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Les scores de Mélenchon sont sans appel. Il s’agit d’un vote de classe, avec 50, 55 voire 60 % de voix dans les quartiers populaires et un soutien massif, gagné par les positionnements contre Macron et l’extrême droite, les mots d’ordre sociaux et un discours renouvelé contre le racisme et l’islamophobie. Des dizaines de milliers de personnes se mettent à agir, même s’il faudra vérifier que cela se maintient sur la durée. Une phase s’est ouverte où des expériences massives ont lieu sur le terrain militant, certes électoral, mais qui n’est plus – à cette étape – limité aux appareils ossifiés de la gauche institutionnelle…
Crédit Photo. Convention de la NUPES qui a validé les candidatures aux législatives. © FB Danièle Simonnet.
Un courant en rupture avec les gestions passées du capitalisme
Nous n’observons certes pas un soulèvement de millions de personnes, mais « [la science veut] qu’on tienne compte de toutes les forces : groupes, partis, classes et masses agissant dans le pays, au lieu de déterminer la politique uniquement d’après les désirs et les opinions, le degré de conscience et de préparation à la lutte d’un seul groupe ou d’un seul parti [1] ». On doit analyser la situation à la lumière des rapports de forces globaux, à savoir la montée de l’extrême droite et du danger fasciste, la politique ultra-libérale et autoritaire de Macron et la faiblesse des mobilisations sociales.
Les marges de manœuvre qui permettaient un capitalisme paternaliste et redistributif se réduisent, malgré les – et à cause de – centaines de milliards investis pendant la crise sanitaire pour éviter le naufrage économique, et cela conduit à une usure intensive des appareils de gestion que sont le PS et LR.
L’hostilité des éditorialistes bourgeois montre que la classe dominante ne souhaite pas intégrer Mélenchon et la NUPES à la gestion de ses affaires. Caroline Fourest fustige ainsi « ce qui sépare une gauche radicale, plutôt identitaire, hostile à l’Union européenne et à ses traités, et une gauche plus responsable, républicaine, laïque, universaliste [2]. » Ce discours se combine à toutes les nuances d’une offensive raciste, de l’affaire Taha Bouhafs à la campagne contre l’autorisation du burkini à Grenoble, montrant à quel point le racisme est un outil pour attaquer les classes populaires et leurs représentations politiques.
La tentative d’accord entre le NPA et la NUPES
C’est dans ce contexte que le NPA a souhaité un accord avec l’Union populaire. Pour accompagner la reconstruction de la conscience de classe qui s’opère par le vote Mélenchon, pour agir à l’intérieur du mouvement réel et non pas en critique extérieure.
Cette démarche, inhabituelle chez nous, n’est pas nouvelle dans le mouvement ouvrier révolutionnaire. Dans La maladie infantile, Lénine défend une position similaire : « De ce que la majorité des ouvriers d’Angleterre suit encore les Kérensky ou les Scheidemann anglais ; de ce qu’elle n’a pas encore fait l’expérience du gouvernement de ces hommes, expérience qui a été nécessaire à la Russie et à l’Allemagne pour amener le passage en masse des ouvriers au communisme, il résulte […], avec certitude, que les communistes anglais doivent participer à l’action parlementaire, doivent de l’intérieur du parlement aider la masse ouvrière à juger le gouvernement Henderson-Snowden d’après ses actes, doivent aider les Henderson et les Snowden à vaincre Lloyd George et Churchill réunis. Agir autrement, c’est entraver l’œuvre de la révolution, car si un changement n’intervient pas dans la manière de voir de la majorité de la classe ouvrière, la révolution est impossible ; or ce changement, c’est l’expérience politique des masses qui l’amène, et jamais la seule propagande. »
L’accord proposé initialement par l’UP ressemblait d’ailleurs à ce que Lénine propose plus bas : « Le Parti communiste propose aux Henderson et aux Snowden un “compromis”, un accord électoral : nous marchons ensemble contre la coalition de Lloyd George et des conservateurs ; nous partageons des sièges parlementaires proportionnellement au nombre de voix données par les ouvriers soit au Labour Party, soit aux communistes (non aux élections, mais dans un vote spécial) ; nous gardons, pour notre part, la plus entière liberté de propagande, d’agitation, d’action politique. »
Il s’agissait pour nous d’aider à la victoire d’une gauche recomposée, qui n’est pas perçue comme participant loyalement à la gestion du capitalisme, accompagner cette dynamique, nous lier à un milieu très large qui veut peser sur la situation, changer le rapport de forces et imposer des revendications sociales, pour prolonger cette dynamique dans la construction des luttes.
Hélas l’accord n’a pas pu se faire car la direction de l’UP a privilégié un accord avec le PS. Cela découle de la volonté, indiquée dès le début par la direction de l’UP de « construire une dynamique majoritaire ». Nous avions interprété naïvement – mais en politique la naïveté est une qualité, une forme d’optimisme de la volonté si elle ne se transforme pas en opportunisme – cette formule comme une volonté de conquérir la majorité à l’Assemblée, ce avec quoi nous étions d’accord, alors qu’on nous demandait en réalité d’être prêts à tout compromis avec ceux qui accepteraient Mélenchon comme Premier ministre. Cela a conduit à la recherche de compromis de plus en plus à droite, d’abord avec EELV, puis avec le PS, tant sur le rapport de forces que sur les questions programmatiques.
L’acceptation du cadre du système
Le programme de l’UP a été bâti sur la base des discussions au sein de groupes de travail, élaborés par des intellectuels réformistes radicaux, syndicalistes, chercheurs, militants, à partir de ce qu’ils analysent être les besoins sociaux. Il existe une distance entre ces derniers et ces militants, l’aristocratie ouvrière [3] moderne, sincèrement préoccupés par les besoins sociaux des classes populaires mais bénéficiant néanmoins de conditions de vie plus favorables et étant plus intégrés au capitalisme par leur place dans la société.
Ce rapport au système est concrétisé par le slogan « Mélenchon Premier ministre ». Ce mot d’ordre vise à conserver la dynamique électorale de la présidentielle. Mais cela opère une continuité entre la fonction présidentielle, hautement antidémocratique, et la recherche d’une majorité parlementaire, effaçant au passage les critiques subversives de la Ve République inscrite dans le programme de Mélenchon autour de la VIe République. Exit la suppression de la fonction présidentielle, la proportionnelle intégrale, etc.
Lors des discussions programmatiques avec l’Union populaire, le NPA a proposé une augmentation uniforme des salaires. Cette proposition a été refusée avec le même motif que cela ne fait pas partie des prérogatives du Premier ministre, du gouvernement et de l’Assemblée, mais qu’il faudrait organiser une conférence sociale entre les syndicats et le Medef pour en parler…
Au fond, la transformation de l’UP en NUPES, sous pression des enjeux des législatives et de la volonté d’être crédibles dans ces élections, correspond sur le plan programmatique à un niveau supérieur d’acceptation du cadre institutionnel de la Ve République.
Le rapport de la NUPES aux luttes sociales
L’Union populaire a réussi à fédérer une grande partie des militantEs des dernières luttes significatives : des figures des grèves de TUI, de l’Ibis Batignolles, de la RATP par exemple, qui avaient pourtant créé dans l’action des liens avec l’extrême gauche. La plupart des intellectuels de la gauche radicale ont également rejoint les rangs de l’UP, contribuant d’ailleurs à sa solidité programmatique.
Mais, en pratique, ce sont naturellement les couches supérieures qui dominent le Parlement de l’UP : enseignantEs, éluEs, permanents politiques ou syndicaux, car la place des travailleurs/ses du bas de l’échelle est mécaniquement réduite par la faiblesse des luttes sociales, et qu’ils et elles doivent faire face à l’impossibilité de libérer du temps pour s’investir dans les discussions stratégiques.
Cette tendance est renforcée par la méthode de constitution des candidatures pour les élections législatives : l’appareil naissant doit donner une place aux figures militantes qui se sont investies, qui animent les structures et aspirent à avoir une place dans l’animation politique que permet une place à l’Assemblée nationale. Ainsi, la NUPES n’échappe pas à la tendance habituelle dans les organisations de gauche à parachuter des figures dans des circonscriptions populaires, facilement gagnables, indépendamment d’équipes militantes qui pourraient exister. La caricature est encore plus forte quand les candidatures sont issues du Parti socialiste, voire des recyclages du macronisme.
Au point que des ruptures s’opèrent : Jérôme Lambert, opposé au mariage pour touTEs, a dû être écarté en Charente, tandis que plusieurs candidatures, dont celle de Hubert Julien-Laferrière dans la Rhône, permettent des candidatures alternatives soutenues par des secteurs du PCF et de la France insoumise. Mais le mal est fait vis-à-vis d’un collectif comme « On s’en mêle », qui constate que la place des candidatures et équipes militantes issues des quartiers populaires a été fortement réduite [4].
Les rapports aux militantEs issuEs des luttes sont donc contradictoires : d’un côté la NUPES se nourrit des luttes, leur donne la parole et est une occasion de donner confiance aux classes populaires pour en créer, de l’autre elle absorbe certainEs, en écarte d’autres, ce qui renvoie à la fonction intégrative de la démocratie bourgeoise, capable de faire entrer la contestation dans les institutions pour la sortir de la rue. Les jeux ne sont pas encore faits de ce point de vue, car il existe des contre-tendances, avec par exemple Danièle Simonnet qui explique en AG de circonscription qu’il faudra des luttes, que la NUPES gagne ou non, car « le système résistera », ou les paroles de Rachel Kéké, qui veut faire entrer la parole de celles et ceux d’en bas dans l’Assemblée.
L’appareil d’État attaque la NUPES sur deux fronts
Le premier est ainsi l’absorption de milliers de personnes dans la gestion quotidienne : les députéEs, les attachéEs parlementaires après les conseillers régionaux ou départementaux, les maires, les conseillerEs municipaux, sont autant de militantEs détachéEs de leur milieu, de leurs attaches collectives et de leurs combats. « La source du bureaucratisme réside dans la concentration croissante de l’attention et des forces du Parti sur les institutions et appareils gouvernementaux [5] […]. » La radicalité attirée dans les institutions risque de s’y noyer.
Le second est l’entrée dans la danse du Parti socialiste et d’Europe Écologie Les Verts, qui a modifié la dynamique de la coalition électorale, son équilibre global. Les éluEs du PS et d’une grande partie des Verts constituent une force incontournable au sein de la NUPES, d’autant qu’ils sont les plus rodés à l’exercice. C’est le nombre de circonscriptions données au PS qui a provoqué concrètement la rupture des négociations entre le NPA et l’UP : tout pouvait se discuter en termes programmatiques à partir du moment où nous conservions notre indépendance, on pouvait également fortement rogner sur le nombre de circonscriptions qui nous étaient proposées [6]… mais proposer 70 circonscriptions au PS et 100 à EELV signifiait offrir un tiers des places aux courants sociaux-libéraux, les plus intégrés au capitalisme et à la gestion des affaires de la bourgeoisie, non seulement par le passé dans les gouvernements de Jospin et Hollande, mais aussi aujourd’hui dans de multiples collectivités locales. Donner autant de circonscriptions au PS, c’était garantir à l’appareil qu’il serait capable d’offrir des postes à son aile la plus droitière, à l’aile directement bourgeoise. D’ailleurs, Joël Aviragnet est très tranquillement adoubé candidat de la NUPES dans la 8e circonscription de Haute-Garonne, alors qu’il fait partie du courant de Carole Delga, laquelle présente des candidatures dissidentes du PS face à la NUPES dans d’autres circonscriptions de la région !
Un gouvernement NUPES serait directement sous pression de ces courants sans lesquels il n’y aurait pas de majorité parlementaire, et par le biais de ministres. On retrouve peu ou prou dans cette discussion le mot d’ordre « dehors les ministres bourgeois » avancé traditionnellement par les trotskistes pour mettre en lumière les compromis réalisés par les organisations ouvrières avec le Parti radical, représentant d’une bourgeoisie de gauche, défenseur indécrottable de la propriété privée et de l’appareil d’État. L’intégration de la droite du PS à la coalition est comme un nœud coulant que l’UP a enroulé autour de son propre cou pour l’empêcher de mener son programme à terme. Comment désobéir à l’Union européenne en partageant le pouvoir avec le PS ? Comment contrôler les hauts fonctionnaires et l’appareil de répression en ayant avec soi un courant qui est autant lié aux politiques libérales et répressives de ces dernières décennies ?
Peser sur la crise qui s’annonce
Les résultats possibles dans ces élections législatives sont multiples. Le plus probable est que Macron acquière une majorité pour continuer sa politique de destruction. La moins probable est que la NUPES obtienne la majorité, même si on ne peut pas écarter cette possibilité du fait de la dynamique militante qui existe de ce côté quand l’extrême droite semble ralentie par la défaite de la présidentielle et Macron en difficulté pour constituer un nouveau gouvernement. Une troisième étant une configuration inédite où il n’y aurait pas de majorité à l’assemblée. La pression serait alors maximale sur les éluEs PS et EELV de la NUPES pour constituer un gouvernement d’Union nationale avec Macron sous la pression de l’extrême droite. En tout cas, des évènements importants se produiront dans les prochains mois, la polarisation entre les trois blocs – l’extrême droite, la gauche recomposée et le bonapartisme de Macron – étant la représentation d’une instabilité croissante de la situation et du fait que des conflits de classe aigus se préparent.
Pour les révolutionnaires, la victoire de la gauche serait un élément important pour aiguiser les contradictions de la situation et accélérer les clarifications. D’abord, nous ne sommes pas indifférents à une victoire ou une défaite de LREM aux législatives. S’il gagne, il démarrera sa politique de casse sociale. Alors que si la NUPES venait à gagner, ou au moins à empêcher Macron d’obtenir une majorité à l’Assemblée, l’initiative politique serait déplacée dans le sens des classes populaires – l’extrême droite et la bourgeoisie s’en retrouveraient désorientées.
Pour intervenir dans la situation, il faut partir d’une contradiction qui résume bien notre situation. Philippe Poutou est la deuxième personnalité la plus appréciée par les électeurs de gauche derrière Jean-Luc Mélenchon [7]… mais son score a été de 0,77 % à l’élection présidentielle. Nos capacités à regrouper, à entraîner, sont extrêmement limitées malgré la sympathie qui s’exprime autour de nous.
Après la campagne présidentielle, il y avait de plus un risque de s’enfermer dans une logique d’auto-construction qui a déjà fait la preuve de son inutilité : par rapport à la LCR, nous avons connu un fort recul de l’intégration du parti au sein des masses, en perdant un grand nombre de militantEs inséréEs dans les organisations de masse – syndicats, associations comme le DAL, la FCPE, Act Up ou Agir contre le chômage, structures de soutien aux sans-papiers et toutes autres structures de quartiers, les structures de solidarité internationale, etc. elles-mêmes affaiblies – au détriment d’une connaissance des combats réels menées par le prolétariat. Notre activité se résume souvent à la propagande et à la participation – parfois même de l’extérieur – aux combats syndicaux.
Notre implantation risque de suivre une tendance à ce que des militantEs issuEs des couches intermédiaires ou supérieure de la société interviennent, de l’extérieur et en donneurs de leçons qui ne pratiquent pas par elles et eux-mêmes la lutte des classes, que ce soit dans les entreprises ou dans les quartiers populaires. C’est alors que se développe une vision idéologique de la politique, consistant à discuter politique à partir d’une analyse théorique éloignée de la réalité de la conscience, encourageant un langage militant réservé aux initiéEs, incapable de se lier aux masses et de répondre aux grandes questions politiques. Nous avons besoin d’un choc pour nous reconnecter aux préoccupations et aux modes d’action réelle des classes populaires.
Dans le 20e arrondissement de Paris par exemple, nous tentons de nous intégrer à la campagne de Danièle Simonnet, qui combine des moments de débats collectifs avec un travail systématique de rencontre des habitantEs de ce quartier très populaire par les diffusions de tracts devant les écoles et le porte à porte le soir. Les militantEs de LFI essaient de reconstruire un tissu politique disparu avec la chute du PCF, avec des responsables d’immeuble, des rencontres dans les halls, au plus près de la population.
Mener les batailles politiques
Se lier au mouvement en cours ne doit pas conduire à nous dissoudre politiquement. Nous conservons notre programme révolutionnaire, notre conviction selon laquelle l’essentiel pour changer de société provient des mobilisations et de l’affrontement avec l’État et la propriété, ce qui se retranscrit par la défense de différents mots d’ordre. Nous l’avons peu fait au niveau national (trop peu peut-être), car l’UP nous garantissait notre indépendance et notre droit d’expression. Nous avons préféré taper sur le point clé du rapport aux sociaux-libéraux, et donc sur le refus que le programme de l’UP soit dilué dans l’alliance avec le PS et EELV. Nous avons perdu cette bataille totalement inégale, mais nous avons réussi à expliquer notre position à une échelle large. Les milieux militants ont compris que le programme avait été rogné, particulièrement sur les retraites avec le renforcement de l’ambiguïté sur la possibilité de décotes dans le cadre de la retraite à 60 ans, sur le SMIC (même si Mélenchon a ensuite unilatéralement remonté le curseur à 1 500 euros…), sur le positionnement vis-à-vis de l’Union européenne. Ce dernier point est symptomatique : on nous a expliqué que puisque le programme est à réaliser sur une mandature de 5 ans, cela n’avait pas vraiment de sens de renforcer les éléments de rupture avec l’UE. Le respect du cadre institutionnel conduit inévitablement à des adaptations.
Mais surtout, nous n’avons pas été intégrés dans l’accord car l’UP a estimé que nous n’étions pas intégrables, qu’on ne pouvait pas nous discipliner. Il n’a jamais été question que Philippe Poutou se voit proposer une circonscription gagnable, car l’UP ne veut pas que s’exprime une politique trop différente de celle de sa direction. C’est pour des raisons similaires que le collectif « On s’en mêle » n’a pas été intégré, parce que l’UP voulait rogner son indépendance politique.
Cette bataille ayant été perdue, le NPA a décidé de soutenir les candidatures de la NUPES là où elles sont en rupture avec le libéralisme, et de tenter de construire des candidatures alternatives là où elles ne le sont pas.
La participation à des campagnes NUPES se combine avec quelques points sur lesquels nous pouvons marquer notre différence sans tirer en arrière la dynamique. Nous refusons toute dérive sur les fonctions régaliennes, qui concrétisent de façon crue le rapport à l’appareil d’État, en étant particulièrement attentifs à ce qui s’exprime sur la police, l’armée, les frontières et l’impérialisme. En particulier, nous défendons la régularisation des sans-papiers, le droit de vote des immigréEs. Nous défendons également une campagne démocratique, dont le contenu ne doit pas être décidé par les candidatEs et leur directeur/rice de campagne, mais par des cadres collectifs associant le plus grand nombre. Enfin, nous insistons sur la nécessité de construire les luttes sociales et pour que les collectifs militants construits dans la campagne soient capables de se convertir en outils de lutte après la campagne, particulièrement pour la défense des retraites et les salaires. Le NPA défend cette politique dans plusieurs dizaines de circonscriptions, nous pourrons en tirer les bilans rapidement.
Le NPA présente des listes alternatives dans une grosse dizaine de circonscriptions, en particulier contre des candidatures NUPES issues du Parti socialiste, d’EELV… voire de LREM. Les équipes sont comprises, souvent soutenues plus ou moins discrètement par des militantEs LFI ou PCF. Nous devons éviter l’écueil de construire des listes qui viserait à dénoncer les réformistes même s’il s’agit de fédérer celles et ceux qui refusent le social-libéralisme et sont prêts à combattre avec nous les compromis réalisés par la direction de l’UP sur ce terrain. Il n’est pas simple de se positionner entre le gauchisme, la surenchère revendicative, et la faiblesse de coller au programme national de la NUPES. Notre boussole dans cette activité est la démarche transitoire : les revendications ne sont pas radicales ou réformistes en elles-mêmes, la question est de savoir si elles posent le problème de l’action, du contrôle des travailleurs/ses sur le capital et de l’indépendance vis-à-vis des institutions. Nous voulons aussi profiter de l’expérience de là où nous soutenons la NUPES pour construire les campagnes alternatives avec un contenu militant au plus proche des masses tout en promouvant un fonctionnement démocratique.
Militer pour faire évoluer les consciences
Nous devons mener activement les expériences en cours, car ce sont des tests pour s’orienter dans la prochaine période. La phase de recomposition du mouvement ouvrier ne fait que commencer. Toutes les questions vont se poser pour des dizaines, voire des centaines de milliers de militantEs : le rapport à l’État, la relation entre institutions et luttes, le lien entre les syndicats et les partis (certains syndicats se posent concrètement la question d’appeler à voter pour la NUPES), la lutte contre le fascisme, l’articulation entre unité et construction des différents partis, et on l’a vu déjà, le rapport aux oppressions.
Pour agir sur ce processus capital pour le prolétariat, il faut être capable de se lier à lui, d’en être un élément. Se positionner à l’extérieur, ce serait à la fois freiner la dynamique qui est éminemment collective, donc politisante et susceptible de faire sortir le mouvement ouvrier de son marasme actuel, et se couper de ce qu’il peut offrir comme espace politique pour défendre les idées révolutionnaires. Pour reprendre la citation de Lénine, le « changement […] dans la manière de voir de la majorité de la classe ouvrière, […] c’est l’expérience politique des masses qui l’amène, et jamais la seule propagande. »
Commenter, critiquer de manière dédaigneuse, se refuser à agir pour ne pas se compromettre est un privilège que nous ne pouvons plus nous permettre dans ces temps où la crise écologique et la montée du fascisme redonnent une actualité à l’alternative « socialisme ou barbarie ».
Le parti dont nous avons besoin dans la prochaine période doit être prêt à se plonger dans l’action, avec un programme pour préparer la révolution, mais aussi pour dialoguer avec les masses, faire des expériences avec elles, donc être prêt à des détours tactiques variés, parfois inhabituels. Le NPA a pu le faire avec la campagne Poutou ou pendant les négociations avec la NUPES, il faut réussir à le faire dans la configuration actuelle, on transformant en force militante les idées que nous parvenons à formuler abstraitement.
Antoine Larrache