Glasgow (Écosse).– « Le tapis roulant qui amène le charbon vers la poubelle de l’histoire est en marche », s’est félicité mercredi soir Leo Roberts, du think tank indépendant européen sur le climat E3G. Dans la nuit du mercredi 3 au jeudi 4 novembre, une coalition d’une quarantaine de pays s’est engagée à sortir de la houille entre les décennies 2030 et 2040, ainsi qu’à ne plus soutenir la création de nouvelles centrales à charbon.
Première contributrice du réchauffement planétaire, la combustion de ce minerai noir pour produire de l’électricité engendre 45 % des émissions mondiales de CO2. Et pour avoir une chance de limiter le réchauffement de notre planète à 1,5 °C, l’Organisation des Nations unies somme les entreprises charbonnières de réduire leur production de 11 % par an jusqu’en 2030.
Parmi les signataires de cette « Déclaration mondiale sur la transition du charbon vers l’énergie propre », se trouvent des États disposant encore d’une capacité de production d’électricité fondée sur le charbon significative comme l’Allemagne, le Canada, l’Italie, le Chili ou le Vietnam, ainsi que des pays extracteurs de houille comme la Pologne ou l’Afrique du Sud.
« C’est un tournant dans nos efforts mondiaux pour lutter contre le changement climatique. Les nations du monde entier s’unissent à Glasgow pour déclarer que le charbon n’a aucun rôle à jouer dans notre future production d’électricité », s’est enthousiasmé Kwasi Kwarteng, secrétaire d’État britannique à l’énergie dont le gouvernement est à l’origine de l’initiative.
Une énorme infrastructure fossile à démanteler
À l’heure actuelle, 432 mines de charbon sont en cours de développement ou de planification à travers le monde. Ces nouvelles exploitations minières permettront à l’industrie houillère d’accroître sa capacité de production de 30 % d’ici à 2030.
D’après l’Agence internationale de l’énergie, plus de 8 500 centrales à charbon sont en activité sur le globe, produisant un cinquième des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
En ce sens, cette déclaration mondiale pour la fin du charbon précise la nécessité d’« accroître rapidement le déploiement de la production d’électricité propre » et souligne que « pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris visant à limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 °C, la transition mondiale vers une énergie propre doit progresser quatre à six fois plus vite qu’aujourd’hui ». En effet, le charbon pèse encore 35 % de la production d’électricité dans le monde, demeurant une filière essentielle dans les pays du Sud.
L’industrie du charbon représente encore à travers la planète près de 10 millions d’employés, selon l’Organisation internationale du travail. Les pays signataires de l’accord ont insisté sur le fait de « fournir un cadre solide de soutien financier, technique et social aux travailleurs, aux secteurs et aux communautés touchés ».
« Avant 2030, nous devons mettre en place des plans de transition juste dans chaque pays, avec des emplois décents et de qualité, a alerté Sharan Burrow, secrétaire général de la Confédération syndicale internationale, qui représente plus de 105 millions de salariés dans 163 pays . Les travailleurs et leurs syndicats doivent être présents à la table des négociations par le biais d’un véritable processus de dialogue social qui garantisse que des mesures de transformation permettent à nos économies et à nos sociétés de stabiliser le climat. »
Greenwashing en embuscade
Toutefois, les économies les plus dépendantes du charbon sont absentes de cet accord annoncé en fanfare par le gouvernement britannique. Ainsi, les États-Unis n’ont pas rejoint la coalition anti-charbon. Idem pour l’Australie, l’Inde, la Russie et la Chine, quatre pays qui concentrent à eux seuls 77 % de tous les projets internationaux de développement minier.
Plus gros consommateur mondial de houille – 60 % de son électricité est encore produite à partir du minerai noir –, la Chine s’était engagée en septembre dernier, devant l’Assemblée générale de l’ONU, à ne plus construire de nouvelles centrales à charbon à l’étranger d’ici fin 2021.
La communauté internationale y avait décelé un premier pas vers sa sortie définitive du charbon, à quelques semaines de la COP26. Mais face à la flambée du coût des matières premières, le gouvernement chinois a autorisé, en plein sommet international sur le climat, l’augmentation de sa production quotidienne de charbon de près de 10 %.
Par ailleurs, les institutions bancaires ont profité des projecteurs braqués sur cette « Déclaration mondiale sur la transition du charbon vers l’énergie propre » pour annoncer leur volonté de cesser de financer le développement du charbon.
Le gouvernement britannique a surfé sur l’engouement médiatique, COP26 oblige, pour communiquer sur le fait que les grandes banques londoniennes NatWest et HSBC rejoignaient le Powering Past Coal Alliance, une alliance pour la fin du charbon lancée en 2017. Un engagement à peu de frais pour ces institutions de la City, qui permet avant tout de s’afficher comme soucieux de l’urgence climatique.
Ainsi, NatWest, sponsor officiel de la COP26, a déployé en 2019 une politique de « sortie complète du charbon d’ici 2030 ». Mais, deux ans plus tard, les détails de la mise en œuvre concrète de cette promesse manquent toujours pour cet établissement qui a investi dans des mines houillères en Colombie et aux États-Unis ou encore dans une centrale électrique au charbon en Australie.
« La politique de retrait des combustibles fossiles de NatWest est trop flexible pour éliminer progressivement son financement actuel du charbon,relève l’ONG Reclaim Finance. Le soutien de NatWest à l’industrie du charbon s’élevait à plus de 2 milliards de dollars entre octobre 2018 et octobre 2020. » En 2020, ce partenaire officiel de la COP26
Quant au géant financier HSBC, il a entre 2018 et 2020 injecté plus de 15 milliards de dollars dans des entreprises du secteur houiller, soutenant entre autres le développement massif d’infrastructures charbonnières au Bangladesh.
« Ce qu’il faut retenir de cette annonce décevante ? En gros, on les laisse continuer comme si de rien n’était pendant des années encore »,conclut Jamie Peters, directeur de campagne chez Friends of the Earth.
Mickaël Correia