Présentation de la Déclaration
Vous trouverez ci-dessous des informations sur l’état des lieux et des prolongements possibles du processus des “10 principes pour un traité démocratique » pour l’Union européenne (UE). Ce texte constitue une première position commune des Attac d’Europe sur le sujet.
Dans la foulée du non en France et du nee aux Pays-Bas au projet de Traité constitutionnel européen (TCE), les Attac d’Europe ont poursuivi leur collaboration sur les questions européennes et se sont concentrées, entre autres, sur les questions institutionnelles. Lors de la rencontre de la Convention des Attac d’Europe à Bruxelles en décembre 2005, nous avons dressé un premier état des lieux de nos positions respectives sur l’Europe et identifié des premiers points d’accord communs.
Lors de la présidence autrichienne de l’UE (1er semestre 2006), Attac Autriche a développé une campagne pour une vision alternative de l’Europe, progressiste mais radicale ; dans ce cadre, nos amis autrichiens ont élaboré et publié un texte intitulé “10 principes pour un nouveau Traité constitutionnel” qui a été présenté et bien accueilli lors de l’université d’été d’Attac Allemagne en août 2006. C’est là que l’idée de proposer l’élaboration d’un document commun des Attac d’Europe sur la question de la révision du traité a germé.
La proposition faite, la discussion a commencé à l’automne 2006 sur la liste électronique de travail de la Convention des Attac d’Europe. Lors d’un séminaire du réseau européen des Attac, tenu à Catane en décembre 2006, la décision finale a été prise de publier un texte proposant “10 principes pour un traité démocratique pour l’Union européenne” à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’adoption du Traité de Rome, où la présidence allemande de l’Union et les chefs d’État et de gouvernement européens ont choisi de relancer le processus de révision des traités.
Les Attac d’Europe ont mis en place un groupe de travail pour animer ce processus d’élaboration collective. Une quinzaine d’Attac d’Europe ont activement contribué à cette discussion. Ce texte est aujourd’hui signé par 16 Attac d’Europe.
Le processus officiel
La présidence allemande de l’Union européenne a remis en marche le processus institutionnel, après le « temps de réflexion » souhaité par le Conseil européen de juin 2005. A ce jour, 18 pays sur les 27 membres (dont les deux nouveaux entrants, la Bulgarie et la Roumanie) ont ratifié le TCE (dont deux par référendum, l’Espagne et le Luxembourg). Deux l’ont rejeté (la France, le 29 mai 2005 et les Pays-Bas, le 1er juin 2005). Les sept pays restants (Royaume-Uni, Pologne, Portugal, Danemark, Irlande, Suède et République tchèque) ont annoncé leur intention de reporter leur vote : en 2007 pour la République tchèque, sine die pour les autres. 18 sur 27, c’est trois de moins que le seuil requis pour permettre une interprétation (délicate) de la fameuse clause de la partie IV prévoyant la saisie du Conseil après l’adoption du texte par les quatre cinquièmes des États membres signataires : une nouvelle négociation s’impose donc pour parvenir à un compromis.
Dans ce cadre, sous l’impulsion de l’Espagne et du Luxembourg, les 18 pays membres de l’UE ayant déjà ratifié le TCE (dont 16 par voie parlementaire), qui se définissent eux-mêmes comme « les Amis de la Constitution » ont organisé une rencontre le 26 janvier dernier à Madrid pour exiger une sortie de crise à partir de la substance du texte du TCE rejeté en France et aux Pays-Bas.
La présidence allemande se tourne donc du côté de la France – qui occupera la présidence de l’Union au second semestre 2008. Le rôle de la future présidence française sera en effet déterminant dans cette situation. Angela Merkel multiplie donc les contacts bilatéraux avec les principaux candidats à l’élection présidentielle française et sollicite leurs propositions.
Nicolas Sarkozy, pour l’UMP, a repris la proposition de faire adopter au plus vite un mini-traité reprenant environ deux-tiers des éléments de la Constitution qui avaient fait l’objet d’un consensus lors des referendums français et néerlandais (Euractiv, 11 septembre 2006), qu’il propose de faire ratifier par voie parlementaire dès 2007.
Ségolène Royal, pour le parti socialiste, a demandé dans un premier temps que l’Europe fasse ses preuves sur les politiques communes et le social et, s’agissant de la révision, s’est prononcée en faveur d’un traité, non plus d’une constitution, correspondant au TCE mais dont la partie 3 serait remplacée par un protocole traitant des politiques nouvelles, du progrès social, des services publics et de l’environnement. Texte sur lequel les Français devraient alors être de nouveau invités à s’exprimer par référendum avant les élections pour le Parlement européen de juin 2009, ou au plus tard le même jour. (Le Monde, 6 mars). Toutefois, cette nécessité d’un référendum en toute hypothèse a été récemment nuancée par quelques-uns de ses proches conseillers (Le Monde, 21 mars 2007).
De son côté, François Bayrou, pour l’UDF, a soutenu l’idée d’un texte bref, dense, significatif, pas « mini » mais solide, lisible par tout le monde (Le Monde du 14 février), soumis à referendum. Devrait y figurer une clause de rendez-vous pour réviser régulièrement les politiques communes et les compétences (Libération, 13 février).
A l’issue du Conseil européen des 8 et 9 mars dernier, Angela Merkel a soumis à ses homologues un premier projet de la déclaration que feront les chefs d’État et de gouvernement à l’occasion du cinquantenaire de l’adoption du Traité de Rome le 25 mars. Celle-ci s’orienterait en faveur d’un « traité », et non d’une « constitution », court et qui devrait être négocié par l’intermédiaire d’une Conférence intergouvernementale lancée dès juin 2007. Ce nouveau texte pourrait être signé au moment du Conseil européen de décembre 2007 sous présidence portugaise. Un processus de ratification, selon les procédures en vigueur dans chaque pays membre, démarrerait alors pour se terminer avec les élections européennes de juin 2009 au plus tard. Le débat est donc relancé entre les capitales européennes.
La déclaration des Attac d’Europe
La déclaration des Attac d’Europe prend en compte ces options et y répond. Le texte insiste sur la nécessité d’une alternative au Traité de Nice, qu’Attac France dénonce pour son caractère néolibéral et antidémocratique. Mais il met également en avant l’exigence d’une méthode démocratique pour l’élaboration d’un nouveau traité. En effet, il demande qu’une assemblée, élue directement par les citoyens de tous les États membres de l’Union européenne (soit) mandatée pour élaborer, en association effective avec les parlements nationaux, une proposition de nouveau traité.
Cette proposition est un compromis, qui ne s’impose pas en bloc à chaque Attac, entre celles et ceux qui, au sein du réseau des Attac d’Europe et des différents Attac nationaux, souhaitent que les Parlements nationaux soient saisis impérativement, et ceux qui considèrent que c’est à une Assemblée élue au suffrage universel (Parlement européen ou assemblée ad hoc) qu’il revient d’élaborer un nouveau texte. Il propose que tout nouveau traité devra être soumis à référendum, en considérant qu’un passage en force par voie parlementaire pourrait inspirer un rejet plus grand de l’Europe pour de nombreux citoyens. Il souligne que les Attac d’Europe s’opposent à ce qu’un nouveau traité constitutionnalise une fois de plus les politiques économiques et sociales de l’Europe, comme le TCE le faisait ; et qu’en matière de réformes institutionnelles, tout nouveau traité ne pourrait se contenter de reproduire la partie 1 du projet rejeté (qui contenait certes des avancées, comme Attac France l’avait souligné dans ses « Premières analyses » - http://www.france.attac.org/spip.php ?article2148), mais devrait aller plus loin, par exemple en gommant toute référence au néolibéralisme, ou encore en faisant sauter le monopole de l’initiative législative de la Commission européenne.
L’enjeu est ainsi de sortir du Traité de Nice et de construire l’Europe démocratique, écologique et solidaire que nous voulons, sur des fondements démocratiques. Cela passe par l’institution de normes sociales et fiscales exigeantes comme priorités des politiques de l’UE, pour que cesse le processus à l’œuvre de démantèlement des droits sociaux et de nivellement par le bas de l’imposition du capital. Il s’agit de donner suite aux « non » français et néerlandais en portant ces exigences, à partir de mobilisations sociales communes à l’échelle européenne.
Un outil pour approfondir nos débats
Cette déclaration de 10 principes est un premier résultat et un outil important. Cependant, il ne s’agit bien évidemment pas d’une « bible ». C’est une première position commune et un consensus a minima. Au fond, ce qui importe le plus, c’est d’avoir su s’accorder, dans des délais malheureusement très courts, sur un certain nombre d’exigences fortes. En outre, il s’agit moins d’une position commune sur l’Europe dans son ensemble, ou sur l’UE et toutes ses politiques, que, plus modestement, d’un texte portant sur les questions institutionnelles qui pose l’exigence de nouveaux fondements démocratiques pour l’UE. Le développement de propositions communes aux Attac d’Europe est en effet important pour la suite des événements. Pendant les mois à venir, il sera crucial d’exiger que les résultats des référendums soient respectés et que toute modification des traités existants s’opère sur la base de processus réellement démocratiques, impliquant les peuples et les citoyens de l’Europe. Pour cela, il est important de continuer, d’élargir, d’intensifier les débats. Dans cet esprit, le réseau européen des Attac travaille déjà à la rédaction d’une publication commune sur les questions européennes.
Cette déclaration a pour vocation d’être mise à disposition et discutée par tous les adhérents, les comités locaux, les organisations fondatrices et membres, les partenaires d’Attac, et constitue, à sa façon, une invitation à toutes et tous à multiplier les débats. Les comités locaux des Attac pourraient mettre en discussion ces 10 principes à l’occasion de débats publics. Des intervenants d’autres Attac d’Europe sont disponibles pour intervenir. Les universités d’été des Attac d’Europe pourraient être également des lieux importants de discussion collective – la première université d’été européenne des Attac se tiendra du 1er au 5 Août 2008 à Sarrebrück en Allemagne.
Au cours de tous ces débats, des réflexions, des améliorations, et des propositions seront rassemblées et prises en compte dans le processus général que nous nous proposons d’engager.
Nous invitons les adhérentes et adhérents d’Attac, et au-delà les citoyennes et les citoyens, à se saisir de ces propositions pour les discuter et se mobiliser. Nous invitons également les partis politiques à refuser de remettre à flot le TCE, à remettre en cause le Traité de Nice pour sortir de l’Europe néolibérale, à engager l’UE sur des fondements démocratiques, à soutenir l’exigence qu’un référendum soit organisé pour la ratification de tout nouveau traité.
Débattre autour des 10 principes, inviter des intervenants internationaux, envoyer des commentaires : mode d’emploi
Si vous recherchez des intervenants français pour des débats, vous pouvez entrer en contact avec Caroline Robert au siège d’Attac France : [Email]
Si vous recherchez des intervenants européens pour des débats, vous pouvez envoyer un message sur la liste du groupe d’animation : [Email]
Si vous souhaitez transmettre des réactions sur le texte, vous pouvez écrire au groupe de rédaction : [Email]
Le groupe des rédacteurs accueillera avec bienveillance, dans toutes les langues européennes, tous les commentaires ! Même si nous ne pourrons pas répondre à tous individuellement, il en sera tenu compte dans notre processus de suivi des « 10 principes ».
Des versions dans différentes langues sont déjà disponibles sur le site d’Attac France : http://www.france.attac.org/spip.php ?article6935 (elles seront ultérieurement publiées sur le portail international – section Europe – du réseau international des Attac actuellement en cours de construction).
Nous espérons que cette contribution des 10 principes permettra, en France et à l’échelle européenne, le développement des nécessaires débats sur l’Europe que nous voulons.
La déclaration : les 10 principes d’Attac pour un traité démocratique
Vers une refondation de l’Union européenne
Les Attac d’Europe considèrent que l’Union européenne, dans sa forme actuelle, représente un obstacle sérieux à l’approfondissement de la démocratie, aux droits fondamentaux, à la justice sociale, à l’égalité entre les hommes et les femmes et à un environnement durable. L’Union européenne manque en effet de démocratie, de légitimité et de transparence. Quant aux traités qui la régissent, ils imposent aux États membres et au monde des politiques néo-libérales.
C’est pourquoi le réseau européen des Attac considère que l’avenir de l’Europe est une question centrale. En 2005, il a initié un processus commun de réflexion sur les questions européennes. La présente déclaration s’inscrit dans cette dynamique.
Le « non » français et le « nee » des Pays-Bas ont clairement révélé que le Traité constitutionnel proposé (TCE, dans la suite du texte) et l’Union européenne actuelle manquent de légitimité populaire et sont jugés antidémocratiques et antisociaux.
Le TCE ne définit pas une constitution au sens strict, mais reprend et prolonge les normes et traités précédents. Néanmoins, sa signification politique est plus grande car, non seulement il modifie le cadre institutionnel et définit des principes, des valeurs et des objectifs, mais il formule aussi des politiques concrètes. Ce qui revient à constitutionnaliser le modèle néo-libéral puisqu’il est quasiment impossible de revenir en arrière. C’est donc inacceptable.
Aujourd’hui, des gouvernements européens tentent de relancer le processus en ignorant le rejet populaire de certains États membres, avec l’intention de parvenir à leurs fins à l’occasion de la présidence française du premier semestre 2008. C’est ainsi qu’en janvier dernier dix-huit gouvernements se sont rencontrés à Madrid pour élaborer un compromis basé sur le Traité qui a été rejeté.
Dans cette situation, il est essentiel pour la démocratie que les mouvements sociaux et politiques proposent des solutions alternatives concrètes et que leurs demandes soient prises en compte. Les Attac d’Europe exigent que tout nouveau traité soit fondé sur les dix principes suivants qui concernent le processus d’élaboration (partie I), le contenu institutionnel (partie II) et les politiques européennes (partie III).
PARTIE I : SUR LE PROCESSUS
1. Lancer un processus démocratique
Tout nouveau traité devra être élaboré et adopté de façon démocratique. Les Attac d’Europe s’opposent résolument à toute tentative visant à ressusciter le TCE et proposent ce qui suit :
– une assemblée nouvelle et démocratique, élue directement par les citoyens de tous les États membres, sera mandatée pour élaborer un nouveau projet de traité, avec la participation effective des Parlements nationaux ;
– dans sa composition, elle devra respecter l’égalité entre les hommes et les femmes (et non pas comporter uniquement 16% de femmes, comme dans la convention qui a élaboré le TCE), représenter tous les secteurs de la société et être intergénérationnelle ;
– tout nouveau traité devra être soumis à référendum dans tous les États membres et les résultats présentés pays par pays ;
– pendant la campagne de ratification, les institutions européennes et les États membres adopteront des règles pour qu’un débat approfondi ait lieu, sur une durée suffisante et indépendamment des intérêts économiques dominants, par exemple dans le secteur des médias.
PARTIE II : SUR LE CONTENU INSTITUTIONNEL
2. Améliorer la démocratie
Tout nouveau traité devra se fonder sur les meilleurs principes démocratiques existants. L’Union européenne actuelle ne sépare pas clairement les pouvoirs et souffre de ce fait d’un profond déficit démocratique. En effet, bien qu’il soit la seule entité démocratiquement élue au niveau européen, le Parlement ne peut ni légiférer, ni voter un budget ni prendre des décisions politiques, alors que la Commission, instance non élue, peut proposer des lois. Dans le même temps, nous sommes témoins d’une dégradation de la vie démocratique dans les États membres.
Les Attac d’Europe exigent donc ce qui suit :
– les fondements de tout nouveau traité devront être la dignité humaine, l’état de droit, la démocratie représentative et participative, la justice économique et sociale, la sécurité sociale et l’inclusion des personnes, la solidarité, l’égalité et la parité entre les hommes et les femmes, le développement soutenable et l’engagement pour la paix ;
– une séparation claire des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Il faut en finir avec le monopole que détient la Commission sur les propositions de lois. Dans ce domaine, toutes les institutions et les citoyens de l’Union doivent pouvoir prendre l’initiative ;
– le droit pour le Parlement européen de proposer et d’adopter conjointement la législation européenne ainsi que celui, exclusif, d’élire et de démettre la Commission européenne et chacun de ses membres individuellement ;
– le renforcement des parlements nationaux, aux niveaux européen et national : les parlements nationaux doivent avoir un rôle effectif dans le processus législatif européen et national ;
– tout nouveau traité devra donner une description précise des compétences de l’UE ainsi que de leurs limites par rapport à celles des États nationaux et des autorités locales. La Cour européenne de justice ne devra pas pouvoir agir en tant que législateur de facto ;
– la Banque centrale européenne (BCE) doit être soumise à un contrôle démocratique. Les priorités de sa politique monétaire doivent être la justice économique, le plein emploi et la sécurité sociale pour tous les citoyens européens. En outre, l’Eurogroupe doit assumer ses responsabilités prévues dans les traités actuels sur la définition de la politique de change.
3. Installer la transparence
Aujourd’hui, les citoyens sont confrontés à des difficultés dans l’exercice de leur droit à l’information. Bien souvent, les débats du Conseil et du Comité des représentants permanents (CORERER) ne sont pas publics. Le lobbying se répand de plus en plus et mine la démocratie. Nous demandons que :
– les réunions, comités et groupes de travail soient tous ouverts au public ;
– l’accès à l’information soit garanti à tous les citoyens européens ;
– le Traité fixe des limites précises au lobbying et oblige tous les lobbyistes à divulguer leurs intérêts et leurs sources de financement. Même chose pour les membres du Parlement européen, de la Commission et des comités ;
– tout nouveau traité devra être court, se suffire à lui-même et être compris de tout un chacun ;
– toutes les langues soient être considérées comme égales et les documents de l’UE disponibles dans toutes les langues officielles de l’UE.
4. Développer la participation et la démocratie directe
Tout nouveau traité institutionnel devra inclure le droit fondamental des citoyens à participer directement dans les affaires publiques, en proposant des formes de démocratie directe étendues, compréhensibles et applicables. Il devrait, par exemple, offrir les droits suivants :
– la possibilité pour un nombre donné de citoyens d’un nombre donné d’États membres de proposer une loi à débattre et soumettre au vote du Parlement européen ;
– la possibilité pour un nombre donné de citoyens de demander que le Parlement européen organise un référendum dans tous les États membres, dont le résultat soit contraignant ;
– celle de fixer des limites à l’influence des entreprises sur les institutions de l’UE et sur leurs décisions en les contraignant à la transparence et en restreignant leurs privilèges d’accès ;
– l’institution d’une consultation des mouvements sociaux et des ONG pour toute nouvelle législation européenne, sur la même base que les autres groupes d’intérêts.
Le premier référendum à organiser dans tous les États membres devrait porter sur le nouveau traité.
PARTIE III : SUR LES POLITIQUES EUROPÉENNES
5. Améliorer les droits fondamentaux
Tout nouveau traité devra être élaboré sur la base des droits fondamentaux les plus avancés existant déjà dans les traités internationaux ou visera à les renforcer - Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), Charte sociale européenne de Turin et Code européen de sécurité sociale, notamment.
Garantir les droits fondamentaux dans le traité est une étape nécessaire. Pourtant, la Charte des droits fondamentaux de l’UE inscrite dans le TCE ignore d’importants droits fondamentaux, en édulcore d’autres dans leur formulation, en limite fortement l’application dans les annexes à l’acte final ou empêche qu’ils soient revendiqués devant les tribunaux. C’est pourquoi on ne peut les appeler droits fondamentaux. Les Attac d’Europe exigent donc que :
– les droits fondamentaux énumérés dans la CEDH, la Charte sociale européenne et le Code européen de la sécurité sociale puissent être revendiqués devant les tribunaux nationaux ou européens ;
– l’UE ratifie la CEDH, de manière à ce que ses institutions soient assujetties à la juridiction de la Cour européenne des droits de l’homme ;
– Soit explicitement dit que ces droits fondamentaux et les principes du Traité ont la priorité sur toute autre loi, primaire ou secondaire, de l’Union européenne ;
– les droits fondamentaux ne soient pas limités par une loi nationale ou européenne ou par l’interprétation personnelle de la présidence de la convention ;
– tout nouveau traité européen mette l’accent sur l’égalité d’accès aux droits sociaux et aux droits du travail, indépendamment du pays d’origine ;
– la citoyenneté européenne soit octroyée à tous les résidents en Europe ;
– les droits susmentionnés soient également respectés dans les politiques extérieures de l’UE (par exemple, les politiques de sécurité, migratoire, environnementale, commerciale).
6. Protéger et améliorer les conquêtes démocratiques
Actuellement, les conquêtes démocratiques et sociales, les droits du travail, les règles environnementales et de santé publique, sont subordonnés aux dispositions des traités antérieurs, particulièrement des principes de la concurrence et de la libéralisation. Nul nouveau traité ne devra compromettre ces acquis, mais plutôt offrir aux peuples d’Europe, aux parlements et aux gouvernements les moyens de les développer par la coopération. Les Attac d’Europe exigent ce qui suit :
– le droit à la négociation collective, le droit de grève ; les principaux standards de l’organisation internationale du travail (OIT) devront être élevés au rang de droits fondamentaux ;
– chaque État membre devra pouvoir adopter et soutenir des règles plus ambitieuses dans les domaines de la protection sociale, du travail, de l’environnement et de la protection de groupes spécifiques.
– l’Union européenne doit se considérer comme une union coopérative (non concurrentielle) dont la finalité est d’améliorer en permanence les normes environnementales et sociales. Cela, afin de satisfaire aux principes constitutionnels de sécurité sociale et de durabilité. Des règles devront être adoptées pour résister au dumping fiscal et social ;
– il doit être établi que les droits de propriété comportent des obligations et qu’y recourir doit toujours être en même temps dans l’intérêt du bien-être général ;
– la démocratie économique et la participation doivent être améliorées à tous les niveaux.
7. Ouvrir le champ à un ordre économique alternatif
Tout nouveau traité devra respecter les valeurs fondamentales et les principes démocratiques mentionnés ci-dessus. Il devra rendre possible la mise en œuvre de politiques alternatives au lieu d’imposer un modèle économique particulier, ce que faisaient le TCE et les traités antérieurs en prescrivant sans arrêt « une économie de marché ouverte où la concurrence est libre et non faussée » [1]. Ce qui n’a pas lieu d’être, ni dans un traité constitutionnel, ni dans un traité institutionnel. Quel que soit le modèle économique choisi, il doit relever d’un processus politique démocratique.
Les Attac européens exigent que :
– les traités n’imposent aucun modèle économique particulier, mais autorisent des choix alternatifs à tous les niveaux ;
– la « libre » concurrence ne soit pas un principe universel dans l’UE. La définition des domaines où la « libre » concurrence est autorisée et de ceux où elle ne l’est pas (par exemple, la fourniture d’eau potable, l’éducation, la santé, l’agriculture) doit être prise via des processus démocratiques, aux niveaux national et européen. En aucun cas de telles définitions ne seront constitutionnalisées ;
– la loi européenne, par exemple la loi sur la concurrence, ne doit pas saper le droit des États membres à définir, organiser et financer des biens publics, comme la fourniture d’eau potable, la santé, l’éducation ou les transports publics. Procurer et améliorer des biens publics à tous les niveaux doit, au contraire, être un objectif essentiel de la construction européenne.
8. Définir les fins et non les moyens
Une démocratie réelle, vivante, détermine les moyens par lesquels atteindre les objectifs de sa constitution. Mais prescrire des politiques précises dans la constitution elle-même n’est pas adéquat. Par exemple :
– les objectifs d’une politique des transports devraient être la « mobilité soutenable » et « l’égal accès de tous à la mobilité » ; et non pas la construction de réseaux trans-européens [2] de routes, d’autoroutes et de chemins de fer à grande vitesse ;
– les objectifs d’une politique agricole devraient être « l’agriculture soutenable », le maintien des petites exploitations et la « production d’une nourriture saine et suffisante » ; et non pas « l’augmentation de la productivité », « la rationalisation » ou « l’utilisation maximale des facteurs de production, notamment du travail » [3] ;
– le « but prioritaire » de la Banque centrale européenne (BCE) ne devrait pas être « la stabilité des prix » [4], mais la justice économique, le plein emploi et le bien-être pour tous ;
– le principe de la durabilité écologique doit être prioritaire par rapport aux libertés du marché et à la logique de profit. Il doit guider les politiques énergétiques, des transports et de l’agriculture.
9. Viser haut en matière sociale et fiscale
Dans une région comme l’UE dont les économies sont fortement intégrées par des décennies de libéralisation (du commerce, de la finance et des investissements), les États membres sont engagés dans une course vers le bas dans les domaines essentiels que sont les politiques sociales et fiscales. Pour s’y opposer, il est important que des contre-mesures soient prises au niveau européen et qu’une course vers le haut soit encouragée par des dispositions spécifiques, dans le cadre d’un nouveau traité.
Les Attac d’Europe proposent que :
– des mesures visant à combattre l’évasion et la concurrence fiscales soient prises. Des normes minimales ambitieuses soient adoptées au niveau européen, notamment sur la taxation des revenus des entreprises et du capital ;
– la politique sociale insuffisante de l’UE soit remplacée par un ensemble transparent et applicable de droits et de minima sociaux ambitieux.
Ces réglementations doivent tenir compte des capacités économiques différentes, grâce à des « passages », c’est-à-dire en imposant des normes plus élevées pour les pays riches et moins élevées pour les pays pauvres. Ces règles devront être appliquées de manière à ne pas empêcher un pays d’adopter des normes plus élevées.
Si plusieurs États membres souhaitent, par exemple, mettre en œuvre une politique sociale plus large ou adopter des normes de travail plus exigeantes que celles pouvant l’être dans la totalité de l’UE, ils peuvent décider de signer un accord de coopération sur les questions concernées.
10. Instaurer l’obligation de la paix et de la solidarité
Concernant la question de la sécurité, le but devra être la « paix » (au sens le plus large) et non pas l’accumulation des armes au niveau international. Le projet de TCE stipule que « les États membres s’engageront à améliorer progressivement leurs capacités militaires ». [5] La création d’une « agence européenne de défense » aurait, entre autres, la charge de « développer les armements ». Tout nouveau traité devrait proposer une ambition politique forte pour l’Europe : l’UE doit être un acteur clé dans la définition d’un nouvel ordre international et multilatéral, voué à construire la paix et à dénoncer la guerre et la militarisation comme moyens de résolution des conflits internationaux. Nous dénonçons en particulier le concept néo-conservateur de « missions militaires préventives ». Les Attac d’Europe exigent :
– le respect absolu du droit international, en particulier de la Déclaration universelle de droits de l’homme et du Traité de non-prolifération (dont l’obligation de désarmement). L’UE doit cependant promouvoir une réforme démocratique de l’ONU ;
– la promotion du désarmement à l’échelle de la planète, en commençant sur son propre territoire ;
– la revendication par l’UE de revendiquer son indépendance à l’égard de l’OTAN ;
– des investissements importants pour créer dans tous les États membres et au niveau européen des institutions chargées de travailler sur la résolution pacifique des conflits ;
– l’imposition du principe de l’égalité entre les genres dans l’élaboration des politiques et la participation aux activités de politique étrangère de l’UE.
*****
Ces principes ont été élaborés par une quinzaine d’associations Attac d’Europe. Beaucoup de différences ont été surmontées, d’autres traitées de manière à ne pas bloquer l’avancement des travaux. Même si ces principes peuvent s’améliorer et d’autres encore s’ajouter [6], nous pensons qu’ils constituent un bon point de départ pour opposer une réponse progressiste et populaire aux tentatives de certains gouvernements européens de ressusciter l’ancien TCE ou de remettre l’UE sur les mêmes rails qu’avant. Nous pensons que les opinions majoritaires en France et aux Pays-Bas excluent d’office ces deux options.
Outre le fait qu’elle constitue une plate-forme commune et un outil commun d’action pour les organisations signataires, notre déclaration entend ouvrir la discussion avec d’autres forces progressistes en Europe. En effet, seule une convergence des forces la plus large pourra imposer un autre agenda pour l’Europe que celui qui était imaginé dans le TCE.
Attac agit en faveur de la démocratie participative, pour des institutions démocratiques et la coopération en Europe et dans le monde. C’est dans ce cadre que nos propositions de justice économique et sociale et pour un environnement durable pourront progresser en Europe et au niveau global.
Signataires
Attac Allemagne
Attac Autriche
Attac Danemark
Attac Espagne
Attac Finlande
Attac Flandres
Attac France
Attac Grèce
Attac Hongrie
Attac Italie
Attac Jersey
Attac Luxembourg
Attac Norvège
Attac Pays-Bas
Attac Pologne
Attac Suède
Attac Suisse
Fait à Amsterdam, Athènes, Berlin, Berne, Helsinki, Jersey, Copenhague, Luxembourg-Ville, Madrid, Oslo, Paris, Rome, Stockholm, Varsovie, Vienne, le 11 mars 2007