Le Rijksmuseum d’Amsterdam se serait bien passé de la récente polémique autour de l’exposition “Révolution ! L’Indonésie indépendante”, qui doit débuter le 11 février prochain. Tout a commencé lorsque l’un des quatre commissaires de l’exposition, de nationalité indonésienne, s’est fendu d’un essai, publié le 10 janvier dans NRC Handelsblad. “Effacez le terme ‘Bersiap’, il est raciste”, réclame Bonnie Triyana.
“Bersiap” est un terme indonésien signifiant “soyons prêts”. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il s’agissait du cri de ralliement des jeunes Indonésiens dans leur combat contre les colons néerlandais. Ces derniers, libérés des camps japonais en 1945, étaient à l’époque bien décidés à remettre la main sur ce qui était alors les Indes néerlandaises. Mais depuis, ce terme n’est utilisé que par les Pays-Bas en référence au massacre de leurs ressortissants et des “Indos”, les métis, par les révolutionnaires indonésiens entre 1945 et 1946.
C’est pourquoi, souligne Koran Tempo, Bonnie Triyana ne veut pas que ce terme soit utilisé comme intitulé général de l’exposition qui couvre cinq années de conflit, entre 1945-1949. “Les violences pendant la période de la révolution pour l’indépendance ont fait également de nombreuses victimes parmi la population locale”, justifie le commissaire dans le quotidien néerlandais.
“Vision woke” ?
Les réactions ne se font pas fait attendre. Deux jours plus tard, le journal de droite De Telegraaf évoquait en une une “Hystérie née d’une vision woke”. L’anthropologue Lizzy van Leeuwen pourfend le Rijksmuseum pour “avoir invité les petits-enfants des auteurs [de violences] à effacer l’histoire. À cracher dessus.”
Tempo cite également le tweet de Martin Bosma, député d’extrême droite du Parti pour la liberté (PVV) : “C’est la preuve que notre musée est entre les mains de l’extrême gauche. Le ‘Bersiap’ est un génocide contre les Hollandais.”
Weer een bewijs dat onze musea in handen zijn van extreem-links. Ze ontkennen de Gouden Eeuw, haten de VOC en voeren strijd tegen blanken.
De Bersiap was een GENOCIDE op Nederlanders ! https://t.co/Bqn72RU7Zo
— Martin Bosma (@Martinbosma_pvv) January 11, 2022
Pressé de réagir, le directeur du Rijksmuseum, Taco Dibbits, a cherché à calmer la polémique en confiant, dans une interview à NRC Handelsblad publiée le 14 janvier, que la tribune rédigée par Bonnie Triyana quelques jours auparavant ne reflétait que sa propre opinion : “Lui n’utilisera pas le terme ‘Bersiap’. Mais nous l’utiliserons dans l’exposition et dans le catalogue.”
Comme certains observateurs néerlandais, Koran Tempo considère qu’en refusant de retirer le terme controversé “le musée [a] cédé aux pressions de l’extrême droite”. Le quotidien indonésien espère tout de même le bon déroulement de l’exposition, qui se tiendra jusqu’au 5 juin. Outre les collections du Rijksmuseum, sept toiles de grands maîtres de cette époque révolutionnaire, prêtées par le palais présidentiel indonésien, seront exposées.
Courrier International
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