De Viento sur, nous espérons lui rendre bientôt l’hommage qu’il mérite, mais déjà, dans un autre article récemment publié sur notre site, l’un de ses plus proches amis et camarades de lutte, Roberto Montoya, nous a rappelé ses premiers pas et sa participation active au processus de construction des organisations révolutionnaires successives dans son pays natal, l’Argentine et le Pérou, et son exil ultérieur à Madrid après le triomphe de la dictature militaire dans son pays.
Daniel Bensaïd, dans ses mémoires, Une lente impatience (2004), a témoigné de sa rencontre avec Ché Pereyra lors d’un voyage en Argentine en 1973 : là, dit-il, il a constaté que « cet ancien jeune ouvrier métallurgiste était une légende (...). Sa gaieté inaltérable, sa courtoisie, son humour, son élégance de gentleman n’ont pas peu contribué à emporter notre adhésion à l’orientation de la lutte armée ». Et en effet, une partie de cette légende, notamment sa dure expérience péruvienne, a été reflétée dans des films, des livres, comme Avisa los compañeros, pronto, et d’autres œuvres.
Certains membres de la rédaction et du conseil éditorial de Viento sur l’ont connu plus tard, avec sa compagne Juanita, lorsqu’il est arrivé à Madrid en 1978, où il a immédiatement rejoint les activités de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), prêt à assumer tout type de tâche, comme celle qui lui a été confiée dans la logistique de notre Ve Congrès, tenu à Madrid quelques mois plus tard. Dès lors, il participe aux activités de cette organisation, toujours avec sa propre opinion politique et en exprimant librement, à plus d’une occasion, ses désaccords avec les décisions prises, comme cela s’est produit, par exemple, pour le processus d’unification avec le Mouvement Communiste (MC), comme il le raconte dans ses Memorias.
Il a continué à le faire dans Espacio Alternativo, Izquierda Anticapitalista et Anticapitalistas ces dernières années, toujours dans le comité d’Hortaleza dont il était un animateur permanent, et avec la Quatrième Internationale comme référence fondamentale. Une activité inséparable de ce trait profondément internationaliste qui le caractérisait et qui le conduisait à suivre de près tout événement dans n’importe quelle partie du monde où des personnes se rebellent contre l’injustice. C’est pourquoi il s’est également senti identifié, ces dernières semaines, au soulèvement populaire contre l’oligarchie putschiste au Pérou.
En plus de ses Memorias, Daniel était l’auteur d’autres ouvrages, parmi lesquels : Del Moncada a Chiapas. Historia de la lucha armada en América Latina (1994 et 1996), Argentina rebelde (2003), Mercenarios (2007), Che, Revolucionario sin fronteras (2017) et, avec Roberto Montoya, El caso Pinochet y la impunidad en América Latina (2000). Il a également écrit une longue liste d’articles dans différents magazines et médias. Parmi eux, d’ailleurs, une critique acerbe, sous son pseudonyme Luis Alonso, en 1984, de Historia de Mayta de Mario Vargas Llosa, un pamphlet anti-trotskyste qui, selon lui, n’avait pas grand-chose à envier à la propagande du Kremlin.
L’un de ses derniers articles publiés est probablement celui qui est paru dans le numéro spécial 150 de Viento sur, dans lequel on peut voir son souci de faire le point sur les différentes expériences qu’il avait vécues en Espagne et d’essayer d’apporter quelques idées à un projet de « parti-mouvement » dans lequel le politique et l’organisationnel seraient toujours étroitement liés.
Nous savons également qu’il était en train d’écrire un livre dans lequel il essayait de tirer des leçons de l’expérience de la lutte armée en Amérique latine dans les années 60 et 70 du siècle dernier et après, et nous espérons qu’il sera bientôt publié.
La description de Ché Pereyra par Daniel Bensaïd, lorsqu’il l’a retrouvé à Madrid il y a longtemps, résume bien son caractère : « Toujours aussi dynamique et joyeux, il a traversé les années déprimantes de l’après-Franco sans baisser les bras, attentif à la moindre lueur d’espoir, fidèle à ses engagements, à ses camarades et à ses morts ».
Daniel « el Galllego » était, en somme, un grand ami de ses amis de générations très différentes, toujours aimable et respectueux des autres opinions, éloigné du sectarisme et ouvert à ce qui pouvait paraître à première vue hétérodoxe, mais dont il voyait qu’il pouvait être imprégné d’un potentiel subversif, révolutionnaire, préfigurant un communisme digne de ce nom.
Comme l’a écrit le poète Miquel Martí i Pol dans sa Lletra a Dolors, il nous sera difficile de l’imaginer absent pour toujours, mais il y a tant de souvenirs de lui et avec lui que nous devrons toujours être fidèles à son héritage.
Jaime Pastor