Claude DEBONS - le 3 juin 2007
Bonjour Florence,
Je te remercie de ta sollicitation et de ta sollicitude. Je ne sais pas si je te connais mais je réponds
volontiers ce qui permettra d’énoncer quelques problèmes et d’ouvrir quelques débats (sur ce sujet je ne
reprendrais que les choses les plus immédiates, renvoyant pour le reste à ce que j’ai écrit dans mon texte
du 5 janvier et dans diverses contributions et tribunes écrites depuis et diffusées aux intéressés ; j’y
reviendrais à un autre moment si nécessaire).
D’abord sur l’objet de ce courrier : plusieurs au secrétariat savent bien que ce n’est pas un problème de
disponibilité s’il y a eu des absences aux réunions ces derniers mois. Si le but de ce courrier était de
retrouver tout le monde, il aurait dû proposer une discussion politique et non en rester à des
considérations utilitaristes. Passons.
Sur l’épidémie d’absences au secrétariat :
S’agissant du « secrétariat désigné le 3 février » j’ai retrouvé sa composition :
France Coumian - Pierre Cours-Salies - Claude Debons - Delphine Dellalée - Monique Dental - Pierre Laporte - Claude Leguerranic - Bernard Guibert - Franck Mérat - Henri Mermé - Christian Picquet
Un récent compte-rendu citait les noms suivants :
Pierre Cours-Salies, Henri Mermé, Pierre Laporte, Franck Mérat, Gilles Monsillon, Sabine Lasnier, Roland
Mérieux, Yves Salesse, Jean Malifaud, Fernanda Marrucchelli, Marylène Cahouet, Didier Brisebourg, My-Hanh Tran Huu, Emmanuel Chanial, Maxime Combes, Dominique Taddeï, Florence Fusin, Francine
Bavay, Claire Villiers, Katie Palluault, Marc Gicquel, Jean-Paul Alonso.
Il ne reste donc plus grand monde du secrétariat initial. Parmi ceux qui ont « disparu » figurent quelques acteurs importants du collectif national pour un non de gauche au TCE, du collectif du 29 mai et du Collectif national pour des candidatures unitaires ; acteurs inlassables ces trois dernières années de l’unité antilibérale. Certains d’entre eux alignent deux ou trois décennies, voire plus, de militantisme, et ils ont eu à affronter maintes situations conflictuelles ; on ne peut donc attribuer leur « absence » à un manque de
conviction ou à une fatigue passagère. Peut-être faudrait-il s’interroger sur ce qui a conduit à ce résultat.
De nombreux autres noms se sont visiblement rajoutés depuis la fin de l’élection présidentielle. J’ignore les conditions de désignation sinon qu’intuitivement, même si je ne connais pas tout le monde, je
devine qu’ils ont pour caractéristique commune d’avoir fait la campagne présidentielle de José Bové ; ce qui a le mérite de la clarté sur ce que représente le secrétariat aujourd’hui. En tout cas, pas de soucis,
notre absence a été comblée. Ceci dit, il n’est pas sûr que le « volontariat » soit la meilleure manière d’assurer un pluralisme énoncé mais dont j’ai acquis la conviction qu’il n’était pas recherché par tous. Ce n’est finalement que l’aboutissement d’un processus amorcé les 20-21 janvier à Montreuil, mais j’y reviendrais un peu plus loin.
Concernant ma disponibilité, comme tu ne le sais peut-être pas, je suis un jeune retraité et j’ai donc beaucoup de disponibilité. Pour mémoire, j’ai été permanent (gratuit) à temps plein (et même au delà) depuis 3 ans pour la campagne du référendum, les activités des collectifs du 29 mai, puis le collectif pour des candidatures unitaires. Pour te donner une idée de juin 2004 à décembre 2006 j’ai animé pas moins de 200 réunions publiques dans le pays. Pour l’immédiat, je suis très sollicité par la campagne législative
puisqu’en trois semaines j’assure 12 réunions publiques de soutien à des candidatures unitaires. Il y a diverses manières de continuer à être utile au combat antilibéral.
Sur le fond politique maintenant
Je considère que la réunion de Montreuil en janvier a été le théatre d’un « coup de force » (pour reprendre l’honnête expression de Jean Jacques Boislaroussie dans Politis) où le plébiscite pétitionnaire par internet
— et la « composition » de la salle — a remplacé la délibération collective pour imposer un candidat qui n’avait pas — c’est le moins qu’on puisse dire — fait l’unanimité dans les collectifs, au point de s’être retiré avant d’avoir à subir un désaveu trop sévère. Ce « pêché originel » pèsera lourd sur la suite : on ne peut pas rassembler sur la base d’un tel « acte fondateur ». On a vu d’ailleurs à partir de là se développer des pratiques d’intolérance et de haine hallucinantes que je n’avais jamais rencontré à ce niveau même dans
les pires moments de mes 39 ans de vie militante.
Malgré cela j’avais souscris au compromis de Montreuil : à savoir une candidature menant campagne pour l’unité et l’alternative, interpellant les 2 autres pour une candidature commune, avec une réunion d’évaluation de la dynamique créée à la veille du dépôt des candidatures début mars. De même, était actée l’idée d’un comité de campagne distinct de la coordination des collectifs. C’était nécessaire pour préserver autant que possible l’unité anti-libérale indépendamment des choix des uns et des autres pour
les présidentielles. Mais à peine énoncé, ce mandat a été bafoué. La bataille unitaire a été très sousestimée par le candidat, préférant se présenter comme un candidat « différent » et ne comprenant pas que
seule la bataille unitaire lui aurait permis d’acquérir une légitimité supérieure aux deux autres. A défaut, aux yeux de la masse des électeurs il n’était qu’un candidat supplémentaire ; on connait le résultat. Quant à la
distinction entre comité de campagne et coordination des collectifs ceux qui avaient pris en main le secrétariat se sont ingéniés à s’y asseoir dessus et à mélanger les genres dans les ordres du jour des coordination et les publications diverses (illustration symbolique avec la réunion de la coordination de Bobigny signalée par les affiches de campagne de JB, en toute innocence bien sûr). Résultat, comme je l’ai dit à Bobigny, je me sentais de plus en plus étrangers dans ce type de réunion et nombre de collectifs et de militants qui avaient refusé les positions des directions de la LCR puis du PCF mais qui ne se reconnaissaient pas dans la candidature JB se sont aussi sentis exclus et se sont éloignés. Certains se
réjouissent peut-être de cette « homogénéité » ainsi créée, moi pas. In fine, même la date prévue pour la réunion de mars n’a pas été respectée, empêchant les collectif de donner à temps un point de vue sur
l’opportunité d’une candidature « jusqu’au bout ».
Cependant, la réunion de Bobigny avait réaffirmé fortement le besoin de distinction des genres entre campagne Bové et collectifs unitaires (au point que JJB qui a le sens de la formule avait parlé de « revanche de Montreuil »). Las, à peine la réunion close les choses ont continué comme avant. J’ai donc, à partir de là, pris le parti de l’absence plutôt que de la présence inutile pour ne pas cautionner des pratiques qui sont aux antipodes de ma conception du respect des mandats collectifs et des synthèse
construites en commun. Tu pourras me demander pourquoi je n’ai pas mené la bataille plus vigoureusement contre ces pratiques. Après tout, 25 ans d’opposition de gauche dans la CFDT m’ont habitué à la ténacité. Je vais te faire une confidence : pendant longtemps, le « sens du devoir » au service de
« la cause » m’a fait endurer les pires avanies. Aujourd’hui, est-ce un effet de l’âge, il me faut du plaisir pour militer ! Et puis peut-être qu’inconsciemment j’ai pensé que l’enjeu ne méritait pas de souffrir. Ce qui ne m’a pas empêcher de continuer à répondre aux sollicitations des collectifs locaux pour diverses activités.
Pour la suite jusqu’à la présidentielle, je n’ai pas de commentaire à faire n’ayant plus participé aux activités nationales. Ce que je constate, c’est qu’à la sortie de la campagne présidentielle le camp antilibéral est encore plus fragmenté qu’après Saint Ouen. Pour autant, je suis surpris que les camarades qui ont participé à la campagne JB soient muets sur le bilan qu’ils en tirent. Je n’ai vu qu’un texte « officiel » tirant un bilan « globalement positif » (l’expression a déjà servi à une autre époque pour un autre objet) et un
autre se projetant dans l’avenir sans dire un mot du passé récent. Comment construire l’avenir sans une évaluation collective d’une expérience qui aura soulevé bien des passions diverses ?
Pour les législatives, l’ambiguité à prévalu. Face aux approches d’affirmations identitaires des directions du PCF et de la LCR, le mandat en faveur d’une bataille pour des candidatures unitaires n’a pas vraiment été porté et a été, de fait, supplanté par l’affirmation prioritaire du prolongement à tout prix de la campagne Bové. La fin des présidentielles pouvait fournir l’occasion d’une tentative de rapprochement ; ce ne fut pas le cas. Le but semble de moins en moins le rassemblement antilibéral et de plus en plus
l’affirmation d’un courant politique particulier. Autrement dit depuis plusieurs mois, l’enchaînement des actes posés, en biaisant en permanence avec les mandats des coordinations, dessine une orientation politique non énoncée, même si certains protagonistes n’en sont pas d’accords ou conscients. Que cette démarche provienne de personnes qui furent des pourfendeurs de l’ex-secrétariat de l’ex-CIUN, pourtant mille fois plus transparent et respecteux des mandats collectifs, me laisse songeur.
S’agissant des assises :
La question est simple. La pratique depuis Montreuil a conduit à réduire de plus en plus le rassemblement antilibéral au « courant Bové », d’ailleurs nombre de stickers de campagne précisent "Gauche alternative
2007 - issue des comités Bové". Si les assises se préparent sur ces bases et à partir du secrétariat actuel, elles ne représenteront qu’une partie du courant antilibéral, plus étroite encore que ce qui subsistait après l’échec de Saint Ouen. Est-ce votre projet ? Si le but est d’installer une nouvelle petite organisation politique, c’est cohérent, et après tout pas illégitime, mais l’honnêteté politique appellerait à ce que les choses soient dites. Mais si tel n’est pas le cas, alors il faut refonder un cadre unitaire plus large de
préparation car, contrairement à certaines affirmations le cadre actuel n’est pas acceptable, sa légitimité est réduite, et trop de méthodes détestables l’ont disqualifié à mes yeux. Je lisais d’ailleurs récemment un
membre du secrétariat se plaignant d’un climat « délétère » et j’ai lu les échanges d’amabilités à propos du nouveau site internet ou d’une note Europe. Ambiance.
Reste un débat plus large : Avec la victoire de Sarkozy, la netteté de cette victoire, la décomposition en cours à gauche, les problèmes qui nous sont posés n’ont-ils pas changés d’échelle et de nature et les solutions à apporter peuvent-elles être le simple prolongement de ce qui avait été envisagé avant ? Le défi posé par la contre-révolution conservatrice qui menace et la tentative de « modernisation » de la gauche en préparation n’appellent-t-il pas des réponses d’une autre ampleur ? On pourra en débattre plus largement si vous le souhaitez ; mais j’imagine mal qu’on prenne des initiatives sérieuses pour l’avenir sans une telle discussion.
Une dernière remarque enfin à propos de la tolérance à laquelle appelait un texte récent. Après les débordements d’intolérance et les propos et qualificatifs inacceptables dans l’activité militante commune subis pendant des mois, comment envisager recommencer dans le même cadre, comme si de rien n’était, s’il n’y a pas de réflexion collective critique sur de telles dérives ? Faire de la politique autrement ?
Ma « disponibilité » future dépendra donc des réponse à ces quelques questions politiques et pratiques.
Cordialement,
Claude Debons
PS : Jusqu’au législatives ce courrier n’a pas vocation à aller au-delà de ses destinataires.
Note
1. Le 25 mai 2007 à 08:38, Florence Fusin avait écrit :
"Claude,
Comme chaque membre du secrétariat désigné le 3 février dernier, tu reçois ce rappel, décidé par les membres présents le vendredi 5 mai.
Nous demandons à chacun et chacune de nous dire quelle sera sa participation pour la période des deux mois qui viennent. Nous avons besoin de nous organiser en sachant sur qui compter et pour quelles tâches. En te remerciant pour ta réponse rapide. Amicalement, Pour le secrétariat,
Florence Fusin"