De Bruxelles,
Le résultat du scrutin législatif belge, le 10 juin dernier, a finalement créé une certaine surprise. Si le recul de la social-démocratie était attendu (des scandales sur la gestion de biens publics municipaux éclaboussent depuis plus d’un an le PS), il a été très sévère : avec 26,84 %, le PS perd 7 %, et son homologue flamand, le SP.a, recule de 8 % (16 %). L’Open-VLD, parti libéral flamand du Premier ministre, Guy Verhofstadt, a lui aussi perdu des plumes, en reculant de plus de 4 % (18 %). En Flandres, la droite réactionnaire sort gagnante des élections, avec le cartel CD&V/N-VA (chrétiens-démocrates et nationalistes flamands, 31,4 %) et la liste Dedecker (populiste ultralibéral, 6,5 %). Les scores de l’extrême droite (Vlaams Belang) sont restés plus ou moins stationnaires.
La carte politique issue du 10 juin marque un nouvel approfondissement du caractère asymétrique d’un pays qui compte deux peuples, deux sociétés évoluant de manières divergentes. Ainsi, au total, les partis de droite et d’extrême droite pèsent près de 75 % des voix en Flandres, tandis qu’en Belgique francophone, son poids est plus limité (54 %). Dans cette partie du pays, si le Mouvement réformateur (MR, libéraux francophones) a ravi au PS la place de premier parti de Wallonie, c’est moins dû à sa progression, très limitée, qu’à l’effondrement du PS. La majeure partie de l’électorat perdu par le PS s’est majoritairement reportée « à gauche », c’est-à-dire à Écolo (+6,81 %).
Après le scrutin, le roi Albert II a confié au président du MR, Didier Reynders, une mission d’information, afin de recueillir les points de convergence entre les partis à même de composer la nouvelle coalition gouvernementale. Un premier pas, avant une « mission de formation » gouvernementale. L’exercice sera pour le moins difficile. Si une coalition « orange-bleu » (chrétiens-démocrates, libéraux flamands et libéraux francophones) paraît la plus logique, c’est sans compter sur les querelles communautaires déchirant les partis des deux côtés de la frontière linguistique, indépendamment de leur appartenance ou non à une même famille politique. Ainsi, le cartel CD&V/N-VA a axé sa campagne sur une nouvelle réforme de l’État donnant plus de compétences aux entités fédérées. Si le MR francophone se dit ouvert à la discussion, le CDH, son partenaire potentiel privilégié et « équivalent » francophone du CD&V, lui, ne veut pas en entendre parler. Les choses se corsent d’autant qu’une majorité des deux tiers est nécessaire pour réviser la Constitution, ce qui, dans l’idéal, reviendrait à composer une coalition des trois principaux partis francophones et flamands : libéraux, chrétiens-démocrates et socialistes. Du coup, l’option « orange-bleu » peut capoter et la social-démocratie participer au gouvernement, qui, de toute façon, accélérera les contre-réformes libérales.
Le bilan du scrutin du 10 juin est également celui de l’échec à la gauche de la social-démocratie et des écologistes. La dynamique ouverte par Une autre gauche (UAG), en Belgique francophone, et le Comité pour une autre politique (CAP), en Flandres, deux initiatives où la LCR/SAP [1] belge s’est investie, est nettement en panne. UAG a fait le choix correct de ne pas déposer de listes, un succès minimum mais significatif ne pouvant être au rendez-vous. Le CAP, quant à lui, contre l’avis de la LCR/SAP, a tout de même opté pour se présenter partout, et il a recueilli des scores désastreux (entre 0,1 et 0,3 %), qui hypothèquent lourdement son avenir. Au total, la « gauche de la gauche » ne rassemble que 95 000 voix, soit moins de 2 % de l’électorat. C’est dans les luttes à venir que devra se (re)construire un nouveau rapport de force favorable à une alternative anticapitaliste. C’est à cette tâche que la LCR belge veut s’atteler.
Note
1. Section de la IVe Internationale.