En France, d’après le rapport de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église, près de 216 000 enfants ont été victimes depuis 1950 de tels abus commis par des prêtres ou des religieux, soit une moyenne de 3 000 par an. Si l’on y ajoute ceux qui sont perpétrés par des laïcs liés à l’Église catholique, le nombre pourrait même atteindre 330 000.
Le président de cette commission, Jean-Marc Sauvé, a souligné que pendant des années les affaires avaient été dissimulées sous une “chape de silence” et que l’Église catholique avait manifesté “jusqu’au début des années 2000 une indifférence profonde et même cruelle à l’égard des victimes”.
Si, malheureusement, la majorité des faits est prescrite en vertu du droit français, une victime a néanmoins qualifié le rapport de “tournant” historique. Des publications de ce type sont en effet essentielles, car elles constituent une chance de rendre justice aux victimes.
Impartialité
La France n’est pas le premier pays dont la conférence des évêques a décidé de mettre sur pied une commission d’enquête sur les abus dans l’Église. Toutefois, la méthode retenue mérite d’être suivie.
Premièrement, cette commission a accueilli en son sein des personnes indépendantes de l’Église, y compris des incroyants, grâce auxquelles son impartialité a pu être préservée. Deuxièmement, ses membres n’ont pas seulement analysé les documents de la police ou de l’Église, mais ils se sont aussi efforcés de retrouver par eux-mêmes les victimes.
Manque de volonté
En Pologne, pour le moment, nous ne pouvons que rêver d’un rapport sur le modèle français. Un geste positif mais isolé a été la création [en avril 2021] d’une commission indépendante pour examiner les abus chez les dominicains. Après avoir pendant des années dissimulé une personne accusée de manipulations et de viols, l’ordre a fini par décider de faire le ménage dans ses rangs et a demandé à Tomasz Terlikowski [un célèbre journaliste catholique] de former une équipe de spécialistes chargée d’enquêter.
Son rapport de près de 300 pages décrit de façon exhaustive les négligences et abus commis pendant des années. Il montre aussi très bien qu’en Pologne, si nous le voulons, nous sommes également capables d’affronter de telles histoires. Le problème est que les évêques polonais manquent de volonté pour faire la lumière sur les affaires d’abus.
Certes, de temps à autre, l’un d’entre d’eux explique à quel point l’Église se préoccupe des victimes de pédophilie, mais ces déclarations ne sont suivies d’aucun acte. En outre, la contrition n’est souvent qu’apparente, car après avoir battu leur coulpe, certains cherchent des justifications.
Continuité
L’archevêque [et président de la Conférence épiscopale polonaise] Stanislaw Gadecki a ainsi indiqué que la pédophilie ne concernait pas seulement les prêtres. Même les sanctions successives prononcées par le Vatican à l’encontre d’évêques polonais pour dissimulation ne changent pas grand-chose, car les prêtres punis aussi bien que leurs collègues continuent de se comporter comme si de rien n’était.
Peut-être qu’ils devront réfléchir à leur comportement à l’issue de leur visite ad limina en cours chez le pape François, qui les a convoqués en urgence en raison du grand nombre de plaintes.
Cependant, l’archevêque Gadecki a d’ores et déjà déclaré que ce ne serait pas le thème principal, “car le premier sujet est la reconstruction de la foi”. Je ne sais pas quelles sont ses idées pour reconstruire la foi, mais j’ai un bon conseil à lui donner : avant de construire, il faut d’abord faire le ménage.
Ewa Wilczyńska
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