Crédit Photo. Wikimedia Commons
« Meeting méga top avec Emmanuel Macron ce matin. La France nous aime après tout. » Tel est le contenu du SMS envoyé par Mark MacGann, lobbyiste en chef d’Uber pour la zone Europe, après une entrevue, le 1er octobre 2014, de plusieurs cadres du groupe, dont le fondateur-PDG Travis Kalanick, avec Emmanuel Macron. Un SMS qui fait partie des milliers de documents révélés par l’ICIJ, et qui est exemplaire de la relation fusionnelle qui s’est établie, durant les années 2014-2016, entre Macron et Uber.
Macron est ainsi intervenu à plusieurs reprises pour appuyer Uber afin de, comme le résume une formule de Macron exhumée par le Monde, « faire en sorte que la France travaille pour Uber afin qu’Uber puisse travailler en et pour la France ». Tout un programme ! Et c’est ainsi qu’un ministre de l’Économie a été un rouage essentiel – parmi d’autres ! – dans l’installation d’un groupe capitaliste destructeur des droits sociaux et des conditions de travail, mettant au profit de ce dernier les moyens de l’État.
Lors de la parution des « Uber Files », certains ont adopté la posture du : « Et alors, qui est surpris qu’un ministre capitaliste serve les intérêts des capitalistes ? ». Tandis que du côté de la Macronie, on s’est répandu benoîtement en commentaires du type : « Rien de plus normal qu’un ministre de l’Économie qui œuvre au développement de l’économie ». Circulez, y’a rien à voir ?
Deux postures en réalité symétriques, qui relativisent chacune à leur façon ce fait essentiel : ce que les « Uber Files » confirment de manière éclatante, c’est à quel point les ultra-libéraux, qui n’ont de cesse de réclamer « moins d’État », savent utiliser l’État, comme s’il était leur propriété personnelle, lorsque cela peut arranger leurs intérêts. Les « Uber Files » sont un exemple exemplaire de ce qu’est le monde selon Macron et les siens : copinage, dissimulation, exploitation. L’expression d’un capitalisme de plus en plus débridé et prédateur, servi par un personnel politique à son image, dont il est plus que temps de se débarrasser.
Julien Salingue
• Hebdo L’Anticapitaliste - 624 (14/07/2022). Publié le Mardi 12 juillet 2022 à 18h39 :
https://lanticapitaliste.org/actualite/politique/largent-duber
Macron, roi de l’uberisation
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Plusieurs médias, dont le Monde, ont publié des articles détaillant le réseau d’influence d’Uber pour s’implanter en France. 233 ministres, conseillers, parlementaires, journalistes, responsables politiques, etc. sont visés, dont François Hollande, alors président et Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie.
L’objectif d’Hubert était de créer des liens visant à influencer les lois et règlement en vigueur pour permettre le développement des transports, concurrençant les taxis, gérés par Uber (UberPop), employant des auto-entrepreneurs, et qui a été le premier pas avant le développement de UberEats ou encore Jump (location de vélos et de trottinettes).
« Une grande campagne de communication par Macron et Uber en parallèle »
Les réseaux mis en place ont permis que des parlementaires défendent des amendements écrits directement par Uber, ou indirectement, par un prestataire, Fipra. Luc Belot, député socialiste du Maine-et-Loire, est ainsi devenu le porte-parole d’Uber dans l’Assemblée nationale. Cette pratique d’écriture d’amendements par des lobbies est courante, mais la particularité de ce lien est qu’il a été constitué au lendemain d’une rencontre entre Travis Kalanick, PDG d’Uber… et Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie. Un échange interne à Uber indique qu’il faudra « lancer une campagne de communication par Macron et Uber en parallèle ».
Le but était de contribuer au développement d’Uber, soit en modifiant les lois soit, quand elles étaient trop restrictives et impossibles à modifier, à empêcher qu’elles soient appliquées. Ainsi, une tentative de modification de la loi Thévenoud – visant à restreindre les possibilités de concurrence des taxis par les VTC – a été accompagnée du fait qu’UberPop se maintienne dans plusieurs villes malgré son illégalité, que Macron influence le préfet de Marseille pour restreindre les contrôles, que tout ce processus permet à UberPop de se développer avant sa fermeture définitive et sa mise en conformité avec une loi de compromis qui réduit à sept heures la formation nécessaire pour devenir chauffeurs de VTC. Une stratégie du chaos assumée par une communicante : « Parfois, nous avons des problèmes parce que nous sommes foutrement illégaux ».
Le modèle que Macron souhaite imposer
La campagne politique a consisté à justifier idéologiquement ce choix. Ainsi Macron a expliqué qu’il valait mieux être chauffeur de VTC que vendre de la drogue, et prétendu que 70 000 emplois pourraient être créés. Macron a aussi mené une guerre d’influence sur un organisme comme la Direction générale de la consommation, la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour restreindre ses opérations contre Uber.
En réalité, Uber est surtout le modèle que Macron souhaite imposer en lien avec le grand patronat : dérégulation, casse du droit du travail, concurrence exacerbée, tout y est. Les loi Macron, la loi travail, les ordonnances Macron, toutes ces offensives visent à casser les droits collectifs des salariéEs, réduire la part des CDI au profit de statuts précaires, notamment d’auto-entrepreneur, réduire les possibilités de contrôle sur les pratiques patronales, que ce soit de la DGCCRF ou des inspections du travail.
Les victoires juridiques comme la reconnaissance de la relation de subordination d’un chauffeur Uber par la Cour de cassation, en formalisant le fait que le chauffeur n’est en réalité par un auto-entrepreneur mais un salarié indirect d’Uber, permettent de ralentir le processus mais ne l’enrayent pas. Pour ça, il faudrait une riposte d’ensemble du monde du travail, contre le patronat et contre Macron, roi de la casse des droits des travailleurEs au bénéfice des capitalistes !
Antoine Larrache
• Hebdo L’Anticapitaliste - 624 (14/07/2022). Publié le Lundi 11 juillet 2022 à 12h14 :
https://lanticapitaliste.org/actualite/politique/macron-roi-de-luberisation