Le secrétaire du Labour Party Pakistan (LPP – le Parti du travail) a été arrêté sans mandat le 5 juin 2007 dans sa résidence, à Lahore. C’était la deuxième fois en quelques semaines qu’il est ainsi placé en détention par la police du Pendjab (l’Etat pakistanais dont Lahore est la capitale). Il y a un mois, il avait été rapidement libéré, après de nombreuses protestations contre cette mesure arbitraire. Mais cette fois-ci, le ministère de l’Intérieur a émis, a posteriori, un ordre de détention de trois mois contre Farooq Tariq. Il a été transféré dans la prison de Bahawalpur, à huit heures de route de Lahore. Toute visite lui est interdite, sauf accord préalable du ministère : le pouvoir cherche à l’isoler, en violation de ses droits constitutionnels.
L’arrestation du secrétaire général du LPP intervient dans un climat de crise politique aiguë. Le régime militaire de Pervez Musharraf a lui-même ouvert cette crise en suspendant pour « inconduite et abus d’autorité », le 9 mars, le président de la Cour suprême, le juge Iftikhar Mohammed Chaudry. Ce dernier n’avait rien d’un homme de gauche, mais il avait commencé à bloquer un certain nombre de décisions parmi les plus indéfendables prises par le pouvoir — allant jusqu’à remettre en cause la légalité de la politique de privatisation de secteurs industriels [1]. C’était peu, mais c’en était déjà trop pour le général Musharraf qui cherche à museler les critiques.
Le juge Chaudry a refusé d’accepter son renvoi et il est devenu le symbole d’un très vaste mouvement de protestation démocratique à l’encontre du régime militaire. Les avocats ont mené une grève générale de plusieurs jours. Ils ont reçu le soutien de secteurs de plus en plus large de l’opinion. Des centaines de milliers de manifestants se sont réunis dans de nombreuses villes du pays pour saluer le juge ou pour dénoncer le Conseil supérieur judiciaire chargé de faire son procès. Les 12 et 13 mai derniers, le pouvoir a voulu étouffer dans un bain de sang ces manifestations en s’attaquant, avec l’aide des nervis du parti communautariste MQM [2], la foule venue accueillir le juge Chaudry à Karachi, la capitale économique du pays, faisant 41 morts et quelque 150 blessés. [3]
Contrairement à ce qu’espérait le régime, le massacre de Karachi n’a pas mis fin aux mobilisations. Il durcit donc encore la répression, interdisant les rassemblements de plus de cinq personnes et restreignant la liberté de presse. Environ 200 journalistes font l’objet d’une enquête judiciaire pour avoir manifesté contre cette dernière mesure. Le gouvernement s’attaque ainsi directement aux médias, menaçant de saisir sans autre forme de procès leurs locaux ou leurs moyens de diffusions et de distribution. Le ministre de l’Information, Mohammed Ali Durrani, a très clairement exprimé les objectifs de ces mesures de censure : « Nous ne permettrons pas le dénigrement de l’armée et de la justice. Ce ne sera plus toléré ». [4]
A partir des 5 et 6 juin, les arrestations préventives se sont multipliées, à la veille de nouvelles manifestations. Plus de 350 personnes ont été arrêtées, à Lahore surtout mais aussi en d’autres lieux comme Rawalpindi (agglomération proche de la capitale Islamabad). De nombreuses autres sont soumises à des procédures judiciaires. Militants syndicaux ou démocratiques et membres des partis d’opposition (y compris le Parti populaire de Benazir Bhutto et la Ligue musulmane de Nawaz Sharif) sont frappés.
A gauche, le Labour Party Pakistan — et en particulier son secrétaire général — s’est entièrement mobilisé, ces derniers mois, en soutien au mouvement des avocats, contre la suspension du juge Chaudry. Il avait notamment pris l’initiative d’organiser, avec la Fondation d’éducation ouvrière (LEF), le 23 mai au Club de la presse à Lahore, une conférence de solidarité avec les avocats pour élargir la base sociale de la résistance démocratique dans les milieux populaires. [5] Plus de 60 organisations ont participé à cette conférence, soutenue par le Barreau, dont d’importantes centrales syndicales, des associations paysannes, des mouvements femmes et divers partis politiques. Les orateurs ont pu, à cette occasion, faire le lien entre la résistance démocratique aux mesures dictatoriales prises par le régime et la résistance sociale à ses politiques néolibérales.
La mesure d’incarcération pour trois mois de Farooq Tariq est à prendre très au sérieux. Nul ne peut en effet prévoir comment la crise politique va évoluer et jusqu’où le pouvoir est prêt à aller pour briser les aspirations démocratiques dans la population. Au Pakistan, Farooq Tariq a reçu le soutien de très nombreuses personnalités progressistes, des avocats en lutte et d’organisations de gauche.
Le LPP est aussi l’une des organisations qui s’est le plus investi dans la construction du Forum social pakistanais, dans le processus du Forum social mondial, dans le mouvement international anti-guerre et dans les mobilisations altermondialistes. Il a beaucoup fait pour raviver les liens internationalistes en Asie — avec notamment les Indiens —, mais aussi en Europe (en participant notamment au Forum social européen d’Athènes) et Afrique (en participant notamment au Forum social mondial de Nairobi).
Avec les autres détenus et les autres organisations frappées par la répression, le LPP et Farooq Tariq doivent pouvoir aujourd’hui compter sur notre solidarité à toutes et tous !
Pour manifester votre solidarité, écrire à :
1-General Pervez Musharraf
President of Pakistan
President House
Constitution House
Islamabad, Pakistan
Fax : +92 51 922 1422, 4768/ 920 1893 or 1835
Email through the web :
http://www.presidentofpakistan.gov.pk/WTPresidentMessage.aspx
2-Mr. Shaukat Aziz
Prime Minister of Pakistan
Prime Minister Secretariat
Constitution Avenue
Islamabad, Pakistan
Email : primeminister pak.gov.pk
3-Mr Pervez Elahi
Chief Minister Punjab
Chief Minister House
Lahore, Pakistan
Email : http://www.chpervaizelahi.com/writemsg.asp
4-Lt General Khalid Maqbool
Governor Punjab
Governor House
Lahore, Pakistan
Fax : +92 42 9200023
Email : governor.sectt punjab.gov.pk
5-Tariq Mahmood Babur
Superindent, Jail Bawalpur
Ph : 92 62 9255298
Fax : 92 62 9255318