Ce n’est que le 12 mai qu’une information judiciaire a été ouverte. Tard, très tard pour les constats d’insalubrité… Il est cependant intéressant de noter les mots des magistrats : « tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l’homme ou de l’animal, exposition ou vente de de produit alimentaire servant à l’alimentation falsifié ou corrompu et nuisible à la santé, mise sur le marché d’un produit dangereux pour la santé et mise en danger d’autrui. »
Justice très lente
L’émotion est immense. L’affaire fait scandale. Des photos sont virales. Et l’impression de répétition s’impose : Buitoni a été mis en cause plus d’une fois déjà, mais aussi les chocolats Ferrero-Kinder, mais aussi Lactalis. L’affaire des salmonelles chez Lactalis (2017) n’est toujours pas jugée. On peut parler d’une quasi-impunité de fait des grands groupes de l’agro-business.
Et quand ils sont sous les feux d’une actualité dramatique, leur armada d’avocats organise une communication de crise : « Le pire serait de ne rien dire » ; « Il faut communiquer sur les rappels, adopter de nouveaux codes sanitaires, faire profil bas sur le reste » ; « Surtout ne pas donner l’impression de ne rien faire ». En ne changeant rien ou si peu…
Ambiance lourde à l’usine de Caudry
La presse rapporte qu’il n’est pas simple d’obtenir un témoignage d’une personne travaillant à l’usine de Caudry. Ce constat n’est pas très étonnant. Terrible aussi car il met en lumière la parole entravée de personnes pour qui le salaire lié à cet emploi est vital alors qu’elles sont les mieux placées pour dire la réalité de la production. CertainEs ex-salariéEs ont pourtant témoigné de l’insalubrité chronique dans cette usine. Le site Reporterre rapporte les paroles de Maryse Treton, responsable de la fédé agroalimentaire de la CGT : « L’objectif, c’est de diminuer tous les temps qui ne sont pas la production. La maintenance préventive, le nettoyage sont souvent réduits au strict minimum. Ils tirent sur toutes les cordes, donc fatalement, ça finit par craquer » [1]. Signalons aussi que, de 2012 à 2022, 442 postes ont été supprimés à la Répression des fraudes.
Sortir de l’agro-industrie
Ce système a une très forte cohérence, c’est à la fois la recherche du profit maximum et la fuite en avant dans la quantité au prix le plus bas. Et ce qui est produit est de piètre qualité nutritive. C’est l’envahissement de toutes les activités par un machinisme effréné, l’artificialisation des sols et l’appauvrissement des terres cultivées. Paradoxalement, toute la filière agroalimentaire s’accompagne d’un hygiénisme que ne viennent pas contredire les scandales comme celui des pizzas Buitoni. Mais l’hygiénisme, en aucune manière, n’est synonyme de santé ! L’agro-industrie a généré les fléaux mondiaux de l’obésité et du diabète.
Dissidence à AgroParis Tech
Huit apprentiEs ingénieurEs sont allés droit au but lors de la remise des diplômes à AgroParis Tech le 10 mai [2] : « Nous pensons que l’innovation technologique ou les start-up ne sauveront que le capitalisme. […] Nous ne voulons pas faire mine d’être fières et méritantes d’obtenir ce diplôme à l’issue d’une formation qui pousse globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours. […] Nous ne voyons pas les sciences et les techniques comme neutres et apolitiques. […] Nous ne croyons ni au développement durable, ni à la croissance verte, ni à la transition écologique » [3]. La radicalité d’un appel à une « bifurcation » absolument bienvenue !
Sécu de l’alimentation : que le débat s’ouvre
Pour mettre en échec la force destructrice de l’agriculture productiviste, nous n’avons d’autre choix que d’opposer la radicalité d’un système au service du vivant en général et de l’humanité en particulier. Nous mettons en discussion, avec d’autres forces [4], la « sécurité sociale de l’alimentation », système universel, projet macro-économique. Pour parvenir au basculement complet vers une agriculture et une alimentation bio, il faut des financements immenses et pérennes à l’opposé de tout objectif de profit, donc indépendants des « apporteurs de capitaux », des « investisseurs », des banques. Sur le modèle du régime général de la Sécu, une cotisation sociale « alimentation » peut remplir cette fonction de financement. Toute personne vivant sur le territoire serait alors détentrice d’une « carte Sécu de l’alimentation » créditée de 100 euros/mois à faire valoir auprès des paysanEs agréés. La campagne des législatives, où il est tant question de la nécessité de ruptures écologique et sociale, peut être le bon moment pour lancer ce débat en grand !
Commission nationale écologie