C’était un scrutin sans opposition. Hongkong a enregistré un taux de participation historiquement bas, pour le renouvellement de son Conseil législatif, le premier organisé en vertu de nouvelles règles imposées par Pékin. Seuls 30 % des inscrits ont voté pour désigner les 20 membres élus au suffrage universel sur les 90 que compte le Conseil législatif (LegCo), a annoncé le principal responsable des élections dans ce territoire. Les 70 membres restants sont choisis par plusieurs comités composés d’élites politiques acquises au régime chinois.
Ce scrutin se tenait en vertu d’un nouveau processus imposé par Pékin, qui a drastiquement réduit le nombre des sièges pourvus au suffrage universel et réservé le droit d’être candidat aux « patriotes » loyaux envers la Chine.
Le taux de participation final n’a pas encore été dévoilé, mais il pourrait être le plus bas depuis la rétrocession de Hongkong à la Chine par le Royaume-Uni en 1997. Au précédent scrutin, en 2016, la participation avait été de 58,3 %. Le LegCo comptait alors 70 membres, pour moitié désignés directement par les électeurs.
Un thermomètre de l’opposition
Cette année, pour être autorisé à briguer un siège, chacun des 153 candidats avait dû donner des gages de loyauté politique à l’égard de la Chine et de « patriotisme ». De ce fait, les militants pour la démocratie ont été empêchés de se présenter ou y ont renoncé, lorsqu’ils ne sont pas en prison ou en fuite à l’étranger.
Plusieurs d’entre eux qui vivent en exil avaient appelé à boycotter les urnes. Les personnes exclues du scrutin « sont ces traîtres qui n’auraient pas agi pour le bien général de Hongkong », a lancé dimanche le numéro deux du gouvernement de ce territoire, John Lee.
Le taux de participation, thermomètre de l’adhésion des Hongkongais au nouveau système électoral, était donc la seule véritable inconnue. S’abstenir ou voter blanc ou nul reste légal à Hongkong. En revanche, encourager ces pratiques constitue depuis cette année une infraction pénale, pour laquelle dix personnes ont été arrêtées. Les nouvelles règles ont été imposées par Pékin dans le cadre de la reprise en main du territoire après les gigantesques manifestations pour la démocratie de 2019.
La chef de l’exécutif, Carrie Lam, a défendu lundi le nouveau système électoral et a minimisé la forte abstention. « Hongkong est de retour sur la bonne voie, celle d’“un pays, deux systèmes” », a-t-elle expliqué en conférence de presse, faisant référence au modèle censé conférer une autonomie au territoire chinois.
« Nous ne pouvons pas copier-coller le système ou les règles soi-disant démocratiques des pays occidentaux », a-t-elle ajouté, estimant que les éléments « antichinois » étaient désormais exclus et que le calme politique était rétabli.
Les médias d’Etat chinois ont pour leur part vu un succès éclatant dans ce scrutin. L’agence officielle Chine nouvelle écrivant notamment que le vote avait écrasé « les mensonges des forces extérieures tout en démontrant la véritable volonté du peuple de la ville chinoise ».
Le gouvernement avait publié des pages de publicité dans les journaux, distribué des tracts dans les boîtes aux lettres et envoyé massivement des SMS pour inciter les Hongkongais à voter. Les transports publics étaient gratuits dimanche.
La faible participation est « extrêmement embarrassante » pour le gouvernement, a estimé Kenneth Chan, politologue à l’université baptiste de Hongkong. « La plupart des électeurs défendant la démocratie ont décidé de s’abstenir, pour exprimer leur désapprobation », a-t-il déclaré à l’Agence France-Presse.
Eradiquer les éléments « antichinois »
Avant le scrutin, Mme Lam avait affirmé qu’un faible taux de participation ne « voudrait rien dire ». « Quand le gouvernement fait bien les choses et que sa crédibilité est forte, la participation des électeurs est moindre car les gens ne ressentent pas vraiment le besoin de choisir de nouveaux représentants », avait-elle assuré dans les médias d’Etat chinois.
De récents sondages indépendants situent sa cote de popularité aux alentours de 36 %. En allant voter dimanche, la chef de l’exécutif a été interpellée par trois militants d’un parti en faveur de la démocratie qui ont réclamé un « vrai suffrage universel ».
Le LegCo est l’organisme chargé de voter les lois dans l’ancienne colonie britannique de 7,5 millions d’habitants, dont le système légal reste distinct de celui de Chine continentale. Même si la majorité des sièges du Conseil était toujours accordée aux figures acquises à Pékin, une minorité d’opposants y était jadis tolérée, ce qui en faisait un lieu de débats souvent très vifs. Les nouvelles règles imposées par Pékin ont mis un terme à cette tradition.
A ce jour, déjà dix citoyens résidant à Hongkong ont été arrêtés en vertu d’une loi draconienne de sécurité nationale imposée par Pékin l’an dernier, et trois ont fui à l’étranger.
Pékin affirme que ce système électoral « amélioré » permettra d’éradiquer les éléments « antichinois » et de s’assurer que le LegCo adoptera plus rapidement les nouvelles lois. « Les gens ne veulent pas voter pour une chambre d’enregistrement et prétendre ensuite que tout va bien », a tweeté dimanche Nathan Law, un ancien membre du LegCo qui vit en exil à Londres. « Ceci est une fausse élection et la pire des régressions de notre système électoral », a renchéri un autre opposant, Brian Leung, réfugié aux Etats-Unis.