 000 kyats”, soit 180 euros. Une fortune pour la plupart des Birmans.
“Et pourtant, même ceux qui en ont les moyens n’arrivent pas à en trouver.”
À Mandalay, raconte The Irrawaddy, d’immenses files d’attente se sont formées à l’extérieur des entreprises produisant de l’oxygène. Mais, samedi 10 juillet, leurs propriétaires ont reçu l’ordre de ne plus fournir que les hôpitaux et cliniques contrôlés par le ministère de la Santé. La consigne valant pour l’ensemble du pays a été confirmée deux jours plus tard par le porte-parole de la junte, réduisant ainsi encore davantage les possibilités de se procurer l’indispensable gaz.
Mardi 13 juillet, selon le site d’information Coconuts Yangon, les militaires ont commencé à mettre leur menace à exécution. Dans le quartier de Dagon, à Rangoun, des soldats ont tiré des coups de feu pour disperser une foule espérant obtenir de l’oxygène. Ils auraient aussi effrayé ceux qui rentraient chez eux avec une bouteille. Aucune victime n’a été signalée mais tous ont dû abandonner leurs cylindres sur place.
Current situation in #Yangon. Many people are waiting in line to refill Oxygen. Oxygen shortage is the major problem for #Myanmar now. And Junta Terrorists use #COVID19 as a weapon. #SACWantsCovidUncontrollable #July13Coup #WhatsHappeningInMyanmar pic.twitter.com/S4FGSHAkZm
— Ñwăýöö ChoCho🇲🇲✊ (@Katycho2021) July 13, 2021
Des soignants arrêtés ou abattus
Un grand nombre de Birmans meurent faute d’avoir pu bénéficier d’une assistance respiratoire. Y compris dans les hôpitaux. C’est le cas à Mandalay. “Hier, 23 personnes sont mortes. Nous avons également enterré neuf personnes ce matin”, raconte Ko Htwar Gyi, membre d’une organisation caritative dans cette grande ville du nord du pays. Mais, à l’instar du père de Thuya Aung, beaucoup sont tout simplement refoulés des hôpitaux, qui prétextent ne pas avoir suffisamment de lits et se contentent de leur prescrire une quarantaine, s’indigne le South China Morning Post.
À la suite au coup d’État du 1er février, une partie du personnel médical s’est mise en grève pour protester contre l’éviction du gouvernement élu d’Aung San Suu Kyi. Le mouvement se poursuit et certains de ces grévistes sont aujourd’hui derrière les barreaux. Quand ils ne sont pas la cible de violentes représailles. Au 1er juillet, le Myanmar Doctors for Human Rights Network dénombrait ainsi 240 agressions contre des soignants, dont 17 se sont soldées par des décès.
Courrier International
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