Dans son édition du 4 février, le Mail & Guardian publiait une série de reportages consacrés à la “faillite de l’État” sud-africain. Près de trente ans après la fin de l’apartheid, les services publics sont dans un état de déliquescence sévère. En cause, notamment, une quasi-décennie de gestion désastreuse et de corruption massive sous le mandat de Jacob Zuma (2009-2018). Parmi ces services à l’agonie figure l’hôpital public, où il faut attendre jusqu’à cinq ans pour un traitement par radiothérapie contre certains cancers.
Dans la province de Johannesburg, plus de 2 000 patients sont ainsi en attente de traitement, s’inquiète l’hebdomadaire sud-africain. Seuls deux hôpitaux proposent des radiothérapies dans cette région. En novembre 2021, deux groupes d’activistes, Cancer Alliance et Treatment Action Campaign, ont organisé une marche pour exiger des actions face à ce qu’ils appellent la “crise du cancer”. D’après eux, un patient peut attendre jusqu’à cinq ans pour obtenir une radiothérapie s’il est atteint d’un cancer de la prostate, jusqu’à un an s’il s’agit d’un cancer du sein et six mois dans le cas d’un cancer des cervicales. Salomé Meyer, membre de la Cancer Alliance, explique :
“Actuellement, les femmes ont accès à des dépistages du cancer des cervicales parce qu’il existe une politique de dépistage. Il y a également une campagne pour le cancer du sein mais elle n’est pas mise en œuvre, parce que les provinces n’ont pas les moyens de former le personnel médical aux examens de la poitrine et nous n’avons n’ont pas assez de mammographes. Les provinces essayent de mettre en œuvre les campagnes contre le cancer du poumon et de la prostate, mais jusqu’à un certain point seulement parce qu’elles manquent d’argent.”
Fuite dans le secteur privé du personnel soignant
Faute d’argent, les hôpitaux sont également en manque aigu d’infirmières spécialisées en oncologie et de personnel médical en général. En raison manque de fonds, l’écrasante majorité des soignants part dans le secteur privé ou à l’étranger. “La plupart des infirmières dont les études ont été financées par les impôts atterrissent dans le secteur privé”, constate le Mail & Guardian. Environ 40 % des médecins généralistes et des infirmières travaillent ainsi pour les 17 % de la population qui possèdent une assurance médicale.
Même sans assurance médicale, certains patients se tournent parfois vers le secteur privé, effrayés par la réputation de l’hôpital public. C’est le cas de Ntsako Khosa, qui a payé en liquide l’accouchement de ses deux enfants dans le privé par peur du secteur public : “J’ai entendu que des enfants étaient devenus aveugles, d’autres ont été frappés pendant le travail et tout le processus est traumatisant, d’après ce qu’on m’en a dit.” Ntsako a bien tenté d’obtenir une échographie dans un hôpital public, avant de tourner les talons : “J’ai regardé autour de moi, ce n’était pas propre ni chaleureux, je ne voulais pas que mon bébé naisse ici.”
Attente interminable pour une opération
Zandile Ndlovu s’est également tournée vers le privé quand elle a eu besoin d’une opération pour une hernie en 2019. Dans le public, on l’a placé sur une liste d’attente en lui donnant une ordonnance d’antidouleurs pour six mois dans l’attente d’une date. Dans le privé, elle a été opérée en deux semaines. Coût de la facture : environ 56 000 rands, soit plus de 3 000 euros.
Pour autant, Zandile ne désespère pas de l’hôpital public. “Elle a vu les ‘bons côtés’ du secteur quand sa fille de 4 ans a été diagnostiquée autiste”, explique-t-elle au Mail & Guardian. Dans le public, l’enfant a eu accès à des séances de thérapie du langage, d’ergothérapie, des consultations en neurologie ainsi qu’une visite chez un audiologue sans difficultés. “Dans le privé, cela aurait épuisé nos prestations, parce que l’autisme n’est pas considéré comme une maladie chronique et ne bénéficie pas de remboursements minimaux garantis”, explique la maman.
Mail & Guardian
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