D’Oslo,
L’affaire, traitée par la Cour de justice des communautés européennes, concerne la plainte déposée contre deux syndicats suédois du bâtiment par Laval un Partneri, une petite entreprise du bâtiment de Lettonie, qui n’a pu obtenir le contrat de rénovation d’une école de la ville de Vaxholm, au nord de Stockholm. Cette entreprise étrangère avait auparavant obtenu d’autres contrats de construction en Suède : elle avait conclu pour ceux-là des accords négociés avec les syndicats suédois. Mais, pour le contrat de l’école de Vaxholm, elle a refusé de signer un accord avec les syndicats. Mécontents de voir arriver de la main-d’œuvre lettone - beaucoup moins bien payée qu’en Suède -, les syndicats ont alors appelé au boycott de l’entreprise, qui en subit les conséquences financières. Avec l’appui du gouvernement et du patronat suédois, Laval a décidé de porter plainte devant la Cour de justice des communautés européennes, au motif que les actions des organisations syndicales s’opposaient à la liberté de fournir des services et à la libre circulation du capital et de la main-d’œuvre en Europe.
Cette affaire traite donc de plusieurs questions fondamentales, dans le contexte de la concurrence salariale exercée par les nouveaux pays membres de l’Union européenne. A-t-on le droit de faire grève pour obliger une entreprise étrangère à suivre les mêmes règles que les entreprises nationales ? Quelles règlementations du travail doivent être appliquées, celles du pays d’origine de l’entreprise ou celles du pays où le travail est effectué ? Quelles garanties pour les salariés travaillant à l’étranger ?
Dans le modèle scandinave, très peu de législations concernent le marché du travail. Il n’y a pas, par exemple, de salaire minimum légal : celui-ci est fixé par des accords entre syndicats et patronat. Ce principe d’accord négocié est fortement défendu par les organisations syndicales. Elles considèrent qu’une réglementation par la loi serait néfaste, car elle permettrait à un gouvernement de droite d’aggraver les conditions de travail par un simple vote du Parlement. Un tel modèle de négociation collective fonctionne dans un cadre où le taux de syndicalisation est très élevé - plus de 80 % de salariés sont syndiqués.
Le procureur général de la Cour de justice des communautés européennes a émis, le 23 mai, un avis favorable aux syndicats suédois, en déclarant clairement que ceux-ci étaient en droit d’exiger un accord négocié avec toutes les entreprises intervenant en Suède et que, par conséquent, les actions qu’ils avaient entreprises pour l’obtenir étaient légales. Il a estimé que « les syndicats peuvent, par des actions collectives motivées par des objectifs d’intérêt général et proportionnées, contraindre un prestataire de services d’un autre État membre à souscrire à un taux de salaire prévu par une convention collective ». Le président du Syndicat des travailleurs du bâtiment, Hans Tilly, a déclaré : « C’est une victoire réconfortante pour le modèle suédois. Nous allons continuer l’action pour obtenir des accords collectifs, de façon à ce que tous les travailleurs du bâtiment soient traités de la même façon, qu’ils soient suédois ou étrangers. »
Cependant, un point pose problème dans l’avis rendu par le procureur général. Il stipule que les organisations syndicales ne peuvent entreprendre que des actions « proportionnées » contre les entreprises étrangères. Le patronat suédois, qui a toujours soutenu l’entreprise lettone, a l’intention d’utiliser cet avis pour limiter le droit de grève.