Je me suis rendue à la conférence de Sotsialny Rukh (SR) à un double titre
Cette guerre-là, vue de Kyiv mi-septembre, était à la fois lointaine et bien présente : comme on le sait et comme on le voit dans les rues de la ville, les activités ont repris et semblent « normales » depuis le repli stratégique des troupes russes vers le sud et l’est du pays. Et pourtant la guerre demeure là de multiples façons – outre la chute de niveau de vie (avec un salaire moyen de l’ordre de 400 euros), des millions de personnes déplacées ou réfugiées, des pertes d’emplois, des morts, destructions et violences multiples notamment pour les femmes. La guerre se rappelle fréquemment par des sirènes d’alertes quand les forces russes lancent des missiles sans qu’on sache quels lieux stratégiques du pays sont ciblés. Ce fut notamment le cas, à plusieurs reprises mi septembre, quand des missiles ont visé dans la région minière de Krivih Rih la centrale hydraulique et ses barrages, produisant des inondations destructrices. Telle s’avéra la cause de l’alerte qui retentit à Kyiv à la mi-journée du 16 septembre, imposant la fermeture de la banque où nous voulions changer de l’argent. Toutefois, on nous indiqua que les services de change obligés de fermer dans la rue, fonctionnaient dans la vaste galerie aménagée dans le sous-sol, dotée de boutiques et bureaux divers assurant la continuité des activités. Mais, dans la phase où se déroulait la conférence, les alertes faisaient manifestement partie d’une certaine « normalité » à Kyiv : les conversations entamées sur les terrasses qui nous entouraient se sont ce jour-là paisiblement poursuivies, comme l’essentiel des activités de la capitale.
Dans la ville, deux autres « traces » de la guerre persistent : d’une part, toutes les statues sont protégées par leurs propres abris permanents qui les emmitouflent, parfois recouverts d’une image ou d’un panneau indiquant la nature de l’ouvrage camouflé. Enfin, ici où là sont restés disponibles mais mis sur les côtés de rues stratégiques, les barrages anti-chars établis au début de l’offensive russe vers Kyiv fin février. Si l’évolution de la guerre rend désormais peu crédibles une entrée de tanks et des envois de troupes dans la capitale, les autorités du pays prévoient de protéger parfois certaines cérémonies contre de possibles tirs de missiles (ou rappeler la réalité de la guerre à quelques personnalités internationales) en les organisant dans les sous-sol du très profond et beau métro de Kyiv (qui ressemble à celui de Moscou) – au grand dam de la population alors gênée dans ses déplacements. Malheureusement, les échecs mêmes des armées de Poutine signifient – notamment après les revers subis par Moscou dans le Donbass et sur le pont qui relie la Crimée à la Russie – de vraies nouvelles menaces de tirs de missiles vers toutes les grandes villes et carrefours stratégiques du pays.
D’une conférence à l’autre – l’ancrage social de SR
Mais globalement, mi septembre, la capitale vivait encore « normalement » en ce septième mois de la guerre alors qu’en mai dernier c’était alors encore à Lviv (près de la frontière polonaise) que depuis l’invasion de fin février les forces politiques, syndicales, associatives du pays – ainsi que les diplomates – avaient déplacé leurs quartiers généraux, désertant Kyiv. Et ce fut donc là, qu’une première rencontre militante avait été co-organisée le 8 mai par Sotsialny Rukh (SR) et le réseau européen de gauche ENSU
A Lviv, les militantEs ukrainienNEs membres ou proches de SR présentèrent ce qu’étaient leurs activités (politiques, syndicales, féministes, LGBT, écolo…) en temps de guerre (ajoutant à leurs activités antérieures de formation et de défense de droits toutes celles qu’imposait l’urgence des solidarité par en bas face aux destructions et dégâts sociaux de la guerre – et les délégués de l’ENSU cherchèrent à faire connaître ces activistes
Il s’agissait d’aider à l’ancrage d’une gauche politique, syndicale, féministe
C’est en raison de ce même objectif – faire connaître la gauche ukrainienne au sein de la résistance populaire – que la conférence tenue à Kyiv, le 17 septembre, fut ouverte aux membres des réseaux internationaux de la gauche occidentale solidaire (soit par notre présence physique soit par les liens zooms). Mais cette conférence-là avait d’abord et avant tout un objectif interne à SR : sans pouvoir être un « congrès » (vu les difficultés de fonctionnement et préparation en contexte de guerre), il s’agissait pour l’organisation SR elle-même d’évaluer ensemble ses avancées, fragilités et confrontation à des défis qui sont à la fois généraux et propres à la société ukrainienne post-soviétique : se donner les moyens de mieux assurer et exprimer collectivement son identité politique dans une société où être « de gauche » est assimilée au passé stalinien et au soutien à la guerre et au régime de Poutine.
Or, les discours mêmes de Poutine à la veille du lancement de son « opération militaire » renvoyèrent explicitement à deux enjeux majeurs divisant la gauche et qui marquent l’identité politique de SR : d’une part, la caractérisation de ce que fut la chute du dernier président dit « pro-russe » de l’Ukraine en 2013-2014 – Viktor Ianoukovitch ; d’autre part, la « raison d’être » de l’indépendance de l’Ukraine.
Un bref retour sur ces deux points vise ici à préciser le profil de Sotsialny Rukh. Car cette ONG socialiste s’est créée en 2015 à partir de délimitations politiques essentielles jusqu’à ce jour travaillant la gauche « post-soviétique » face à Maidan et au contre-Maidan.
La gauche et Maidan
La crise ukrainienne de 2013/2014 renvoie à ce qui a été appelé la « révolution de Maïdan » – du nom de la grande place de Kyiv qui fut alors le lieu de manifestations, confrontations et occupations de lieux et bâtiments publics qui ont accompagné la chute du président Ianoukovitch. Celui-ci, nous rappellent toujours les défenseurs de la thèse d’un « coup d’état fasciste soutenu par l’Occident » avait été réélu démocratiquement en 2010 à la tête de l’Uk raine[7]. Ce qu’était devenu le régime Ianoukovitch depuis 2010 et ce que fut l’évolution depuis lors de la société ukrainienne[8] et de la Russie sont au cœur des divergences qui ont divisé la gauche ukrainienne et internationale à l’époque et depuis lors.
Je ne peux développer ici
Mais c’est dans ce contexte que la gauche ukrainienne et internationale a vu se cristalliser (après l’épreuve de la guerre de l’Otan concernant le Kosovo en 1999), des visions politiques et géo-stratégiques contradictoires relevant de ce qu’on a pu appeler le « néo-campisme »
La crise ukrainienne de 2013-2014 a ainsi été décrite d’un côté comme « révolution démocratique » de l’« Euro-Maidan » mettant l’accent sur les protestations contre le choix de Ianoukovitch de ne pas signer l’accord d’association avec l’Union européenne (UE). A l’extrême opposé une partie de la gauche radicale en Ukraine et en Europe, a également évoqué « l’Euro-Maidan » mais pour le rejeter en bloc. Dans les deux cas, c’était réduire les manifestations (en s’en réjouissant ou en le regrettant) à un mouvement « pro-européen », et assimiler d’éventuels espoirs d’ouvertures vers l’UE à des positions « anti-russes » – autant de réductions simplistes, gommant les dimensions auto-organisées et populaires des mobilisations, leur rejet d’un régime oligarchique corrompu et de sa répression. Or, les protestations initiales contre la rupture du « partenariat » avec l’UE ont été faibles, mais violemment réprimées. Et c’est cette répression qui a déclenché le caractère massif de l’occupation de la place Maidan et exaspéré les manifestants en faveur de la chute du président et contre des mesures de compromis. Et ce sont sont ces mobilisations de masse qui ont produit la chute du régime par rejet profond de l’oligarchie familiale de Ianoukovitch débordant largement vers sa propre région (au point qu’il a du s’enfuir vers la Russie).
On a vu converger alors une partie de la gauche anti-stalinienne et des courants néo-staliniens ou alliés au parti des Régions de l’ancien président Ianoukovitch dans l’analyse de « l’euro-Maidan » comme simple instrument des institutions capitalistes occidentales. Il faut souligner combien ce type d’ approches conspirationnistes a pénétré les analyses anti-impérialistes dans la phase post-soviétique – avec leur part de vrai, bien sûr : les moyens de corruption déployés par les institutions de la CIA vers les syndicalistes de Russie ou de Pologne – lors de la phase cruciale des années 1980 ; ou encore plus tard vers les blogueurs ou organisations actives au sein des révolutions arabes sont avérés. Mais cela doit-il conduire à nier l’authenticité des soulèvements populaires – et la possibilité qu’ils apprennent de l’expérience ? Ce fut le cas en Ukraine de l’évolution des perceptions populaires des partis entre 2004 et 2014 – avec la découverte que la corruption dénoncées en 2004 pat les partis dits « démocratiques » de la Révolution Orange étaient eux-mêmes profondément corrompus… Et plus généralement, comme partout dans le monde, on observa la montée des abstentions et de la défiance envers les partis institutionnels. dans le contexte d’une terrible confusion idéologique.
Le drame à gauche a été et reste d’une part le cumul de grandes divisions sur la façon d’analyser le passé soviétique avec une forte ignorance sur ce que furent les scénarios et transformations radicales des pays qui se sont réclamés du socialisme[11] ; ce qui a renforcé de plus la convergence de fait d’une partie de cette gauche conspirationniste avec la propagande des pouvoirs autocratiques de Russie et autres ex-républiques post-soviétiques : ceux-ci ont eu une peur radicale des aspirations à l’auto-détermination (comme en Tchétchénie) ou au « dégagisme » réel des mouvements de masse contestataires, notamment dans les années 2000. L’interprétation conspirationniste a légitimé leur tournant répressif (comme au temps de Staline) : toute opposition a été assimilée à une infiltration d’ « agents de l’étranger ». Quand cet « étranger » est, de surcroît « l’ennemi principal » (impérialiste), la logique « l’ennemi de mon ennemi est mon ami » renforce le soutien à la politique du Kremlin contre les « révolutions de couleur[12] » (considérées comme manipulées par l’Occident) – dont celle de 2004 en Ukraine ou de Géorgie en 2003, puis à nouveau en Ukraine en 2014.
L’ euro-Maidan de 2013/2014 a été traité dans le cadre de ce type d’approche en y ajoutant la dénonciation du rôle actif (réel mais sur-dimensionné dans les analyses) des milices d’extrême-droite dans les mobilisations populaires. La surreprésentation de ces courants et leur influence dans le gouvernement de transition mis en place en Ukraine (avant les nouvelles élections) après la chute et la fuite de Ianoukovitch a tenu lieu de « preuve » d’un « coup d’Etat fasciste anti-russe soutenu par l’Occident » – que l’on retrouve dans le discours Poutinien précédant « l’opération militaire » du 24 février 2022. La glorification officielle du héros nationaliste Stepan Bandera (choisissant l’alliance avec les nazis contre l’URSS stalinienne) ou encore la remise en cause de la loi de 2012 sur les langues (qui avait été adoptée sous la présidence de Ianoukovitch et donnait de fait un statut de co-langue officielle au russe et aux langues régionalement dominantes), l’affirmation de la langue ukrainienne comme seule langue officielle
Mais cela n’impliquait pas un « séparatisme »[15] et encore moins une guerre. Même en 2014 dans le contexte des mobilisations de l’anti-Maidan et des défiances réelles envers Kyiv, la population regroupée au sein des « Républiques populaires » autoproclamées de Donetsk et de Louhansk dominées (sans liberté d’expression) par les forces séparatistes ne recouvrait pas plus de 20 à 30% du Donbas. Quant au referendum organisé en Crimée (qui avait un statut d’autonomie au sein de l’Ukraine) en présence des forces armées russes, il offrait certes le « choix » de rejoindre la Russie ou l’Ukraine – mais celle-ci était présentée comme fasciste (et « anti-Russes »). Et, en vérité, l’enjeu fondamental pour Poutine était de se réapproprier la Crimée pour y consolider la base militaire de Sébastopol (avec en son sein la flotte de la Mer Noire). En annexant la Crimée, la Russie violait le protocole qu’elle avait signé avec l’Ukraine en 1994 à Budapest (en présence des États-Unis et de la Grande-Bretagne) selon lequel elle promettait de respecter les frontières de l’Ukraine en contre-partie de sa récupération de toutes les armes nucléaires[16]…
Parallèlement, si le pays avait effectivement subi ce « coup-d’Etat-fasciste-contrôlé-par-l’Occident », la société ukrainienne aurait porté au pouvoir une force nazie dans les élections de 2014, appuyée sur une consolidation de partis « pro-UE ». Or, cette « thèse » est contredite par la difficulté récurrente de tous les partis institutionnels (notamment de droite et d’extrême-droite) à former des majorités voire à entrer au parlement, ainsi que les scandales et crises successives affectant la présidence Porochenko (2014-2019). En témoigne, sans grand besoin d’enquêtes, l’élection surprise de l’acteur juif, russophone, Volodymyr Zelensky en 2019, élu sur la promesse de vaincre la corruption et de négocier avec Poutine un règlement pacifique des conflits du Donbas…
Les courants qui ont formé en 2015 Sotsialny Rukh se sont démarqués de ces postures – qui disposaient de puissants relais de propagande d’Etat. Indépendants de tout pouvoir – de Kyiv comme de Moscou- la démarche de SR, si marginale et fragile qu’elle soit, est précieuse pour tout regard critique et résistance internationaliste « par en bas » .
Une nouvelle gauche au sein de la « révolution de la dignité »
Cette gauche-là en construction avait choisi de s’insérer en 2014 dans ce qu’elle préfère appeler « révolution de la dignité » avec ses aspirations de justice sociale et son « dégagisme » alors impossible en Russie. Certes cette dynamique révolutionnaire avait été incapable de remettre en cause un système oligarchique et le mouvement était traversé par des idéologies réactionnaires. Le courant qui s’était formé sous le nom « Opposition de gauche » les combattait, cherchant à tourner les aspirations populaires égalitaires vers des réponses progressistes, critiques des politiques néo-libérales du FMI et de l’UE – notamment associées à la dette ukrainienne aggravée après la crise financière mondiale et européenne de 2008/2009 – et anti-fascistes.
Rassemblant en son sein des militantEs venant des diverses régions d’Ukraine et relevant de cultures politiques différentes (anarchistes, trotskistes et post-staliniennes notamment), elle avait aussi mesuré les raisons des défiances populaires exprimées dans l’anti-Maidan de l’est et du sud de l’Ukraine envers le nouveau pouvoir de Kyiv. La politique de Poutine en 2014 – et depuis 2022 – a sans doute renforcé des sentiments « anti-russes » mais aussi la défense d’une Ukraine plurielle[17]. Ceci est vrai aussi à gauche, parmi les courants anarchistes se reconnaissant dans le combat du dirigeant anarchiste Makhno mais aussi du côté des marxistes anti-staliniens se réclamant de Roman Rosdolsky fondateur du Parti communiste dans l’ouest de l’Ukraine et se rapprochant de l’Opposition de gauche trotskiste contre Staline[18]. Poutine a dénoncé (dans son discours de février 2022) une Ukraine indépendante « création » de Lénine. La centralité de l’enjeu de l‘autodétermination des peuples dans la constitution d’une union socialiste libre et égalitaire a été fondamentalement reconnu par Lénine, notamment face à l’affirmation de l’Ukraine populaire indépendante – initialement contre les bolcheviks[19]. Mais cela entrait évidemment en tension avec plusieurs dimensions du projet révolutionnaire socialiste – comment combiner les droits souverains des peuples avec une planification redistributive des régions riches vers les moins développées ? Quelle forme de démocratie inventer, combinant doits individuels et collectifs, sociaux et nationaux[20] ?
Mais tout ce passé et ses sources ont été largement enfouis et ont besoin de paix et de démocratie pour être mis à plat et mutualisés. Dans le contexte post-Maidan, des anars et plus généralement des anti-fascistes et anti-impérialistes se sont retrouvéEs de part et d’autres d’affrontements au sein desquels oeuvraient – également de part et d’autre -, des courants d’extrême-droite « pro-russes » ou au contraire, viscéralement « anti-russes ». Là régnait (comme de façon dominante dans le monde) la plus grande opacité des étiquettes politiques et des concepts hérités d’un siècle révolu
La gauche de Maidan qui allait fonder Sotsialny Rukh, était donc amenée à se trouver à contre-courant sur ces divers fronts – donc très marginale. Elle était fondamentalement l’expression d’une nouvelle génération militante (l’âge moyen en est autour de 30 ans) voulant s’approprier de façon critique l’héritage révolutionnaire du XXe siècle en y intégrant les apports des mouvements d’émancipation (et des logiques « intersectionelles » croisant les oppressions de classe, genre, ‘race », sexualité…) et de protection de l’environnement. Son exigence d’ancrage social dans une société et des mouvements « impurs » et ses références intellectuelles la place donc aux antipodes d’approches livresques et dogmatiques – sans donner évidemment de réponses toutes faites sur des sujets ouverts à de multiples controverses.
Ses convictions anti-capitalistes, son analyse concrète et critique de la société ukainienne et sa connaissance marxiste critique du passé soviétique la protégeait de postures « campistes » : elle avait contesté comme contre-productives (du point de vue de la lutte contre les forces sécessionnistes) les « opérations anti-terroristes » du pouvoir de Kyiv contre les populations du Donbas ; mais elle dénonçait en même temps le rôle de Moscou et de l’appareil bureaucratico-militaire ukrainien en crise derrière le pseudo referendum de Crimée contre une « Ukraine fasciste », puis l’auto-proclamation des pseudo « républiques populaires » de Donetsk et de Louhansk (RPD et RPL). Elle cherchait à dégager des aspirations populaires communes à l’ensemble de l’Ukraine et espérait un cessez-le-feu sous contrôle de l’OSCE ou de l’ONU, un démantèlement de toutes les forces paramilitaires, et un rejet de toute ingérence russe comme précondition à l’actualisation sur des bases démocratique de la constitution ukrainienne et à la maîtrise de ses choix et conflits – contre toute logique de partage des zones d’influence entre Moscou et Washington par-dessus la société ukrainienne[23].
J’ai rencontré pour la première fois cette jeune gauche à Kyiv en 2013 et 2014, en participant aux débats de la conférence qu’elle organisa sur « La gauche et Maidan ». Je lui suis redevable dans mes propres articles sur ces évènements[24] d’un « regard » associé à son insertion à contre-courant sur plusieurs fronts au cœur d’une « révolution de la dignité » – une révolution inachevée et impure ouvrant une phase de guerre hybride qui se transforme radicalement en guerre tout court en 2022.
Les trois poupées russes de la guerre de Poutine
La posture de SR face à cette guerre est cohérente d’une part avec sa démarche analytique et militante dans la phase 2013-2022, mais aussi avec son engagement en faveur d’une Ukraine souveraine comme composante d’une lutte socialiste.
C’est l’agression de Poutine qui a fait basculer bien des questionnements et hésitations dans le sens de la construction d’une Ukraine plurielle – qui devra assumer et surmonter démocratiquement (de façon pluraliste) ses propres conflits internes et ses lectures conflictuelles des pages noires du passé
Poutine lui-même a donné dans son discours du 22 février
La première relève explicitement du discours « Grand russe » du 19è siècle sur « un seul peuple russe » à trois dimensions (Russie, Biélorussie et Ukraine). Poutine l’oppose au choix de Lénine de vouloir fonder l’URSS sur la base d’une remise en cause de l’Empire russe (et de ses rapports d’oppression), donc sur un acte d’union libre signé sur base égalitaire entre des républiques (de Russie, de Biélorussie et d’Ukraine) reconnues comme souveraines.
Comme la première, la deuxième poupée russe n’a rien à voir avec l’OTAN et se nourrit d’idéologies d’extrême-droite sur le « monde russe » de l’Eurasie (contre la décadence féministe, LGTB et athée du reste du monde). Poutine ajuste ensemble diverses idéologies à sa manière. Il les appuie pragmatiquement sur deux constructions respectueuses des nouvelles souverainetés de républiques non russes post-soviétiques (autocratiques et anti-sociales) : l’Union économique eurasiatique qui veut contrer les projets du « partenariat oriental » de l’UE ; et l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), mini-OTAN, qui a montré son efficacité face aux émeutes sociales déstabilisant le pouvoir autocratique du Kazakhstan l’an passé
Ainsi conforté sur son « espace propre » de domination, Poutine espérait élargir les dimensions de la troisième poupée : sa place dans la Cour des grandes puissances et face à l’OTAN pour négocier en position de force le partage des « sphères d’influence ». L’audace de l’offensive russe (en défense des intérêts impériaux et impérialistes de ces projets) fut catalysée par l’état de « mort cérébrale » de l’OTAN après le retrait piteux d’Afghanistan et au vu des désaccords flagrants entre EU, France et Allemagne sur les enjeux énergétiques et les rapports à la Russie : c’est donc, non pas une menace de l’OTAN, mais à l’opposé, sa crise qui fondait un scénario offensif de Poutine en ce début 2022 – conforté par son évaluation de la situation en Ukraine.Il espérait en tirer une popularité intérieure analogue à celle que lui avait rapporté l’annexion de la Crimée.
Les tentatives de Zelensky de négocier avec Poutine le sort du Donbas se sont heurtées de plein fouet au mépris de l’autocrate russe. Mais elles ont aussi confronté le président ukrainien aux menaces de son extrême-droite. Se tournant alors vers Biden il a reçu de lui le refus explicite de défendre l’Ukraine contre des menaces d’interventions russes. Au total, la popularité du président ukrainien avait chuté fin 2021. Cela conforta Poutine dans la conviction d’un scénario de chute / fuite de Zelensky remplacé par un Pétain ukrainien dans le cadre d’un déploiement de force sur tout le territoire notamment vers la capitale – avec le même type de narration que pour le referendum en Crimée : « contre une Ukraine nazifiée, retour à la maison russe ».
Sotsialny Rukh face à la guerre
Les membres de SR adoptèrent d’emblée, comme la grande masse de la population ukrainienne et à sa tête le président Zelensky, le choix de résister à l’invasion et de refuser de disparaître dans la camisole de la poupée russe. Ce profil n’a jamais supprimé leur profil anarcho-communiste anti-capitaliste ni, donc, l’indépendance critique vis-à-vis du gouvernement Zelensky. Celui-ci est jugé comme « le moins pire » possible sur la scène politique ukrainienne telle qu’elle est et doté d’une forte légitimité populaire en tant qu’exprimant la défense de la souveraineté ukrainienne – ce qui implique, dans la phase de guerre que les critiques de gauche formulées soient (également) populaires, concrètes et non contradictoires avec l’engagement contre cette guerre.
La violence de l’invasion russe a imposé aux plus pacifistes l’évidence du droit de se défendre, de refuser de mettre sur le même plan les armes de l’agresseur et celles nécessaires au peuple qui décide de résister et de défendre sa dignité, ses droits, sa vie. Les liens de longue date avec le Mouvement socialiste russe ont permis une position commune le 7 avril 2022
Nous voulons aborder une demande très controversée, celle de l’aide militaire à l’Ukraine. Nous comprenons les répercussions de la militarisation sur le mouvement de la gauche progressiste dans le monde et la résistance de la gauche à l’expansion de l’OTAN ou à l’intervention occidentale. Cependant, un contexte plus large est nécessaire pour donner une image plus complète.
Tout d’abord, les pays de l’OTAN ont fourni des armes à la Russie malgré l’embargo de 2014 (France, Allemagne, Italie, Autriche, Bulgarie, République tchèque, Croatie, Slovaquie et Espagne). Ainsi, la discussion sur la question de savoir si les armes envoyées dans la région finissent dans de bonnes ou de mauvaises mains semble un peu tardive. Elles sont déjà dans de mauvaises mains et les pays de l’UE ne feraient que réparer leurs erreurs antérieures en fournissant des armes à l’Ukraine. En outre, les garanties de sécurité alternatives proposées par le gouvernement ukrainien nécessitent l’implication d’un certain nombre de pays, et ne peuvent probablement être obtenues qu’avec leur implication également.
Deuxièmement, comme de nombreux articles l’ont souligné, le régiment Azov est un problème. Cependant, contrairement à 2014, l’extrême droite ne joue pas un rôle prépondérant dans la guerre d’aujourd’hui, qui est devenue une guerre populaire – et nos camarades de la gauche anti-autoritaire d’Ukraine, de Russie et de Biélorussie luttent ensemble contre l’impérialisme. Comme cela est devenu clair ces derniers jours, la Russie tente de compenser son échec sur le terrain par des attaques aériennes. La défense aérienne ne donnera pas de puissance supplémentaire à Azov, mais elle aidera l’Ukraine à garder le contrôle de son territoire et à réduire le nombre de morts civiles, même si les négociations échouent.
Toutes les demandes d’aides (militaires, matérielles, financières) exprimées par SR se sont accompagnées du refus de tout conditionnement néo-libéral et anti-social – une position qui est aussi dans la plateforme du réseau solidaire ENSU. En témoignent les mots d’ordre et la menée concrète de deux campagnes de RS (soutenues par ENSU), illustrant la réalité de ce front de résistance sociale au sein de la lutte contre l’agression russe : d’une part la dénonciation des causes et contenu de la dette ukrainienne (épargnant les oligarques et pesant sur les budgets sociaux du pays) accompagnée de l’exigence de son annulation, notamment face aux désastres infligés par la guerre. Mais aussi la campagne lancée plus concrètement au plan syndical en direction du gouvernement Zelensky contre les lois attaquant les protections sociales héritées de l’ère soviétique. En arrière-plan permanent était posée la question de quelle Ukraine se construisait (et se reconstruirait) face aux destructions de la guerre ? C’est le thème de la conférence organisée sur trois jours les 21-23 octobre prochain
Ces mêmes questions – qui interpellent la gauche internationale sans réponses simples – était au cœur de le résolution adoptée
Le peuple ukrainien a été confronté à des défis difficiles, mais il a prouvé sa capacité à lutter pour le droit de décider de son propre destin, et sa détermination à défendre le pays et à mettre fin à la guerre dès que possible. Les autorités et les représentants de l’idéologie fondamentaliste du marché, ainsi que les grandes entreprises, continuent de faire passer un modèle économique axé sur le profit d’une minorité au détriment du bien-être de la majorité absolue. Dans ce modèle, les travailleurs sont complètement soumis à la volonté de leurs employeurs, tandis que les fonctions sociales et réglementaires de l’État sont abolies au nom des « besoins des entreprises », de la « concurrence » et du « marché libre ».
Des trois textes proposés au vote, celui qui fut adopté est celui qui développe le plus l’identité de SR. Mais le temps de débat fut court. L’optique de cette conférence-étape est de fournir des thèses et pistes de base pour la poursuite des tâches de formation et d’élaboration collective de la période prochaine. Voici quelles sont les « priorités » que le texte met en avant pour les réflexions et actions de Sotsialnyi Rukh » dans la lutte engagée :
1. La victoire complète et la sécurité de l’Ukraine.
L’armée russe doit être vaincue maintenant, c’est une condition préalable au développement démocratique et social de notre pays et du monde.
La préservation de l’indépendance et de la démocratie passe avant tout par le développement de ses propres capacités de défense. Sur cette base, un nouveau système de sécurité international doit être construit pour contrer efficacement toute manifestation d’agression impérialiste dans le monde.(…)
2. Une reconstruction de l’Ukraine orientée vers le social.
Les forces néolibérales tentent d’imposer leur vision de l’Ukraine d’après-guerre, un pays appartenant aux grandes entreprises et non à son peuple, et ne disposant ni de protection ni de garanties sociales. Contrairement à cela, nous pensons qu’il est nécessaire de prôner une reconstruction qui met l’accent sur le développement progressif du niveau de vie de la majorité de la population, et de notre infrastructure sociale, la fourniture de garanties économiques. La reconstruction doit être écologique, sociale, décentralisée et démocratique, inclusive et féministe. (…)
3. La démocratisation sociale.
Démocratisation à tous les niveaux de la vie, en éliminant l’influence de l’argent et des grandes entreprises sur la politique, en augmentant la représentation et l’importance des syndicats, des minorités nationales et des communautés au pouvoir et leur pleine participation à la prise de décision. (…)
4. Identité et inclusivité.
La nouvelle identité ukrainienne, qui naît sous nos yeux, est multiethnique et multiculturelle, car la plupart des Ukrainiens, qui défendent aujourd’hui notre pays, sont au moins bilingues. Le multilinguisme et la diversité de la culture nationale ukrainienne doivent être préservés et développés, en mettant l’accent sur le fait que la langue ukrainienne doit devenir un moyen universel d’échange et de production de connaissances dans tous les domaines de la vie publique, de la culture, de la science et de la technologie. L’ensemble du patrimoine culturel de l’humanité ne devrait pas seulement être disponible en ukrainien, mais l’ukrainien devrait également être utilisé pour produire des œuvres littéraires et artistiques avancées, ainsi que des connaissances scientifiques et techniques de niveau mondial.
Il est nécessaire d’assurer le développement de la culture et de la langue ukrainiennes dans toute leur diversité, une ukrainisation à vocation sociale, basée sur un financement public décent et compétent de l’éducation, de l’édition, de la vulgarisation scientifique, des festivals, des projets culturels, du cinéma, etc.
5. La solidarité internationale contre l’impérialisme et la catastrophe climatique.
Bien que l’Ukraine soit le plus grand pays du continent européen, elle est rejetée à la périphérie de la politique régionale. N’ayant aucune influence sur la prise de décision, elle est réduite à un marché pour les États européens.
Les contradictions croissantes entre les centres d’accumulation du capital dans le système capitaliste mondial ne s’arrêteront pas, même après la destruction complète du pouvoir impérialiste russe. (…)
La catastrophe climatique qui se déroule sous nos yeux exige une action urgente. L’humanité doit mobiliser des ressources pour le rejet immédiat et complet des hydrocarbures (…).
6. Un monde libre pour la créativité et la connaissance.
L’accès à la connaissance doit être libre et disponible pour tous. Chacun doit disposer des meilleures conditions possibles pour apprendre et poursuivre ses propres intérêts créatifs et de recherche. (…)
Protégeons la victoire du peuple ukrainien contre sa privatisation par les oligarques !
L’objectif de la conférence était aussi d’affronter les tâches organisationnelles associées à ce programme.
Le rapport introductif fait par le président de SR, le juriste des droits du travail, Vitalyi Dudin, soulignait qu’en six mois SR vu ses effectifs doubler
En effet, SR émergeait comme la gauche qui s’oppose à la fois à la guerre d’agression russe contre l’Ukraine et aux politiques néo-libérale
Un parti est nécessaire pour mettre en œuvre une vision alternative de l’Ukraine – démocratique, sociale et socialiste. Ce parti protégerait et unirait la classe ouvrière et les défavorisés, ceux qui manquent aujourd’hui de représentation politique et souffrent d’abus constants. Un tel parti doit protéger la majorité absolue de la population active contre le diktat des employeurs.
Le but ultime d’une telle force politique doit être l’émancipation de l’humanité et la démocratisation radicale de la vie économique, politique, nationale et sociale.
De plus, la question des liens entre activité syndicale en cours (ou mouvements sociaux) et parti fut abordée de façon concrète, après le rapport introductif de bilan d’activité. C’est en effet sur ce sujet précis que le président de SR invita à s’exprimer devant la conférence Vasili Andreev président du syndicat du bâtiment, pour qu’il présente son expérience en cours : il a en effet commencé à établir les bases requises légalement pour la reconnaissance d’un parti politique qu’il conçoit comme prolongement de son syndicat. L’organisation SR s’est donné pour objectif sur ce plan d’une part d’évaluer de plus près dans le dialogue avec Vasilii Andreev la proximité programmatique entre les deux organisations et au plan pratique de tester dans les diverses branches et régions les possibilités de fonctionnement commun.
Pour le suivi des diverses tâches, la conférence a élu un nouveau « Conseil » (ou Rada) collectif de sept membres – dont trois liés au travail syndical (dont le président Vitalyi Dudin largement plébiscité), trois femmes notamment impliquées dans les réseaux féministes et un des animateurs des réseaux jeunes d’Actions directes » en milieu étudiant. Dans tous les secteurs, la conférence est une étape visant à mieux poursuivre ensemble les divers types d’activités dans une relation « de confiance » – soulignée par Vitalyi Dudin. celles entamées avant la guerre, associées à la défense de droits (y compris de formation populaire) ; mais aussi les formes diverses d’auto-organisation large s’efforçant de répondre de façon solidaire aux dégâts et désastres de la guerre – ses destructions d’emplois donc perte de ressources et souvent de toits, mais aussi insuffisance des services collectifs et violences multiples notamment pour les femmes
Le rapport de Vitalyi Dudin lui-même soulignait deux tâches que SR s’efforcera d’assumer : celle de « traduire » les convictions socialistes exprimées dans la résolution en formulations concrètes compréhensibles, mobilisatrices et porteuses de ruptures avec l’ordre existant (une logique « de transition », dirait-on ?). Et celle de consolider la confiance nécessaire au fonctionnement d’un « intellectuel collectif » porteur de ce type de projet. Des tâches qui interpellent toutes les organisations de gauche dans le monde. Des tâches difficiles dès lors qu’on s’élargit : SR est une organisation qui, tout en étant encore de petite taille est déjà très diverse (heureusement !) sous l’angle des cultures politiques de ses membres – à dominante écolo-anarcho-communiste, féministe, LGTB – anti-fasciste. Une richesse.
Mais que veut dire, comme l’affirment les textes de SR, être en faveur d’un « socialisme démocratique » ? La question fut soulevée par un des camarades présent à la conférence. Et en creusant de plus près, il s’avérait que c’est le contenu de la notion de « démocratique » qui le questionnait le plus. La critique du passé stalinien n’a en rien résolu les questions qui interrogent en fait non pas seulement la gauche ukrainienne mais tous les courants anti-capitalistes : comment organiser la nouvelle société (quelles formes de démocratie, donc quelles institutions derrière la socialisation de la planification, du marché, de la propriété ?). De plus comment passer de la lutte dans/contre le système existant à la construction d’autres pouvoirs de décision et d’autres droits et priorités écolo-communistes – et à quels niveaux doit-on s’organiser au plan territorial pour être crédible et efficace ? Qu’attendre de l’UE ? La population ukrainienne a subi les effets d’une radicale « périphérisation » dans l’ordre capitaliste et elle s’est confrontée aux critères néo-libéraux de l’UE dans le rapport de « partenariat » depuis 2009. La grande masse de la population aspire à avoir le statut, les droits – et espère-t-elle les protections (de tous points de vue) d’un membre à part entière. C’est un débat que SR n’a pas eu – mais entamé avec ses membres et qui divise (lui aussi) la gauche européenne. Il s’intègre dans les enjeux globaux soulevés par la guerre. La résolution adoptée par SR souligne :
La gauche en Europe et dans le monde s’est révélée impuissante et désorientée lorsque l’agression russe en Ukraine a eu lieu. À moins que le mouvement socialiste international ne réalise les erreurs qu’il a commises et ne construise une nouvelle coopération et coordination véritablement internationaliste, nous n’avons tout simplement aucune chance d’empêcher la croissance de la lutte inter-impérialiste à l’avenir.
La seule perspective qui ouvre des marges aux résistances progressistes contre tous les impérialismes est que la résistance populaire ukrainienne (qui rend efficaces les armes reçues) conduise à la chute de Poutine – en suscitant notamment dans la fédération de Russie et dans les ex-républiques soviétiques une identification des nations non russes à la cause décoloniale ukrainienne et plus largement un refus de masse de mourir pour une sale guerre.
Il revient à la gauche internationaliste de faire connaître la proximité des enjeux décoloniaux de la gauche ukrainienne et russe avec ceux des peuples du « Sud global », comme le souligne la féministe et communiste indienne Kavita Krishnan[35]. La décolonisation de la Fédération russe est la clé pour rendre crédible la mise l’ordre du jour d’une dissolution de l’OTAN et de l’OTSC et les débats (entamés par Taras Bilous[36] au sein de Sotsialny Rukh) sur une autre architecture de « sécurité » mondiale refusant toute logique de « bloc » et de partage de sphères d’influence ».
Catherine Samary
Notes
[8] Sur l’évolution de la société ukrainienne entre 2013 et 2022 lire Daria Saburova, « Questions sur l’Ukraine », Contretemps du 3 octobre 2022. Cf. aussi le chapitre de Denys Gorbach sur l’économie-politique de l’Ukraine dans cette phase, in (livre collectif) L’invasion de l’Ukraine – Histoires, conflits et résistances populaires, La Dispute, 2022.
[10] Sur le contexte du monde dit bi-polaire » à l’origine de cette notion, son évolution et celle des « anti-impérialistes » notamment face aux conflits du Moyen-Orient lire Gilbert Achcar, https://www.contretemps.eu/anti-imperialisme-revolutions-arabes-libye-syrie-campisme/. Sur une critique des approches « campistes » face à la crise du Kosovo (1999) et à celle de l’Ukraine en 2014, cf. C. Samary « Quel internationalisme dans le contexte de la crise ukrainienne ? Les yeux grands ouverts contre les ‘campismes’ borgnes » (ESSF janvier 2016 :https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article37993
Abonnez-vous à la Lettre de nouveautés du site ESSF et recevez par courriel la liste des articles parus, en français ou en anglais.