Promulgué le 31 août et entré en vigueur fin octobre, le décret sur la prévention et le traitement des violences sexuelles dans les établissements d’enseignement supérieur en Indonésie “est une bouffée d’air frais” pour la lutte contre les violences sexuelles sur les campus, se félicite Koran Tempo.
Selon le quotidien indonésien, le problème est prégnant dans les universités indonésiennes : une enquête de la Direction générale de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la technologie du ministère de l’Éducation a établi en 2020 que 77 % des enseignants admettent qu’il y a des violences sexuelles sur les campus et que 63 % des victimes ne se sont pas signalées à l’administration.
Koran Tempo note en outre que le décret signé par le ministre de l’Éducation, de la Culture et de la Recherche indonésien, Nadiem Makarim, “réglemente l’approche, la prévention et le traitement des violences sexuelles avec pour principe l’intérêt supérieur de la victime”. Et qu’il prévoit l’obligation pour les universités de créer des bureaux pour la prévention et le traitement des violences sexuelles, afin de permettre aux victimes de signaler la violence ou le harcèlement sexuel qu’elles ont subis.
Une définition large des violences sexuelles
Selon Sulistyowati Irianto, cofondatrice des études de genre et de droit à l’université d’Indonésie, la pertinence de ce décret, qui précise qu’il y a violence quand il y a “non-consentement de la victime”, tient dans la très large définition qu’il donne aux violences sexuelles. “Cette définition explique très clairement les actes de violence sexuelle”, écrit l’universitaire dans Kompas :
“À savoir : (a) humilier, insulter, harceler et/ou attaquer le corps et/ou la fonction reproductive d’une personne, (b) dans des conditions de relations de pouvoir inégales ou d’inégalité de genre, (c) entraînant de graves souffrances pour la victime. Elle semble bien avoir été élaborée à partir des expériences de victimes sur le terrain, qui se comptent par milliers.”
Mais le décret est rejeté avec véhémence par plusieurs mouvements islamiques conservateurs, dont la Muhammadiyah, deuxième plus grande organisation musulmane d’Indonésie. Lincolin Arsyad, président du Conseil pour la recherche et le développement de l’enseignement supérieur de la direction centrale de la Muhammadiyah, a ainsi déclaré à Kompass que le texte “induit la légalisation des actes immoraux et des relations sexuelles libres fondées sur le consentement” et que sa formulation “dicte la norme du bien et du mal d’une activité sexuelle non plus fondée sur des valeurs religieuses […] mais sur l’accord des parties”.
Face à cette opposition des musulmans conservateurs, les partisans du décret se mobilisent sur les campus et se regroupent en ligne sur le site Aliansi Kampus Aman (Alliance des campus en sécurité). Une mobilisation plus que nécessaire, rappelle le Jakarta Post :
“Il s’agit du deuxième règlement publié par le ministre rejeté par les groupes conservateurs. En février 2021, Nadiem avait émis un décret ministériel interdisant aux écoles publiques de rendre le hidjab obligatoire pour les élèves non musulmanes, qui a ensuite été révoqué par la Cour suprême à la suite d’une pétition d’un groupe religieux.”
C’est pourquoi Kompas presse le gouvernement de procéder immédiatement à “une plus large sensibilisation du public” à l’importance du décret sur la prévention des violences sexuelles sur les campus, afin d’empêcher les campagnes de désinformation, qui insinuent notamment que le texte “légalise l’adultère”.
Courrier International
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