Pourquoi avoir tenu cette conférence de presse ?
Didier Ménard - Pour plusieurs raisons. La plus importante est que nous sommes des soignants qui recevons chaque jour des personnes ayant des difficultés d’accès aux soins, nous sommes donc les témoins privilégiés de cette inégalité de santé, dont nous mesurons immédiatement les conséquences. Nous savons que des personnes risquent d’en mourir.
Aujourd’hui, à cause du forfait hospitalier, des personnes accumulent des dettes vis-à-vis de l’hôpital, et elles refusent d’être hospitalisées quand cela est nécessaire. Il y a un risque certain de morts d’hommes. Les nouvelles franchises augmentent ce risque : nous ne pouvons l’accepter.
Ensuite, nous ne croyons pas à l’argumentaire économique de la droite, qui justifie cette franchise alors que cette mesure ne peut diminuer le déficit, quand on sait que seulement 5 % des malades consomment 52 % des dépenses de soins, alors que la franchise frappera tout le monde.
Ces malades ne sont pas des irresponsables ; ils n’ont pas fait le choix d’être atteint de maladie grave. Le parcours de soins d’un malade est de plus en plus compliqué, contraignant, coûteux. En rajouter une « couche », c’est à coup sûr retarder le moment du soin, ce qui aggrave la maladie et, au final, coûte encore plus cher. On voit bien qu’à l’injustice s’ajoute la bêtise. Enfin, il faut savoir que l’assurance maladie est incapable de gérer cette franchise, car il faudra être en capacité de savoir combien gagne chaque assuré. Est-ce le fisc qui s’occupera du problème ?
Dans l’appel, vous dénoncez également la généralisation des dépassements d’honoraires et la création d’un secteur optionnel...
D. Ménard - Effectivement, il faut comprendre le processus dans son ensemble. Pour acheter le vote des médecins libéraux, le gouvernement a concédé l’ouverture d’un secteur optionnel, ouvert à tous les médecins, qui permettrait un droit au dépassement.
Quand on sait que, par ailleurs, les médecins en secteur 2 ne se gênent pas pour demander des dépassements excessifs, on voit bien que le résultat de cela n’est pas seulement une aggravation de la difficulté d’accès aux soins, avec une médecine pour pauvres et une médecine pour riches, c’est tout simplement la fin de l’assurance maladie solidaire, par la disparition de l’opposabilité des tarifs. Bienvenue au pays où il vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade - c’est la devise de ce gouvernement.
Quelles initiatives pensez-vous prendre ?
D. Ménard - D’abord, il s’agit de le faire savoir. Ensuite, c’est une de ses caractéristiques, cette droite ne cesse de taper sur les couches populaires, en les accusant d’être les fraudeurs qui fabriquent le déficit de l’assurance maladie. Nous voulons donc être les témoins parlants de cette oppression. Mais c’est insuffisant, nous voulons faire reculer l’oppression, et cela n’est possible que par la mobilisation des assurés sociaux et de toutes les forces qui n’acceptent pas cette inégalité sociale.
Notre conférence de presse est un premier pas, il faut élargir au plus vite le front de la résistance. Nous, nous serons là pour témoigner et servir de relais de mobilisation envers nos patients. En même temps - c’est indissociable -, nous voulons ouvrir le débat sur le système de santé que nous voulons construire.
• Pétition signable en ligne : appelcontrelafranchise.org