Voici de nouveaux exemples qui illustrent le caractère démagogique de la politique environnementale du gouvernement Legault.
- Le gouvernement continue à soutenir le troisième lien (lien sous-fluvial) qui, en plus de coûter dix milliards de dollars d’après les estimations, contribuerait à l’étalement urbain et au renforcement de l’utilisation de l’autosolo. Le ministre des Transports, François Bonnardel, a osé prétendre que le troisième lien serait carboneutre malgré des tonnes de béton nécessaires à la construction d’un tunnel.
- Face à la montée du Parti conservateur du Québec dans la région de la Capitale nationale, grand défenseur du tout à l’auto, les ministres de la CAQ de la région qui n’ont jamais cru au projet de tramway ont fait des déclarations pour nuire au projet de tramway visant à ralentir sa mise en œuvre.
- Le dernier budget Girard n’a pris aucune mesure forte pour lutter contre les changements climatiques : a. le ministre a refusé de lever une taxe sur l’achat des véhicules gourmand en essence. b. le budget des infrastructures n’accorde que le tiers au transport collectif et la part du lien à la réfection des routes et des autoroutes. c. le soutien à l’auto solo électrique, qui n’est pas une solution véritable aux changements climatiques, n’est que la prétexte à la relance d’un nouvel extractivisme dans le lithium et à la quête de capitaux internationaux à cette fin. d. l’absence d’un plan réel d’investissement pour améliorer l’efficacité énergétique. e. Les investissements pour les aîné-e-s se font dans le béton et non dans le développement du travail de soin. f. ce budget renonce à réaliser de grands projets sociaux pour répondre aux aspirations de la population : réinvestissement massif en santé, en éducation, dans le logement social… tout en soutenant la privatisation des services publics…
La politique de verdissement du capitalisme du gouvernement Legault ne doit pas faire illusion. C’est ce que le texte suivant cherche à démontrer.
LE GOUVERNEMENT LEGAULT ET LE VERDISSEMENT DU CAPITALISME
François Legault s’est éveillé bien tardivement à toute préoccupation environnementale. Il avait durement critiqué le premier ministre Philippe Couillard pour avoir mis fin à l’exploration du pétrole sur l’ile d’Anticosti [1]1 et dans le Grand nord québécois. [2]2 Il a été élu comme premier ministre du Québec en 2018, sans que son programme électoral ne contienne rien de significatif concernant la lutte aux changements climatiques.
Les importantes mobilisations de 2019 qui ont rassemblé des centaines de milliers de personnes à travers le Québec ont illustré l’importance de la sensibilisation de la population à la problématique du changement climatique. Le premier ministre a compris qu’il n’était plus possible de nier la réalité de la crise climatique. Sa réponse a été de développer une politique environnementale visant le verdissement de l’accumulation du capital et de déployer une stratégie de communication prétendant faire du Québec un phare d’un « virage vert » en Amérique du Nord.
Les différentes dimensions du virage vert du gouvernement Legault
Le gouvernement Legault présente à l’automne 2020 son Plan pour un économie verte(PEV). Le PEV propose des transformations socioécologiques les plus « pragmatiques » possibles.
a. Des cibles « raisonnables » que son Plan ne se donne même pas les moyens d’atteindre.
Le PEV reconduit la cible fixée par le gouvernement Couillard d’une réduction de 37,5% des émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990 que le premier ministre présente comme une cible ambitieuse. Il convient que son plan ne pourra atteindre que la moitié de cette cible. Il est même prévu de recourir à l’achat de permis d’émission sur le marché du carbone pour permettre au Québec de s’en approcher. [3] Dans un document stratégique interne intitulé Conditions de réussite du Plan de mise en œuvre 2021-2026 du PEV, on découvre que le gouvernement a identifié 15 millions de tonnes de réduction potentielle (plus de la moitié de la cible) sous forme d’achat à la bourse du carbone Québec-Californie. « Les réductions d’émissions réalisées en Californie seraient ainsi achetées par des grands émetteurs québécois sous forme de droits de polluer et le Québec se créditerait de cette dépollution qui a, en réalité, eu lieu sur le territoire américain. » [4]
b. La confiance accordée au marché du carbone et au capital financier.
Jusqu’ici, la fiscalité carbone n’a pas permis d’atteindre les cibles de réduction GES. Un bilan de la bourse du carbone montre le caractère tout à fait aléatoire des mécanismes de marché sur la ]réduction ]des émissions de GES. Au Québec, les quotas carbone ( les permis de polluer) ont été le plus souvent offerts gratuitement aux entreprises les plus polluantes. L’expérience a démontré qu’il ne suffit pas de donner un signal prix aux entreprises pour que ces dernières changent leurs procédés de production et leurs stratégies d’accumulation. Elles n’abandonnent pas leur objectif de produire plus pour vendre plus. Elles n’abandonnent pas à cause du signal prix, la vente sous pression par la publicité. Les résultats de la bourse du carbone (Système de plafonnement et d’échange de droits d’émissions - SPEDE) en termes de réduction des émissions de GES parlent d’eux-mêmes. En fait, le marché du carbone ne permet pas d’atteindre les cibles fixées même si elles sont en deçà de ce que préconise le GIEC. Le Québec n’a réussi qu’à réduire les émissions de GES de 9,1% de 90 à 2016. Les émissions de gaz à effet de serre ont continué d’augmenter. Elles ont même particulièrement bondi en 2016 et 2017 dans les 100 entreprises les plus polluantes du Québec, et ce malgré les subventions fournies à ces entreprises [5] 5 qui ont reçus plus de droits de polluer gratuits qu’elles ne faisaient d’émissions de GES.
c. La place centrale à l’électrification des automobiles
La proposition du PEV d’interdire la vente de voitures neuves à combustion interne à partir de 2035 relève davantage d’un plan de communication que d’un plan de lutte aux changements climatiques. Cette mesure ne s’appliquera que dans 15 ans et ne concernera même pas l’ensemble des camions et voitures commerciales. Dans les faits, le PEV fait une place de choix au soutien à l’achat de voiture électrique : poursuite du programme Roulez vert qui prévoit une aide de 8000 $ à l’achat d’une voiture électrique. Cette priorité a l’avantage de ne rien bousculer des habitudes de la population et conduira à un nouvel élargissement et à la diversification du parc automobile avec le maintien des problèmes de congestion et d’étalement urbain. Ces subventions constituent une véritable manne gouvernementale fournie aux grands de l’automobile pour faciliter leur conversion et pour le gonflement de leurs ventes et de leurs profits.
Le gouvernement Legault souligne les différents projets de transport collectif, mais il continue à dépenser deux fois plus d’argent dans le réseau routier et l’électrification des automobiles qu’au transport collectif. Les projets de transport collectif restent loin derrière en termes de fonds investis dans les infrastructures routières. [6]
Dans ce contexte, le soutien au troisième lien (construction d’un tunnel sous-fluvial entre Québec et la Rive-sud) dont le coût est évalué à 10 milliards de dollars est sans doute le projet le plus électoraliste et le plus insensé. Il est révélateur des limites du « tournant vert » du gouvernement Legault. Présenter ce projet comme un projet carboneutre, comme l’a fait le ministre des Transports, François Bonnardel, est tout simplement stupéfiant et risible. Tous les experts ont répété que ce projet va permettre un [nouvel étalement urbain et le maintien de l’utilisation de l’auto solo. [7]
d. L’ouverture à un nouvel extractivisme
La priorité donnée à une politique de mobilité centrée sur l’automobile individuelle débouchera sur la relance de l’exploitation de ressources minières (lithium, cobalt, nickel) et énergétiques. C’est la porte ouverte à un nouvel extractivisme. Devant les profits envisagées de ce tournant, les multinationales australiennes et brésiliennes ont déjà investi ou prévoient d’investir pour prendre le contrôle de cette filière. Le gouvernement Legault prétendait, dans un premier temps, vouloir contrôler l’entièreté de la chaine de valeur de l’extraction de minerai à la production de batteries pour la conversion du système de transport. Ces ambitions du premier ministre sont déjà abandonnées et son ministre de de l’Économie, M Fitzgibbon est maintenant à la recherche d’investisseurs internationaux. Le gouvernement Legault se dit prêt à appuyer leurs investissement avec de l’argent public et à faire du sol québécois un bar ouvert aux multinationales du secteur minier. [8]
e. Une privatisation de la transition énergétique sous l’aile d’Hydro-Québec
i. Faire du Québec, la pile de l’Amérique du Nord.
L’hydro-électricité est une énergie abondante et à faible coût. Sa vente à faible prix a été utilisée pour attirer des industries énergivores comme dans les secteurs de l’aluminium, des cimenteries ou de l’électro-chimie. L’abondance de l’hydro-électricité a permis d’attirer des entreprises polluantes et émettrices de GES qui consomment aujourd’hui près de la moitié de sa production électrique. [9]
La vente de l’énergie hydroélectrique aux États du nord-est des États-unis ou à l’Ontario pourrait pour françois Legault faire du Québec la batterie de l’Amérique du Nord. Au lieu d’utiliser cette énergie et l’expertise qui lui est liée pour améliorer l’efficacité énergétique et opérer une avancée à marche forcée sur la réduction des émissions de différentes industries, on cherche à l’exporter dans une démarche purement extractiviste. Et le premier ministre Legault prétend que cette exportation va permettre aux États-Unis de sortir des centrales électriques au gaz ou au charbon. Ici aussi, il suppose que le rajout d’une énergie propre (et à ce niveau aussi, la discussion est ouverte concernant l’hydroélectricité [10] mènerait à la fermeture de ces centrales. Rien n’est moins sûr. L’expérience nous montre que l’accès aux renouvelables ne mène pas automatiquement à la baisse de la production des énergies fossiles mais plutôt à l’ajout de ces nouvelles sources d’énergies afin de répondre à une économie insatiable d’énergies et de croissance sans fin. La batterie de l’Amérique du nord n’est qu’un slogan creux d’affairistes qui ne sert qu’à verdir la logique d’une production toujours plus considérable.
ii. le gaz naturel élevé au rang d’énergie propre
De 2018 à 2021, le gouvernement Legault a laissé ouvert la porte à l’exploitation pétrolière et gazière sur le territoire québécois. Il a apporté son soutien au projet GNL-Québec. Son gouvernement présentait le gaz naturel comme une énergie de transition. Le PEV va jusqu’à parler, en ce qui concerne les système de chauffage des bâtiments, d’une « complémentarité optimale des réseaux électrique et gazier ». [11]
Cette orientation s’est d’ailleurs concrétisée par une collaboration de plus en plus étroite entre Hydro-Québec et Energir en ce qui a trait à l’utilisation du gaz naturel au Québec. [12]
Ce n’est qu’à la veille de la rencontre de la COP26, pour verdir son image, qu’il a pris la décision de retirer son soutien à GNL-Québec dont l’acceptabilité sociale était remise en question par le rapport du BAPE et dont le financement était de plus en plus problématique. Il a également profité de cette occasion pour affirmer que son gouvernement allait interdire toute exploration et toute exploitation pétrolière et gazière sur le territoire québécois. C’était pour François Legault un coup de communication fumant alors que les réserves pétrolières et gazières au Québec sont fort marginales et sans grandes promesses de développement. Il s’est d’ailleurs empressé de promettre de compenser les entreprises des énergies fossiles détenant des permis sur une partie important du territoire québécois. [13] Des intervenants du mouvement écologiste ont déjà lancé une pétition contre cette intention du gouvernement caquiste. [14]
iii. Les énergies renouvelables (éolien, solaire, …) sous le contrôle des entreprises privées
Pour le gouvernement Legault, les énergies renouvelables devront se développer sous le contrôle des entreprises privées étrangères comme c’est maintenant le cas. Aujourd’hui, les énergies renouvelables sont le vecteur de la privatisation du secteur énergétique . Ce qui fait que ce secteur se développe sans plan d’ensemble et sans consultation citoyenne véritable. Hydro-Québec renonce à son rôle de maître-d’œuvre de la production d’énergies renouvelables au Québec. Par ces subventions aux entreprises, le gouvernement Couillard, puis le gouvernement de la CAQ par la suite, ont contribué à la perte de contrôle sur le secteur des énergies renouvelables. Ces subventions au secteur privé ont permis la montée en puissance de la propriété privée dans la production d’électricité. [15] En se soumettant sa politique énergétique aux initiatives des entreprises privées, le gouvernement de la CAQ s’avère incapable de planifier et d’opérer une transition énergétique effective vers les énergies renouvelables sur le territoire québécois.
iv. le soutien au développement de la filière de l’hydrogène
À son retour de Glasgow, le premier ministre ne tarissait pas d’éloges pour la filière de l’hydrogène vert. [16] Le développement de cette filière était déjà dans le Plan pour une économie verte (PEV). « L’hydrogène bénéficie d’un engouement important à l’échelle mondiale. Il est même un incontournable dans la transition énergétique de plusieurs pays. On constate également une croissance importante des investissements dans cette filière permettant des avancées majeures tant dans le domaine des technologies que du côté des produits manufacturés » [17]. Déjà en 2019, Hydro-Québec annonçait son intérêt à développer cette filière en collaboration avec des intérêts privés pour produire des voitures fonctionnant à l’hydrogène. [18] Déjà la perspective d’utiliser le faible coût de l’électricité, pour développer l’hydrogène vert et l’exporter est envisagé par le gouvernement de la CAQ. Energir en collaboration avec Hydro-Québec cherche à verdir la distribution de gaz naturel en prétendant utiliser leur réseau pour faciliter la distribution de l’éventuel production de l’hydrogène vert. [19]
f. Le refus d’une rupture avec une agriculture industrielle exportatrice centrée sur la production carnée
Le PEV semble incapable de voir au-delà de la réduction du gaspillage et d’une meilleure gestion des matières résiduelles. Une agriculture d’élevage intensif centrée sur l’exportation et la production carnée n’est pas contestée. Pourtant, elle est responsable « de 9,8% des émissions de gaz à effet de serre du Québec en 2017 (4e secteur émetteur) » [20] Le maintien d’une agriculture industrielle agroexportatrice centrée sur la production carnée, tel est l’orientation du gouvernement Legault qui se tient loin d’une véritable agriculture écologique. .
Conclusion : « Plus de richesse, moins de GES »
Le mot d’ordre de Legault est simple plus de richesse moins de GES. Produire plus, exporter plus. La croissance verte, le capitalisme vert le plus grossier et le moins subtile, c’est l’orientation actuellement mise en œuvre. En termes clairs, il lance aux entreprises la proposition suivante, faites un tournant vert, c’est le moyen moderne de s’enrichir et d’accumuler et nous vous soutiendrons financièrement en plus.
Donc, la sortie de l’énergie fossile attendra. La consommation de gaz naturel, présentée comme une énergie de transition, se voit promettre un avenir radieux, Et, rappelons que ce gaz naturel est le produit des procédés de fracturation. Toute sa politique environnementale est soumise aux impératifs de la profitabilité des entreprises privées et à la logique du marché.
La planification publique et démocratique à long terme centrée sur la satisfaction des besoins de la population du Québec nécessiterait de vastes chantiers collectifs, visant à redéfinir la politique énergétique, à revoir la politique de mobilité pour nous sortir du règne de l’automobile, à s’engager dans la rénovation du cadre bâtie visant l’économie d’énergie et la migration vers une agriculture de proximité. Tout cela dans une perspective de diminuer la croissance des dépenses d’énergies et des ressources naturelles et d’en finir avec les productions inutiles et l’obsolescence planifiée.
Produire moins, partager plus, favoriser une économie de proximité. Cette orientation est écartée du revers la main, car la politique du gouvernement Legault c’est de réduire la transition économique à un verdissement permettant l’enrichissement de la classe entrepreneuriale du Québec. Par ses politiques irresponsables visant l’enrichissement des plus riches, le gouvernement Legault nous prépare un avenir plus que difficile.
Bernard Rioux Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.
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