Depuis l’automne 2021 nous effectuons des observations nocturnes des papillons sur le parc des Beaumonts. Si la connaissance des Rhopalocères est bonne et peut être complétée assez facilement chaque année par plusieurs observateurs sur le parc, l’inventaire des Hétérocères est plus délicate. En effet de nombreuses espèces restent cachées le jour et ne peuvent être observées que la nuit pour celles qui sont attirées par la lumière. De plus beaucoup d’espèces ne peuvent être différentiées qu’après capture et certaines nécessitent l’examen des armures génitales (genitalia). Pourtant la très grande majorité des lépidoptères sont de mœurs nocturnes. En effet, même si les papillons de jour (Rhopalocères) sont bien connus, leur effectif ne représente pas plus de 5 % de l’ensemble des espèces (environ 5300 en France). Les Hétérocères nocturnes peuvent être également de bons bio-indicateurs. Certaines espèces sont en relation étroite avec des espèces végétales rares ou menacées, d’autres sont liées à des biotopes qui se raréfient (zone humide, prairie calcicole…) La connaissance et le suivi de ces espèces peuvent s’avérer indispensable pour les techniques de gestion des biotopes dans lesquels ils évoluent.
Le lecteur pourra retrouver d’autres informations sur les précédents articles parus sur le site de Beaumonts Nature en ville.
Les observations et photographies sur le drap éclairé par une lampe Lepiled (lampe à diodes électroluminescentes) ont eu lieu du samedi 23 juillet vers 22h au dimanche 24 vers 1h.
Les horaires de vol peuvent différer selon les espèces. Certaines sortant en début de nuit, d’autres beaucoup plus tard dans la nuit. Les nuits sans lune (qui émet de la lumière si elle n’est pas cachée par les nuages) sont plus profitables à l’attirance des Hétérocères. Des photos en studio avec la lumière du jour, en particulier des nouvelles espèces, donnent un rendu plus naturel.
Divers insectes appartenant à d’autres ordres que celui des Lépidoptères sont également attirés par ces radiations lumineuses : Coléoptères, Diptères, Hyménoptères, Hémiptères…
Nous avons observés plusieurs coccinelles asiatique ( Harmonia axyridis ) et quelques punaises de l’ordre des Hémiptères.
Ce mâle adulte de l’espèce Himacerus apterus est bien caractéristique. Les ailes sont peu développées d’où le nom de cette espèce. Les antennes sont particulièrement fines et allongées. Les trois paires de pattes offrent peu de différence. Cette espèce ne fait pas partie des punaises phytophages qui utilisent leur rostre pour aspirer la sève ou le suc des fruits. Cette espèce est insectivore. Son rostre perce le tégument de différents insectes pour en absorber le contenu. Elle appartient à la famille des Nabidae. Elle vit le plus souvent sur les arbres feuillus à la recherche de pucerons ou d’autres proies.
Himacerus apterus, Beaumonts le 23 juillet 2022, cliché André Lantz
Noctuelles
Sur la vingtaine d’espèces d’Hétérocères qui ont été attirés durant cette nuit, nous présenterons essentiellement les espèces de Noctuelles, qui résident aux Beaumonts certainement depuis plusieurs années, mais que nous n’avions pas eu l’opportunité d’observer. Ce sont cependant des espèces communes en Île-de-France.
La plus grande est la Frangée Noctua fimbriata (Schreber, 1759). Son envergure peut atteindre 60mm ! L’aile antérieure est assez élancée et d’une coloration gris-jaunâtre à brun. L’aile postérieure d’un beau jaune-orangé est agrémentée par une large bordure noire. Les franges des postérieures sont jaunes. Le dimorphisme sexuel porte sur la coloration des ailes antérieures. Elles sont toujours plus claires chez les femelles. La chenille n’est pas exigeante et consomme les feuilles de diverses plantes basses, d’arbustes et d’arbres. Elle se rencontre même dans les jardins. Le papillon vole couramment de juillet à septembre, voir octobre. Philippe Mothiron indique qu’elle est commune et répandue même en banlieue, sauf en urbanisation dense.
La Frangée, Noctua fimbriata, Beaumonts, 23 juillet 2022, cliché André Lantz
La seconde, de taille moyenne, est la Leucanie blafarde Mythimna pallens (Linnaeus, 1758). Son envergure ne dépasse pas 38mm. La coloration de l’aile antérieure va du blanchâtre au jaune paille ou jaune ochracé clair. Les nervures blanches sont bien apparentes sur l’aile antérieure. Enfin on distingue toujours le petit point noir discal. D’autres petits point noirs peuvent être aussi présents en particulier celui qui se trouve sur la nervure en prolongement du poit discal. Les ailes postérieures sont blanchâtres et un peu lustrées. La chenille vit sur les graminées. On rencontrera donc l’adulte plus souvent dans les biotope prairiaux. L’imago est bivoltin (2 générations par an) et on pourra l’observer de juin à octobre. Cette espèce commune serait friande des fleurs de Buddleia. La photo suivante a été prise en studio.
La Leucanie blafarde, La noctuelle pâle, Mythimna pallens, Beaumonts, 23 juillet 2022, cliché André Lantz
La plus petite dont l’envergure ne dépasse pas 27mm est la Bryophile du lichen ou Bryophile vert-mousse Cryphia algae (Fabricius 1775). Sa coloration et les dessins sur les ailes antérieures sont variables mais la couleur verte est dominante. L’espace médian est en général plus sombre. La chenille se nourrit des lichens du genre Parmelia. Elle occupe plutôt les lieux boisés mais s’observe aussi en ville de fin juillet à septembre en une seule génération. L’imago étant assez sombre, les deux photos de cette espèce ont été prises en studio, Les photos sont un peu plus claires pour mieux discerner les dessins des ailes antérieures.
La Bryophile vert-mousse, Cryphia algae, Beaumonts, 23 juillet 2022, cliché André Lantz
La Bryophile vert-mousse, Cryphia algae, Beaumonts, 23 juillet 2022, cliché André Lantz
Tordeuses
Quelques tordeuses ont également été attirées par la lampe.
Une des plus caractéristique est la Tordeuse du foin Epiblema foenella (Linnaeus, 1758).
Le dessin est typique sur les ailes antérieures. Sur un fond brun foncé se détache un dessin blanc anguleux. un peu en forme de fer à cheval. Les chenilles de cette espèce se développent sur les racines et la tige inférieure de l’Armoise ( Artemesia vulgaris ). Arrivées à maturité elles hiverneront dans la plante. Les imagos volent de mai à août de la fin de l’après-midi jusqu’au soir. Ils viennent à la lumière. Cette espèce avait déjà été observée sur le site mais dans la journée.
Tordeuse du foin, Epiblema foenella, Beaumonts, 22 juillet 2022, cliché André Lantz
Une autre photo prise il y a quelques années en lumière naturelle de cette même espèce :
Tordeuse du foin, Epiblema foenella, Beaumonts, 12 juin 2015, cliché André Lantz
Crambe
Pour terminer nous présenterons une Pyrale de la famille des Crambidae :
l’Ancylolome commun Ancylolomia tentaculella (Hübner, 1796). Son envergure est grande pour une pyrale car elle peut atteindre 35mm. Le dimorphisme alaire est bien marqué. Les lignes longitudinales de l’aile antérieure sont bien marquées chez le mâle et peu accentuées chez la femelle.
La chenille consomme la base des grandes graminées où elle constitue un fourreau de soie.
La photo suivante est celle du mâle de cette espèce.
Ancylolome commun Ancylolomia tentaculella, Beaumonts, 23 juillet 2022, cliché André Lantz
Patrice Leraut signale que cette espèce commune dans la moitié méridionale française est beaucoup plus rare au Nord de Paris. Le réchauffement climatique entraîne certainement sa progression constante vers le Nord. Elle se débusque facilement dans la journée dans les prairies et nous l’avions déjà observée de cette manière en 2020 et 2022.
Nous signalons qu’un prochain inventaire est programmé pour le samedi 6 août sous réserve de conditions météorologiques acceptables (sans pluie, orage ou vent important).
Liste des macro-hétérocères et des micro-hétérocères observés
Pour terminer voici la liste des espèces des macro-hétérocères et des micro-hétérocères observés et déterminés lors de cette session.
Des photos on été ajoutées pour la plupart des espèces qui n’ont pas été illustrées ci-dessus.
Blastobasidae : Blastobasis phycidella
Yponomeutidae : Yponomeuta padella
Yponomeuta padella, Yponomeute du cerisier, Beaumonts, 23 juillet 2022, cliché Pierre Rousset
Yponomeuta padella, l’Yponomeute du cerisier ou du prunier. Les tons bleutés sont dus à la lampe à ultra-violets. Capturé par André Lantz pour assurer son identification. Y. padella n’est pas d’un blanc pur. il y a un peu de gris vers l’apex de l’aile antérieure et une fine nuance grise sur une partie de cette aile (qui me semble apparaître sur la photo)
Tortricidae : Ennarmonia pomonella
Eucosma conterminana
Agapeta hamana
Agapeta hamana, Euxanthie du chardon, Beaumonts, 23 juillet 2022, cliché Pierre Rousset
Epiblema foenella
Voir photo dans la première partie.
Pyrales : Synaphe punctalis
Endotricha flammealis
Endotricha flammealis, la Flamme, Beaumonts, 23 juillet 2022, cliché Pierre Rousset
Eudonia mercurella
Eudonia mercurella, Eudorée de l’Alisier, Beaumonts, 23 juillet 2022, cliché Pierre Rousset
Ancylolomia tentaculella
Voir photo dans la première partie.
Géometridae : Horisme radicaria
Horisme tersate / radicaria, Horisme jumeau, Beaumonts, 23 juillet 2022, cliché Pierre Rousset
Idaea degeneraria
Idaea degeneraria, Ecaille chinée, Beaumonts, 23 juillet 2022, cliché Pierre Rousset
Epirrhoe alternata
Erebidae : Euplagia quadripunctaria
Euplagia quadripunctaria, l’Ecaille chinée, Beaumonts, 23 juillet 2022, cliché Pierre Rousset
Noctuidae : Cryphia algae
Craniophora ligustri
Craniophora ligustri, la Troënière,, Beaumonts, 23 juillet 2022, cliché Pierre Rousset
Mythimna pallens
Voir photo dans la première partie.
Noctua comes
Noctua comes, la Hulotte, Beaumonts, 23 juillet 2022, cliché Pierre Rousset
Les ailes fermées, il devient impossible de différentier la Hulotte de sa cousine la Frangée (Noctua fimbriata) dont la photo se trouve dans le corps du texte. Comparez les marques noires sur le fond rouge des ailes postérieures.
Noctua fimbriata
Littérature consultée :
Phipippe Mothiron : Inventaire commenté des Lépidoptères de l’Île-de-France I. Noctuelles 1997 supplément hors-série au tome 19 d’Alexanor.
Patrice Leraut : Papillons de nuit d’Europe volume 3 Zygènes, Pyrales 1 N.A.P. Editions 2012
Patrice Leraut : Papillons de nuit d’Europe volume 5 Noctuelles 1 N.A.P. Editions 2019
Patrice Leraut : Papillons de nuit d’Europe volume 6 Noctuelles 2 N.A.P. Editions 2019
André Lantz le 26 juillet 2022