Ce sont des mots qu’il aurait aimé ne jamais avoir à prononcer. Et pourtant, le docteur Cyrille Chabartier, chef du service de réanimation au CHU de Martinique, à Fort-de-France, fait ce constat, vendredi 13 août : « Il y a une dizaine de morts par jour au CHU, avec une morgue qui n’est plus en mesure, à l’heure actuelle, d’accueillir des patients dans des conditions de respect de la dignité. » En Martinique, les malades du Covid-19 sont désormais trop nombreux pour être tous pris en charge. Les 55 lits de réanimation ne suffisent pas, l’hôpital est débordé. Pour cause, le nombre de contaminations continue d’augmenter avec un taux d’incidence de près de 1 200 cas pour 100 000 habitants.
Dix corps contre deux ou trois en temps normal entrent chaque jour dans ce bâtiment du CHU où 25 casiers permettent de conserver les défunts. Il a donc fallu faire appel aux structures privées. « On a mis beaucoup de pression sur les pompes funèbres, on arrive au jour le jour à faire partir les personnes décédées, relate Dominique Arad-Chenor, responsable de la chambre mortuaire. On a des décès à l’hôpital mais il y en autant à l’extérieur, on se retrouve par jour à plus de 60 annonces de décès. »
En Martinique, beaucoup de ces faire-part de décès sont lus à la radio. Mais face à cette longue liste, même l’aide des pompes funèbres ne suffit plus, admet Claude qui travaille à la morgue. « En Martinique, nous n’avons pas assez de structure assez large pour pouvoir mettre toutes ces personnes, souffle-t-il. On a un funérarium qui n’a pas assez de places pour pouvoir nous aider. La seule solution, c’est de nous permettre d’avoir un mobil-home pour pouvoir nous soulager un peu. » Un mobil-home réfrigéré dont le principe est acté, mais qui jeudi soir n’avait toujours pas été installé dans l’enceinte de l’hôpital.
Faustine Calmel
Radio France
[Vidéo : Coronavirus en Martinique : la morgue de l’hôpital saturée - Reportage de Faustine Calmel
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• France Info. Publié le 13/08/2021 19:56 Mis à jour le 13/08/2021 19:58 :
https://www.francetvinfo.fr/france/martinique/covid-19-en-martinique-au-chu-de-fort-de-france-la-morgue-n-est-plus-en-mesure-d-accueillir-des-patients-dignement_4736693.html
Des soignants « submergés » contraints d’exercer la médecine de guerre
Malgré l’arrivée des renforts venus de métropole mardi, l’hôpital de Fort-de-France est complètement saturé.
« C’est du Covid. Madame, vous avez du diabète ? Vous êtes vaccinée ? » La scène, à quelques détails près, se répète inlassablement depuis plusieurs jours à l’arrivée des ambulances aux urgences de l’hôpital de Fort-de-France.C’est dans cet hôpital, au CHU de Fort-de-France que doivent se rendre jeudi 12 août les ministres de la Santé et des Outre-mers, Olivier Véran et Sébastien Lecornu.
Alors que la Martinique est soumise à un nouveau confinement depuis le mardi 10 août et que des renforts de métropole constitués de soignants volontaires ont rejoint les Antilles le même jour, l’épidémie de Covid-19 continue de flamber.
Tous les médecins s’accordent à le dire, c’est du jamais-vu. L’hôpital est en train de craquer. La tente installée sur le parking du CHU de Fort-de-France est la première étape avant d’entrer dans le bâtiment. Un moyen de gagner un peu d’espace. Ici, il y a des brancards partout, près de cinquante malades, tous Covid.
« Un tri » des patients
Si leur état se dégrade, ils devraient aller en réanimation. Sauf que la place manque, se désole le chef du service, le docteur Cyril Chabatier. « Le bon terme, c’est submergé. À l’heure actuelle, il y a 45 lits de réanimation qui ont été ouverts sur le CHU, plus de 10 lits par l’armée et malgré tout cela il y a près d’une centaine de patients dans les étages qui relèveraient d’un service de réanimation et que nous ne sommes pas en mesure de prendre. »
Un « choix », un « tri » des patients, « on en est là », confirme Régine Mengé, cadre de santé. La bascule est faite entre la médecine civile destinée à tout mettre en œuvre pour sauver les patients et la médecine de guerre qui priorise les personnes ayant le plus de chances de survivre.
Quand on lui demande ce qui est le plus dur, elle répond : « Du point de vue humain, c’est maintenant l’âge des patients que l’on a dans les lits. Le plus jeune patient qu’on a eu à prendre en charge avait 19 ans. » La semaine dernière, deux hommes, âgés de 31 et 33 ans sont morts du coronavirus en réanimation.
Faustine Calmel Radio France
• France Info. Publié le 12/08/2021 09:10 :
https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/covid-19-en-martinique-des-soignants-submerges-contraints-d-exercer-la-medecine-de-guerre_4735295.html