À Bordeaux, 750 000 habitantEs, les urgences du CHU sont fermées la nuit, avec 40 % des médecins qui sont en arrêt, en burn-out ou qui ont démissionné ! Une tente de la Croix-Rouge filtre les entrées. Seules les urgences vitales régulées par le Samu ont porte ouverte. À Orléans, une personne âgée décède seule sur un brancard, faute de soins et de personnel, précipitant la grève et l’application d’un plan blanc, c’est-à-dire le report des interventions non urgentes pour libérer des places, comme dans une soixantaine d’hôpitaux. À Oloron-Sainte-Marie, 2 500 personnes manifestent contre la fermeture programmée par l’ARS du service d’urgence, et obtiennent sa réouverture.
Au-delà de ces exemples, ce sont 120 services d’urgences qui annoncent être en détresse, 27 hôpitaux de France, dont des CHU, qui multiplient les fermetures répétées ou temporaires. Les urgences sont au bord de l’effondrement.
L’hôpital au bord du gouffre
Les urgences sont les lieux de convergence de toutes les difficultés. Leur fréquentation a augmenté de 20 % depuis la crise covid. Déserts médicaux, délais d’attente insupportables en ville, effondrement des gardes médicales avec des généralistes surchargéEs, explosion des dépassements d’honoraires qui sont repartis à la hausse : tout concourt à remplir les urgences, qui elles sont gratuites et ouvertes 24/24 h. Et tout empêche de les vider… On manque doublement de lits pour ceux qui doivent être hospitalisés : les lits fermés (17 500 en cinq ans) pour réduire les dépenses de santé ; les lits fermés (jusqu’à 20 %) par manque de personnels pour les faire tourner. Et aux urgences, on manque de personnel pour accueillir dignement et en sécurité les patientEs.
Faute d’espoir, les démissions se multiplient face aux journées harassantes, où on a l’impression de toujours faire mal son travail, de flirter en permanence avec l’erreur médicale. Les médecins urgentistes préfèrent souvent le secteur privé ou les remplacements, où ils peuvent gagner en quelques jours de travail autant qu’en un mois de stress et de galère aux urgences publiques, avec le risque aggravé d’erreur médicale. Les mois d’été sont des mois difficiles pour les urgences, avec les vacances des personnels et les grands déplacements de population. Ils sont déjà au bord de la rupture en mai !
Au-delà de la crise des urgences, soyons sûr que c’est bien tout l’hôpital qui est au bord de l’effondrement, avec ses services fermés, ses interventions reportées par les plans blancs, ses personnels maltraités, essorés par le Covid, déçus par le Ségur. Les profits d’abord, voilà leur cri de guerre contre notre santé. Avec pour seul horizon la limitation des dépenses de santé, la volonté de casser les statuts du service public hospitalier, et de développer les partenariats public-privé, alors que le scandale Orpea nous montre la triste réalité du privé dans la santé ! 60 000 personnes ont choisi de quitter l’hôpital faute d’espoir, 16 000 ont été suspendues faute de schéma vaccinal covid complet. Les personnels existent, il faut leur donner envie de revenir à l’hôpital public !
Des mesures d’urgence
Pour Olivier Véran,ex-ministre de la Santé, « ce n’est pas un problème salarial, ce n’est pas un problème d’effectifs, c’est un problème d’organisation ». Face à ces mensonges qui tuent, face aux regroupements hospitaliers qui sont autant d’occasions de fermetures de lits, comme le regroupement Beaujon/Bichat dans un nouvel hôpital à Saint-Ouen et la perte, au passage, de 300 lits, face aux menaces de remplacement des assistantes sociales hospitalières par des start-up comme « Noé Santé » à l’AP, il y a urgence à réaffirmer la nécessité de la formation, de l’embauche de 100 000 personnels médicaux (infirmières, assistantes sociales, kiné, ergothérapeutes, diététiciens, manips radio…), mais aussi para-médicaux, qui assurent la maintenance, la logistique, le secrétariat, tout ce qui en leur absence retombe sur des personnels médicaux déjà surchargés.
Des embauches avec une augmentation des salaires de tous les personnels pour en finir avec dix années de blocage du point, la revalorisation des gardes de nuit et de week-end, la fin de l’Ondam, de la T2A, des fermetures de lits et de l’austérité à l’hôpital. Et avec la réintégration de tous les personnels suspendus, la régularisation des médecins à diplôme étranger exerçant dans les hôpitaux, la remise en route d’une permanence des soins de ville autour d’un service public de santé de proximité, des moyens universitaires pour former beaucoup plus de nouveaux médecins…
Mobilisation le 7 juin !
La CGT et Sud Santé Sociaux, les collectifs inter-hôpitaux, inter-blocs et inter-urgences, l’Association des médecins urgentistes de France, le Printemps de la psychiatrie, la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité appellent personnels et usagerEs à une grande journée de mobilisation unitaire le 7 juin pour défendre « l’hôpital désespérément maltraité ». Le 7 juin doit relancer la mobilisation unitaire dans un secteur qui hésite entre démissions et mobilisations, nombreuses, mais très éparpillées.
Nous devons en faire aussi un événement politique à quelques jours des législatives. Sur toutes les villes doivent naitre des appels unitaires, rassemblant syndicats, partis, candidatEs de gauche aux législatives, pour soutenir la mobilisation des personnels et usagerEs, en défense du bien commun que doit être l’hôpital public.
Frank Prouhet