La température était d’environ 15 °C. Le vent nul à faible. Les nuages présents rediffusaient la lumière des villes mais sans UV. La séance a débuté vers 19h50 et s’est terminée vers 22h quelques minutes avant la pluie. Elle a été un peu plus courte que les séances d’été. mais ces dernières n’avaient commencé que vers 22h.
Nous avons déjà explicité l’intérêt des observations nocturnes des Hétérocères. Le lecteur pourra retrouver ces informations sur les précédents articles parus sur le site de Beaumonts Nature en ville [et ESSF].
Les observations et photographies ont été réalisées sur un drap blanc éclairé par une lampe Lepiled (lampe à diodes électroluminescentes), sauf mention contraire.
Nous avons retrouvé quelques espèces observées à l’automne 2021 et des espèces plus banales.
Globalement nous avons constaté moins d’individus qu’au début août, ce qui est logique car en automne et en hiver le nombre d’espèces de papillons de nuit est beaucoup plus faible qu’en été. Cependant certaines espèces ne volent que dans ces saisons et il est donc nécessaire de procéder à des observations nocturnes pour les identifier.
Divers insectes appartenant à d’autres ordres que celui des Lépidoptères ont également été attirés par ces radiations lumineuses : Coléoptères, Diptères, Homoptères.
Concernant les Diptères, nous n’avons observé qu’une petite mouche dont la longueur ne dépasse pas 3 à 4mm. Elle appartient à la famille des Chloropidae qui compte plus de 2000 espèces. Les larves sont généralement saprophages ou phytophages. Certaines vivent à l’intérieur des graminées en y creusant une mine. Quelques unes sont prédatrices de pucerons.
L’exemplaire observé aux Beaumonts est le Chlorops grégaire : Thaumatomyia notata (Meigen,1830). L’espèce est caractéristique par son triangle noir sur le front, ses bandes noires sur le thorax et son abdomen jaune et noir. Une grande soie termine le scutellum (Partie qui prolonge le thorax avant l’abdomen). Elle est inféodée aux graminées. Les imagos se nourrissent de nectar et des excrétions des larves de Coléoptères Chrysomelidae. Les larves sont carnivores et vivent dans les racines des plantes, surtout des graminées. Elles y consomment les pucerons des racines. Il arrive qu’elles forment des essaims de plusieurs millions d’individus et pénètrent dans des bâtiments en automne pour hiverner. Cependant elles peuvent affronter des températures extérieures de -30°C. (Emilia P. Narchuk)
Thaumatomyia notata, Beaumonts, 30 septembre 2022 ; cliché André Lantz.
Thaumatomyia notata, Beaumonts, 30 septembre 2022 ; cliché Pierre Rousset.
Le second, beaucoup plus gros, est une Tipule (ou Cousin) caractérisé par de grandes ailes et de très grandes pattes. Certaines personnes les prennent pour des moustiques géants. En fait ils sont totalement inoffensifs. Leurs laves vivent dans le sol sur les racines de différentes plantes.
Il s’agit de la Tipule du chou : Tipula oleracea (Linnaeus, 1758), espèce très commune.
Tipula opleracea, Beaumonts, 4 juillet 2013, cliché André Lantz.
Parmi les coléoptères ont retrouve toujours quelques coccinelles asiatiques Harmonia axyridis (Pallas, 1773).
Enfin parmi les Homoptères, plusieurs représentants des Cicadellidae bien reconnaissables à leur manière de sauter s’étaient invités à cette soirée. Le nom vernaculaire est Cercope des prés ou Philène spumeuse : Philaenus spumarius (Linnaerus, 1758) de la famille des Aphrophoridae. Cette espèce présente plusieurs formes. Celle de la photo est caractérisée par une bordure claire. Des exemplaires bruns avec des taches plus ou moins claires étaient également présents.
Philaenus spumarius, Beaumonts, 30 septembre 2022, cliché André Lantz
Philaenus spumarius, Beaumonts, 30 septembre 2022, cliché Pierre Rousset
Les larves de ciccadelles percent avec leur rostre les végétaux pour se nourrir. Pour se protéger de prédateurs potentiels elles forment un amas de bulles qui les recouvrent entièrement comme chez les Cercopes. Cette masse de bulles est désignée par « crachat de coucou ». En effet l’apparition de ces amas serait synchrone de l’arrivée des coucous.
Crachat de coucou sur saule, Beaumonts, 19 mai 2010 ; cliché André Lantz.
En ce qui concerne les Hétérocères nous avons retrouvé une espèce automnale, la Xanthie dorée : Tiliacea aurago (Denis et Schiffermüller, 1775), que nous avions vue la première fois en 2021. (Cette espèce portait avant la désignation Xanthia aurago ). Deux imagos ont été attirés mais sans s’arrêter sur le drap. On peut donc confirmer qu’à priori il ne s’agit pas d’adultes de passage, mais que cette espèce est installée dans le parc des Beaumonts. Sa chenille vit sur différentes espèces d’arbres. L’imago vole en une seule génération de mi-septembre à fin octobre.
Tiliacea aurago, Beaumonts, 30 septembre 2022 ; cliché André Lantz.
Tiliacea aurago, Beaumonts, 30 septembre 2022 ; clichés Pierre Rousset.
Chez certaines noctuelles certains dessins caractéristiques aident à la détermination. En particulier on peut s’intéresser à deux taches particulières sur l’aile antérieure : La première située à environ 1/3 à partir du point d’attache de l’aile au thorax et positionnée vers le bord antérieur de l’aile (côte) est la tache orbiculaire (en forme de rond), la seconde aux environs des 2/3 est la tache réniforme (en forme de rein).
Une autre espèce automnale, déjà photographiée de jour dans le parc en 2019, s’est posée sur le drap. Il y a eu deux ou trois imagos. Il s’agit de la noctuelle Xestia xanthographa (Denis et Schiffermüller, 1775) : La Ségétie trimaculée ou la Trimaculée. L’aile antérieure est brun grisâtre. Les ligne transverses sont peu nettes, La tache réniforme blanchâtre et bien nette, l’orbiculaire plus estompée est roussâtre plus ou moins clair. Les postérieures sont blanchâtres et présentent une bordure grise. Il existe de nombreuses formes avec diverses colorations des ailes antérieures allant du noirâtre au gris et à l’ocre.
Xestia xanthographa, Beaumonts, 30 septembre 2022 ; cliché André Lantz.
Xestia xanthographa, Beaumonts, 30 septembre 2022 ; clichés Pierre Rousset.
Cette espèce univoltine vole d’août à septembre. Sa chenille se nourrit de graminées et de diverses plantes basses, de jeunes feuilles de saules et de chênes. C’est une espèce commune.
Xestia xanthographa, Beaumonts, le 1er octobre 2019, cliché André Lantz.
Nous avons aussi retrouvé les espèces communes observées cet été
Le Hibou : Noctua pronuba (Linnaeus, 1758) est une noctuelle d’assez grande taille. Les ailes postérieures sont jaune clair avec une bordure noire. On peut noter une coloration claire sur la côte de l’aile antérieure.
Noctua pronuba, Beaumonts, 30 septembre 2022, cliché André Lantz.
Noctua pronuba, Beaumonts, 30 septembre 2022, clichés Pierre Rousset.
La Hulotte : Noctua comes Hübner, 1813 ressemble un peu au Hibou mais est de taille inférieure.
Noctua comes, Beaumonts, 30 septembre 2022, photographiée en studio, cliché André Lantz.
Noctua comes, Beaumonts 30 septembre 2022, cliché Pierre Rousset.
Enfin Le Casque : Noctua janthina (Denis et Schiffermüller, 1775) ou Le Collier soufré : Noctua janthe (Borkhausen, 1792) a fait une courte apparition. La détermination de l’espèce aurait nécessité le prélèvement de l’imago. Ce n’est pas très utile car nous savons que les deux espèces cohabitent dans le parc.
Deux espèces de Géomètres se sont posées sur le drap.
Une espèce très commune au parc des Beaumonts est l’Alternée : Epirrhoe alternata (Müller, 1764). Sa chenille vit sur le Gaillet (Galium aparine) ou Gratteron. Il y a deux générations par an, la première en mai-juin, la seconde en juillet-septembre. En journée l’adulte s’envole quand on le dérange et va se poser quelques mètres plus loin. Elle est reconnaissable à ses bandes claires et sombres disposées en alternance.
Les deux photos suivantes illustrent les positions que peuvent adopter les géomètres au repos. Soit les ailes sont redressées sur le corps comme beaucoup de Rhopalocères (papillons de jour) au repos ; soit elles sont posées à plat. Les dessins des ailes antérieures sont alors en continuité avec ceux des ailes postérieures.
Epirrhoe alternata, Beaumonts 30 septembre 2022, clichés André Lantz.
Epirrhoe alternata, Beaumonts 30 septembre 2022, clichés Pierre Rousset.
Enfin une Boarmie rhomboïdale ou Boarmie commune, Peribatodes rhomboidaria (Denis et Schiffermüller, 1775), un peu « frottée », ayant perdu une partie des écailles qui ornent les ailes, s’est posée vers la fin de la session. Cette espèce est très courante. On peut aussi la rencontrer sur les murs en ville. Les antennes pectinées sont l’apanage du mâle. Elles augmentent la sensibilité de réception des phéromones émises par les femelles. On remarquera que chez cette espèce la pectination s’arrête nettement avant l’apex de l’antenne. Espèce bivoltine, on la trouve de mai à octobre. La chenille est polyphage.
Peribatodes rhomboidaria, Beaumonts, 30 septembre 2022, cliché André Lantz.
Peribatodes rhomboidaria, Beaumonts, 30 septembre 2022, clichés Pierre Rousset.
André Lantz le 3 septembre 2022.
littérature consultée :
– Guide des Mouches et des Moustiques, J. et H. Haupt, Delachaux & Niestlé, 2000
– Papillons de nuit d’Europe, volume 2 Géomètres ; Patrice Leraut,N.A.P. Editions, 2009
– Papillons de nuit d’Europe, volume 6 Noctuelles 2 ; Patrice Leraut,N.A.P. Editions, 2019
– Foyers de mouche carnivore Thaumatomyia notata Meigen (Diptères : Chloropidae) et leur périodicité ; Emilia P. Narchuk, Institut zoologique, Académie russe des sciences, Universitetskaya nab., 1, Saint-Pétersbourg, 199034, Russie