Les résultats du premier tour des élections législatives ont confirmé et amplifié ceux de l’élection présidentielle. Nicolas Sarkozy et l’UMP remportent une nette victoire politique. Les projections pour le deu¬-xi¬ème tour donnent 80 % de sièges à la droite sarkozyste. Ce n’est pas une surprise. Pour des millions d’électeurs, il n’y avait pas d’enjeu, la présidentielle ayant réglé l’essentiel. En effet, dans les institutions de la Ve République, l’élection du président de la République au suffrage universel détermine la politique du pays. Tous les pouvoirs sont concentrés au sommet de l’État. De plus, depuis que Lionel Jospin a inversé le calendrier en confirmant la primauté de la présidentielle sur les élections législatives, celles-ci sont relativisées par les électeurs. D’où une abstention massive : près de 40 %. Cet¬te abstention est aussi renforcée par l’absence de toute proportionnelle, ce qui interdit une représentation équilibrée des différents courants politiques. La gauche révolutionnaire, en progression constante dans toutes les consultations législatives depuis 1995, et qui dépasse aujourd’hui les 3 %, est parti¬culièrement pénalisée par l’absence de proportionnelle.
Mais, à cette mécanique institutionnelle, s’ajoutent les problèmes politiques spécifiques de cette élection. Car l’abstention provient surtout des clas¬ses populaires et, plus précisément, de l’électorat de gauche. Face à l’offensive politique et idéologique de la droite sarkozyste, la gauche officielle a déclaré forfait. Le PS a ressorti ses guerres de cliques et de clans. La participation de Kouchner, Jouyet et Besson à l’équipe de Sarkozy a ajouté la débâcle morale à la crise politique. Comment, dans ces conditions, le vote pour le PS pouvait-il être un vote utile ? D’autant que les dirigeants du PS ont répondu à la contre-réforme libérale en s’adaptant, en ne la contestant qu’à la marge, voire en la soutenant. Sur toutes les questions sociales essentielles - le pouvoir d’achat, les retraites, l’emploi, la santé, l’université -, la gauche officielle a ac¬cepté le cadre des réformes libérales.
Sur le plan parlementaire, les dés sont centrer tous les pouvoirs pour appliquer son programme. Mais il y a un décalage saisissant entre la réalité sociale et politique du pays et sa représentation politique, en particulier parlementaire. Selon les projections, 80 % des députés seront membres de l’UMP : bien au-delà des 53 % recueillis par Sarkozy à la présidentielle et des 45 % obtenus par les candidats de l’UMP aux législatives ! Cela donne beaucoup de pouvoir à la nouvelle majorité. Mais ce « décalage » crée de nouvelles tensions entre la société et ses institutions. L’habileté de Sarkozy - qui a réussi à siphonner les voix du FN tout en marginalisant le Modem de François Bayrou - pourra les gérer, notamment en associant les directions syndicales à sa politique. Mais son programme est tellement brutal que, à un certain moment, il heurtera les conditions de vie et de travail de millions de salariés. Là, nous verrons bien quelles seront les réactions des travailleurs.
En tout cas, des épreuves décisives nous attendent. Les contradictions qui travaillent la société ne peuvent maintenant se dénouer que sur un plan extraparlementaire, dans l’expression directe des rapports de force sociaux et politiques, par la lutte. Dans ce sens, la LCR prépare les mobilisations contre la politique de Sarkozy. Cela passe par l’élimination, dimanche 17 juin, du maximum de candidats de droite et d’extrême droite. Mais ce qui est décisif maintenant, c’est de bloquer le programme de cette droite dure et arrogante. Le vote pour Sarkozy ne signifie pas une adhésion massive au libéra¬lisme. Les salariés et les citoyens vont prendre la mesure des attaques gouvernementales. Ils n’accepteront pas de nouveaux déremboursements de soins et de médicaments, l’augmentation de la TVA - l’impôt le plus injuste -, l’explosion du code du travail et la liquidation du CDI, la remise en cause du droit de grève, la marche à la privatisation des universités. Dès le mois de juillet, il y aura des mauvais coups. Il faut s’y préparer, ne pas baisser les bras, préparer dans l’unité la mobilisation sociale.
Mais il faut aussi lier la préparation des luttes à la réorganisation du mouvement ouvrier et de la gauche. Le PS ne peut pas barrer la route à la politique sarkozyste. Face au rouleau compresseur ultralibéral, il faut une autre force politique, aussi fidèle aux travailleurs que la droite l’est au Medef. Les 1,5 million de personnes ayant voté pour Olivier Besancenot, les dizaines de milliers de participants aux réunions de la LCR, des militants communistes, socialistes, syndicalistes, révolutionnaires, recherchent une alternative politique et même, au-delà, un nouveau parti. Contre la vague bleue, il faudra compter avec une digue rouge : un programme anticapitaliste, une force radicale, qui défend les revendications immédiates, un mouvement qui lutte de manière conséquente pour des réformes, un parti qui garde le cap de la transformation révolutionnaire. C’est la proposition que la LCR soumet à la discussion pour les semaines et les mois à venir.