Mary Ellen Cuzela l’assure : “Je ne veux pas interdire des livres. Je ne veux pas brûler des livres, mon Dieu, non.”
Cette mère de famille d’une banlieue de Houston, au Texas, “qui s’inquiète que des élèves soient endoctrinés par des propos sur le sexe et par la ‘théorie critique de la race’, a lancé l’an dernier avec succès une pétition pour que son district scolaire, comptant quelque 83 000 élèves, retire deux livres de ses bibliothèques : le roman Lawn Boy de Jonathan Evison et le roman graphique Losing the Girl de MariNaomi”, relate le Los Angeles Times.
Le premier “évoque le sexe oral entre garçons” et le second “est centré sur des personnages LGBTQ”, explique le journal californien.
Une pratique qui ne se limite pas à la droite
Mary Cuzela, qui travaille comme enseignante remplaçante, “a une liste d’une douzaine d’autres livres qu’elle voudrait voir disparaître des écoles” de sa région.
“Je ne suis pas dans la censure. Il ne s’agit pas de cela. On filtre l’accès Internet des élèves : on a des mots-clés, des mots alerte qui doivent interdire l’accès de certains sites aux mineurs. Pourquoi est-ce qu’on ne fait pas la même chose dans les bibliothèques scolaires ?”
Il n’y a pas que les conservateurs. “Des parents de gauche ont aussi cherché à faire retirer des livres des écoles ces dernières années, souligne le Los Angeles Times (quotidien lui-même de gauche). Des écoles de Burbank [en Californie] ont retiré l’an dernier les classiques Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur et Des souris et des hommes après que des parents se sont plaints de la façon dont la race et le racisme y étaient évoqués, qui pourrait blesser des élèves. Ces livres ont été parmi ceux le plus souvent retirés l’an dernier dans le pays.”
“Ces parents ont le droit d’être en colère”
Toutefois, souligne le journal, les républicains ont fait des écoles un cheval de bataille politique. Ce thème de campagne a notamment permis à Glenn Youngkin d’être élu gouverneur de Virginie, la semaine dernière. Au Texas, où ils sont au pouvoir, les législateurs républicains ont notamment voté une loi pour interdire l’enseignement de la “théorie critique de la race”, une approche universitaire consistant à étudier le racisme au niveau systémique, qui n’est pas enseignée dans le secondaire aux États-Unis.
Lundi 8 novembre, le gouverneur républicain du Texas, Greg Abbott, a envoyé une lettre à l’association des conseils scolaires de l’État (ces instances pilotent la politique éducative de chaque district scolaire) et à des agences étatiques “en demandant qu’elles enquêtent sur des livres ‘pornographiques’ dont les parents se sont plaints dans les établissements publics”, rapporte le Los Angeles Times, citant le courrier :
“Ces parents ont le droit d’être en colère. […] Les membres de votre organisation ont l’obligation de déterminer dans quelle mesure ces documents existent ou sont utilisés dans nos établissements et de les retirer.”
“Guerre contre les livres”
“Ces débats autour des livres sont alimentés par des posts sur les réseaux sociaux et des vidéos sur YouTube, où l’on entend des parents se plaindre lors de réunions des conseils scolaires”, explique le journal.
On assiste à une “guerre contre les livres” pour le politologue Richard Price, cité par le quotidien. “Personne n’avait entendu parler de Lawn Boy jusqu’à ce qu’une mère se pointe dans un des districts du Texas et se lance dans une diatribe contre ce livre”, ajoute ce professeur de l’université d’État de Weber, dans l’Utah.
Richard Price, qui se considère comme non binaire, tient un blog nommé “Adventures in Censorship” (“Aventures dans la censure”) où apparaît un autre livre graphique récemment pris pour cible : Gender Queer : A Memoir (“Mémoires d’une queer”), de Maia Kobabe.
Il affirme que les établissements et les conseils scolaires tendent de plus en plus à céder aux demandes des parents. “Ils cherchent à calmer les groupes qui s’en prennent à ces livres. En général, ça ne marche pas. Quand on commence à retirer certains livres, ils en exigent d’autres.”
Los Angeles Times
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