“Ranjan Gogoi était un terrible président de la Cour suprême”, lance The Wire dans un article au sujet de l’autobiographie de l’ex-président de la plus haute instance judiciaire, publiée récemment. L’ouvrage Justice for the Judge (“Justice pour le juge”), “censé défendre son mandat controversé, montre à quel point il est un mauvais avocat pour lui-même”, poursuit Siddharth Varadarajan, rédacteur en chef de The Wire. “Et la série d’interviews qu’il a donnée dans la foulée n’a fait que le confirmer.”
Dans son livre, Ranjan Gogoi a peu de choses à dire sur les sentences qu’il a prononcées, “alors que l’on pourrait normalement s’attendre à ce qu’un juge défende un jugement qu’il ou elle a rendu”. Ranjan Gogoi a notamment présidé le comité de juges ayant autorisé la construction d’un temple à la gloire du dieu hindou Rama en lieu et place d’une mosquée qui avait été détruite par des extrémistes hindous en 1992. Cette affaire a empoisonné la vie politique indienne des décennies durant. Le verdict, “horriblement imparfait”, a “en somme autorisé ceux qui ont démoli la mosquée de Babri en 1992 à récolter les fruits de leur crime”.
Hôtel de luxe et vin haut de gamme
L’ex-président de la Cour suprême publie d’ailleurs une photo de ce comité de juges dégustant du vin lors d’un dîner dans un hôtel de luxe avec la légende suivante : “Célébration du verdict historique [d’Ayodhya].” Il écrit aussi : “Le soir, j’ai emmené les juges dîner à l’hôtel Taj Mansingh. Nous avons mangé chinois et avons partagé une bouteille de vin, la meilleure disponible. J’ai payé l’addition, étant le plus âgé”, rapporte New Delhi Television sur son site Internet.
“Ces mots sont les siens […] et le fait qu’un président de la Cour suprême puisse ‘célébrer’ les conclusions d’une affaire contradictoire – et rendre publique cette célébration – nous dit à quel point il était mal placé pour juger cette affaire”, estime le site d’information The Wire.
“Mes juges et moi-même avons travaillé si dur, nous voulions faire une pause. Avons-nous commis quelque chose d’interdit ?” a-t-il répondu lors d’une interview donnée à New Delhi Television. Le journaliste lui avait demandé si cet épisode ne pouvait pas paraître comme un manque de sensibilité vis-à-vis des perdants dans l’affaire d’Ayodhya.
Harcèlement sexuel
L’ancien juge revient également sur sa décision de présider lui-même une audience dans une affaire de harcèlement sexuel dont il était l’accusé. “Dans mon livre, il y a une phrase qui dit qu’a posteriori peut-être ma participation [en tant que président] n’était pas correcte”, a-t-il déclaré à New Delhi Television, estimant qu’il était préoccupé par sa réputation. Le comité de juges avait à l’époque demandé aux médias d’être prudents dans leur couverture de ces “folles et scandaleuses allégations”.
“Après avoir pris sa retraite, Gogoi a ajouté une nouvelle tache à son parcours : il a accepté le cadeau que représente sa nomination à la chambre haute du Parlement, quelques semaines à peine après avoir quitté ses fonctions de juge”, indique The Wire. Mais les registres de la Rajya Sabha, la chambre haute du Parlement, montrent que son temps de présence n’atteint même pas les 10 %. “Je vais à la Rajya Sabha quand j’en ai envie”, a-t-il répondu à New Delhi Television à ce sujet.
“Malgré un mandat entaché de controverses, le juge a déclaré qu’il avait la conscience tranquille”, conclut la chaîne d’information en continu sur son site.
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