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Il y a quelques semaines, les douanes espagnoles ont mis fin à un commerce illégal de rebuts informatiques vers l’Afrique. Ce démantèlement met en exergue la façon dont les pays riches se débarrassent à moindre frais de leurs déchets.
Contourner la réglementation internationale
C’est à partir des îles Canaries que les containers remplis de DEEE (déchets d’équipements électriques et électroniques) étaient acheminés vers l’Afrique. Un trafic qui durait depuis deux ans. Il a rapporté 1,5 million d’euros pour près de 5 000 tonnes déversées sur le Continent.
Les DEEE sont considérés comme dangereux du fait de la présence de mercure, de cadmium, de plomb, de phosphore ou d’arsenic. La convention de Bâle, qui date de 1992, interdit l’exportation de ces DEEE vers les pays pauvres.
Pour contourner cette convention, il suffit de notifier qu’il s’agit d’appareils d’occasion. C’est ainsi que des milliers de tonnes de matériel informatique sont expédiées au Ghana. Le système est bien rodé. Des acheteurs en gros fournissent les boutiques du pays, le matériel informatique qui fonctionne ou est réparable est vendu, et le reste, en général 70 %, se retrouve à la décharge de d’Agbogbloshie près de la capitale Accra.
Pollution des terres et des mers
Les déchets sont traités par des milliers de personnes qui, pour récupérer les métaux précieux, vont brûler les composants dégageant d’épaisses fumées aussi dangereuses pour les travailleurs que pour l’environnement. Les analyses des sols révèlent une contamination par les métaux lourds cent fois supérieure à la limite autorisée.
Autre facteur de pollution, les textiles. Ils proviennent des collectes de vêtements usagés dans les pays riches ou sont envoyés directement par les entreprises. En effet 40 % de la production est jetée. Ces vêtements, souvent de piètre qualité, répondent avant tout à un modèle économique de la fast-fashion. Peu importe la qualité, l’idée est de produire des nouveautés le plus rapidement possible pour susciter les achats. Comme pour les produits informatiques, des lots sont cédés aux détaillants mais seule une faible quantité peut être vendue. Les autres vêtements usés, abimés ou souillés sont envoyés dans les décharges. Au fil du temps, ils se retrouvent dans les océans formant des sortes de chenilles pouvant atteindre une dizaine de kilomètres empêchant les activités de pêche artisanale. D’autres tissus se retrouvent dans les égouts et provoquent des inondations favorisant la propagation des moustiques facteurs de fièvre jaune.
Une politique irresponsable
Il y a une vingtaine d’années, des journalistes révélaient que la mafia calabraise déchargeait sur les côtes somaliennes des containers remplis de produits toxiques et radioactifs. Une pollution massive s’en est suivie avec des conséquences dramatiques pour les populations notamment l’augmentation de malformation lors des naissances. Une pratique qui continue. Ainsi Trafigura, une des premières entreprises de courtage de pétrole n’a pas hésité à déverser dans la lagune d’Abidjan, la capitale de la Côte d’Ivoire, des produits toxiques.
Depuis le refus des pays asiatiques comme la Chine, la Malaisie ou les Philippines d’accepter les rebuts des sociétés occidentales, les entreprises se tournent vers l’Afrique. Ainsi l’American Chemistry Council, regroupant les grandes sociétés pétrolières des USA, fait un lobby auprès de la Maison Blanche pour exporter les millions de tonnes de déchets plastiques au Kenya alors que ce pays n’a déjà pas la capacité de traiter correctement ses propres détritus. Tant pour les trafiquants, la mafia ou des « honorables » chefs d’entreprise, l’exportation des déchets en Afrique est un moyen pour gagner ou économiser de l’argent. Mais c’est aussi et surtout une façon de faire perdurer un système de surconsommation générant des profits, quelles qu’en soient les conséquences pour l’environnement.
Paul Martial