“Nous devons créer une ‘ceinture sécuritaire’ autour de l’Afghanistan”, a proposé le 11 janvier le président du Tadjikistan, Emomali Rakhmon, lors de la session extraordinaire de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), l’organisation politico-militaire qui réunit l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Russie et le Tadjikistan, relaie le site Sputnik Tadjikistan.
Selon Rakhmon, la situation à la frontière avec l’Afghanistan “se détériore chaque jour, les escarmouches sont permanentes, faisant des morts et des blessés”, cite le quotidien russe Izvestia. Les renseignements tadjiks rapportent que “sur le pourtour méridional de l’OTSC”, soit dans les provinces du nord-est de l’Afghanistan, avec lequel Douchanbé partage 1 344 kilomètres de frontière, “fonctionnent plus de 40 camps entraînant 6 000 terroristes”.
Menace de pénétration terroriste
Par ailleurs, rappelle Izvestia, à l’arrivée au pouvoir des talibans fin août 2021, et après le départ des forces armées américaines, “des milliers de prisonniers ont été relâchés et ont rejoint les radicaux”. Enfin, selon l’historien militaire russe Iouri Knoutov, interrogé par le même titre, les combattants de l’État islamique, défait en Syrie et en Irak, auraient trouvé refuge dans le nord de l’Afghanistan, et “ont déclaré la guerre aux talibans”. Selon Rakhmon, “c’est une force sérieuse qui conduit des actions de maquis et attaque par grands groupes”.
La menace de pénétration terroriste “va s’intensifier après l’échec de la tentative de coup d’État au Kazakhstan [graves émeutes entre le 2 et le 9 janvier]”, estime Knoutov. L’objectif des radicaux serait de “déstabiliser le Tadjikistan puis les autres pays d’Asie centrale”.
Le ministère des Affaires étrangères tadjik, toujours cité par Izvestia, a récemment informé que “le programme interétatique de renforcement de la frontière tadjiko-afghane abordait sa phase finale”. Par ailleurs, la liste des organisations reconnues comme terroristes et extrémistes “sera harmonisée entre les États membres de l’OTSC et de la CEI [Communauté des États indépendants, créée en 1991 après la dissolution de l’Union soviétique]”.
Le “potentiel énorme” de l’OTSC
La sénatrice russe Olga Kovitidi, membre de la commission de l’OTSC sur les questions politiques et la coopération internationale, souligne, pour sa part, “le potentiel énorme de l’OTSC révélé par les événements au Kazakhstan” et appelle à “renforcer les mécanismes internes de l’organisation”, pour “créer une ‘ceinture sécuritaire’ non seulement autour de l’Afghanistan, mais aussi sur le pourtour de l’OTSC”.
Comme le rappelle l’historien Andreï Kazantsev, l’OTSC “conduit déjà des opérations à la frontière tadjiko-afghane : l’opération ‘Canal’ de lutte contre la drogue afghane et l’opération ‘Frontière’ de protection du Tadjikistan contre une potentielle incursion des combattants [radicaux]”.
Le spécialiste des questions internationales Dmitri Stefanovitch juge bon de renforcer l’initiative du président tadjik en “impliquant l’Organisation de coopération de Shanghai [forum politique international créé en 2001 et composé de la Chine, l’Inde, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, le Pakistan, le Tadjikistan, l’Iran et la Russie, représentant une population totale de 3,480 milliards d’habitants], jusqu’à la mutualisation de forces et des moyens [avec l’OTSC] et une patrouille commune aux frontières”.
Stabiliser la région
Le site russe Regnum saluerait une participation du Pakistan et de l’Iran “au projet géopolitique de Rakhmon”, car, craint le média, vu les processus en Afghanistan, “toute la région d’Asie centrale pourrait exploser”. Selon ce site, “la ‘ceinture sécuritaire’ n’est pas une ‘zone tampon’ ou une ‘ceinture sanitaire’”. Sa création pourrait “changer radicalement la situation dans la région [eurasiatique]”, avec pour but “une stabilisation de la région et un système de relations internationales équilibrés sur le long terme”.
Alda Engoian
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