Le 22 avril fut une claque. Le 6 mai, la triste et cauchemardesque conséquence d’une déroute idéologique.
Beaucoup a été écrit et beaucoup reste à écrire. Partant de quelques éléments d’analyses incomplets, ce texte
présente quelques perspectives concrètes pour ce qu’il reste des collectifs unitaires, notamment la
constitution de commissions thématiques larges et ouvertes pour travailler tous ensemble !
1. Pour mettre un point final sur les trois I de la gauche anti-libérale
Comme l’écrit un camarade québécois [1], « nous sommes loin de pouvoir proposer un véritable projet contrehégémonique
» [2] à la droite néo-conservatrice que Sarkozy incarne en France, ce qui est doublement paradoxal :
– à l’échelle planétaire, l’hégémonie américaine [3] et le néolibéralisme [4] sont en crise alors que nous
avons élu le plus atlantiste et le plus libéral des Présidents que la France n’ait jamais connu ;
– en France, nous avons vécu, en deux ans, le NON au référendum, la révolte dans les banlieues et la
victoire contre le CPE (ainsi que de multiples luttes sociales : RESF, logement...), sans que cela ne
forme le creuset d’une victoire électorale et idéologique d’une gauche véritablement à gauche [5].
Poser ce paradoxe laisse entrevoir les 3 I de la gauche, notamment antilibérale : ses Incapacités, ses
Impensés et ses Impasses. Au delà du véritable gâchis que fut la division de la gauche antilibérale qui a
terriblement pesé sur la structuration du débat et des résultats électoraux [6], risquons plusieurs hypothèses :
– face aux nombreuses luttes, initiatives et pratiques sociales nouvelles, porteuses de grands espoirs
d’émancipation et créant de nouvelles solidarités collectives, la réaction conservatrice est d’autant
plus violente, aveugle et systématique pour en détruire les effets autant que les germes ;
– plutôt que de prendre au sérieux, sur le plan idéologique, la droite décomplexée qu’incarnait Nicolas
Sarkozy, la gauche l’a raillé pour la ridiculiser sans voir que se jouaient des batailles décisives
autour de l’identité et du sens du vivre-ensemble (la nation, le travail, les bons et les méchants,...).
La peur, l’insécurité, le sentiment de déperdition ont été sous-estimés.
– cultivant notre anti-libéralisme économique sur lequel nous pensons être majoritaires, nous avons
(trop) délaissé le travail idéologique nécessaire pour peser réellement sur les autres pans du
champ politique que d’autres ont su moissonner sans compter ;
– sûr-e-s de nos convictions solidaires et égalitaires, nous n’avons pas interrogé leurs fondements
pour les assurer et les rendre crédibles en ces temps de concurrence et d’individualisme triomphants ;
– convaincu-e-s de la pertinence de nos propositions institutionnelles de VIe République non
présidentialiste, nous n’avons pas perçu la détermination des électeurs-trices à élire – ou faire
barrage à – un homme d’Etat, un guide d’une droite décomplexée ;
– tirer les leçons des échecs du social-libéralisme, du keynesianisme fordiste et du soviétisme doit
nous pousser à vivre avec notre temps : les ressorts des solidarités collectives, des libertés
individuelles, de l’action collective, ne sont pas celles d’il y a trente ans [7] ;
– une participation aux élections, notamment une candidature aux présidentielles, ne s’improvise
pas si l’on veut être efficace, crédible, cohérent et sûr de notre force [8] ! Derrière cette évidence,
se profile un impensé : quelle organisation alternative, décentralisée, non hiérarchisée, pour
mener nos batailles et les gagner ?
– alors que des courants politiques très importants ont pu exister sans se présenter aux présidentielles
(PCF en 1965), ou survivre à une défaite sans disparaître (social démocratie en 1969, gaullistes en
1974), comment se fait-il que le PCF et la LCR, n’aient pas résisté à se présenter isolés ?
– si la victoire contre le TCE a construit l’unité anti-libérale, elle a exclu certaines forces
(écologistes ou militant-e-s de quartier par exemple, réapparus avec la campagne Bové) et elle a, en
raison des alliances passées et parce qu’on ne change pas une équipe qui gagne, empêché de penser
les grands enjeux de 2007 : l’identité, la nation et le vivre-ensemble, le travail.
– l’alliance antilibérale, que les 125 propositions incarnent, a clairement montré ses limites [9] : elle
est insuffisante pour susciter l’adhésion car elle manque cruellement de sens politique global et
de valeurs donnant corps à notre projet de société (perspectives de long terme et horizon
émancipateur) que la somme des 125 propositions ne suffit pas à recomposer ;
– Novembre 2005, l’exemple par la preuve [10] de la faiblesse intrinsèque d’une alliance anti-libérale :
incapable d’agir à la hauteur des enjeux, la gauche antilibérale n’aura pas su se faire entendre et en
tirer les leçons. En raison des accords conclu sur le fond, elle ne peut penser et agir collectivement
face à un moment de l’histoire qui fait voler en éclats les références des fronts traditionnels [11].
Si les compromis anti-libéraux sont insuffisants, et parce qu’on ne peut accepter le principe – et attendre les
hypothétiques résultats – d’une rencontre au sommet des principales personnalités et représentants des courants
existants, il est absolument nécessaire de ne pas mettre entre parenthèses les derniers mois écoulés.
Rassembler les forces de transformation sociale et écologistes nécessite une démarche clairement
volontariste, ouverte et citoyenne, s’appuyant sur ce qui existe (les collectifs, l’agenda et les échéances
décidés en commun tels que les assises) [12] pour créer du nouveau.
Parce que la bataille idéologique l’exige et que nous devons réinventer un logiciel d’une vraie
gauche de gauche (écologique, sociale, démocratique, antiraciste) qui gagne, nous avons besoin
de temps et de travail plus que de guerres de successions ou de leadership [13].
2. Des propositions concrètes
A travers les législatives :
– s’appuyer sur les campagnes du mouvement social actuelles (G8 [14] et marches contre le G8 [15],
mobilisation contre l’ouverture du marché de l’électricité [16], pétition contre la franchise sur les soins de
santé [17],... ) pour concrétiser nos propositions et interpeller les électeurs-trices sur les choix de société
auxquels nous sommes confrontés ;
– commencer à construire un rapport de force contre le projet de relance, dans le dos des Européen-ne-s,
du TCE, dont l’étape importante sera le prochain sommet européen des 21 et 22 juin 2007 à Bruxelles ;
– faire perdurer l’esprit unitaire qui nous anime
Sur la relance du Traité Constitutionnel (et les Européennes de 2009) :
– proposer à tous les syndicats, associations, partis politiques, organes de presse, réseaux... qui veulent
une Europe sociale, écologique démocratique et ouverte sur le monde, de mettre en place un groupe de
travail de veille et de ripostes pour faire face au projet de relance du TCE ;
– prendre des contacts au niveau européen pour entamer la constitution d’un front européen (à lancer au
sommet alternatif du contre-G8 de Rostock, début juin ? et lors de la prochaine AEP en septembre ?) ;
– à travers cette bataille, prendre date pour les élections européennes de 2009 où nous devrons présenter
un projet, en positif, pour une UE sociale, écologique, démocratique et ouverte sur le monde ;
– s’appuyer sur le processus de préparation du FSE de 2008 (fin de l’été, Danemark-Suède) pour préparer,
sur un plan européen, les Européennes de 2009 ;
En résistant à Sarkozy et son gouvernement à tous les niveaux :
– sur le plan politico-médiatique : il nous faudra mettre en œuvre un dispositif national permettant de réagir
rapidement et efficacement (communiqués, argumentaires, tracts...) ;
– sur le plan de la bataille idéologique, une fois les législatives passées, pourquoi ne pas participer à la
relance, partout où c’est possible, des Forums Sociaux Locaux permettant de faire de l’éducation
populaire au plus près du terrain et d’entamer ce long processus pour inverser les rapports de force
idéologique ; cette démarche aurait également le mérite de renouer des contacts les plus larges (notamment
associatifs et syndicaux) permettant de résister localement aux politiques de Sarkozy et de prendre acte pour
l’échéance des municipales ;
– sur le plan électoral, législatives, municipales, cantonales et européennes (juin 2009) doivent nous permettre
de renforcer la résistance politique et idéologique au programme de régression sociale de Sarkozy.
Vers les assises : associer le plus grand nombre aux travaux de préparation
Une fois les législatives passées, si nous voulons réellement œuvrer au rassemblement de toutes les forces de
transformation sociale, nous devrons mener trois types de débats/travaux préparant la réussite des assises :
– Quelle forme d’organisation voulons-nous ?
– Poursuivre nos réflexions sur le contenu des politiques alternatives que nous proposons ;
Concernant le fonctionnement de notre future alter-organisation, le débat doit être le plus large possible et
être ouvert le plus rapidement possible pour permettre à celles et ceux qui ont des propositions concrètes
de les formuler, sans clore les débats. Construire un consensus général nécessite du temps de débats et pas
simplement quelques réunions en milieu clos.
Pour poursuivre nos réflexions sur le contenu des politiques alternatives que nous proposons,
pourquoi ne pas créer 7 à 8 commissions thématiques ? Elles réuniraient toutes celles et ceux qui le
voudraient, militants locaux ou représentants de courants nationaux. Leur travail serait facilité par des outils
Internet adaptés (listes, espaces wiki, video-conférences...). Ces commissions ne se limiteraient pas
seulement à additionner des mesures concrètes, mais à dégager les lignes de force de ce qui constitue
notre projet. Elles seraient à la base de ce dont nous avons besoin : développer un logiciel pour une
gauche de transformation sociale, écologique et démocratique capable de gagner. Elles pourraient
également avoir vocation à faciliter notre réactivité sur les questions d’actualité (mobilisations sociales, prises
de position, ...).