Au 7e jour de la catastrophe, alors que les équipes de secours nationales et internationales s’efforcent toujours de trouver des survivantEs sous les décombres, le sentiment commun des gens est une rage, une douleur, un abandon et un chaos inimaginables. Et bien sûr, une solidarité inimaginable des gens.
L’avidité néolibérale destructrice, la mentalité gouvernementale qui donne la priorité au profit sur les vies, au fatalisme sur la science, qui perçoit le développement comme du ciment, du béton et de la construction se sont combinés. En Turquie, les deux tremblements de terre ont frappé 10 villes et près de 15 millions de personnes. À ce jour, le nombre de morts atteint 25 000 en Turquie, 4 000 en Syrie. Des dizaines de milliers de personnes ont été blessées ou handicapées, des millions de personnes se sont retrouvées sans abri.
Twitter, moyen de survie
Le principal moyen de survie a été Twitter, personne ne peut le nier. Les personnes sous les décombres ont partagé leur position exacte, demandé de l’aide, essayé de joindre leurs proches ou de l’aide via Twitter. Les initiatives civiles et les citoyenEs ont organisé et étendu leur aide via Twitter. Les gens ont exprimé leur colère et leur soutien via Twitter. Et oui, ils ont critiqué et blâmé le gouvernement aussi sévèrement que possible sur Twitter. Après tout, le gouvernement est responsable de la corruption et du népotisme dans les institutions les plus importantes du pays. Les entreprises de construction, les plus farouches partisans d’Erdoğan, lui doivent beaucoup. Si l’on ajoute à cela le manque de supervision, la loi sur la paix dans la construction en 2018 (qui consistait essentiellement pour le gouvernement à autoriser des bâtiments sans licence), cette destruction monumentale était inévitable.
Malheureusement, nous savions tout cela. Ce que nous ignorions, c’est que le manque de ressources, de connaissances et de coordination au sein des institutions publiques censées gérer la crise avait cette ampleur. Le blocage de Twitter par le gouvernement au 3e jour du tremblement de terre était sa seule solution pour faire taire les voix de l’opposition. Celui-ci a littéralement commis un crime contre l’humanité en bloquant les seules chances de survie.
Un régime centralisé et corrompu
Pour le gouvernement AKP et le président Erdoğan, la loyauté a toujours primé sur la compétence. À tel point que les avertissements des scientifiques 3 ans, 1 an, voire 3 jours avant les tremblements de terre, ont été vains.
Le « régime d’un seul homme » a tué des dizaines de milliers de personnes alors que les autorités attendaient les directives de cet homme à chaque étape, qui est apparu à la télévision après 25 heures.
Les volontaires travaillent sans relâche
Heureusement, certaines municipalités du CHP, le principal parti d’opposition, des partis d’opposition comme le Parti des travailleurs de Turquie (TİP), le Parti démocratique des peuples (HDP), des organisations politiques, des initiatives civiles et des groupes féministes n’ont pas attendu cette directive. Au septième jour, ce sont eux qui fournissent l’aide la plus coordonnée.
Des millions de personnes ont besoin de nourriture, de vêtements et d’abris mais aussi d’une aide psychologique. Par exemple, un fort discours de haine nous entoure et commence à se transformer en manifestations physiques. Comme la zone sinistrée est aussi une région très peuplée de réfugiés, la rage contre le système, le gouvernement et le sentiment d’impuissance se retournent facilement contre les pillards et contre la population réfugiée, parfois sous forme de violence physique, en raison des tweets haineux organisés principalement par les leaders des partis nationalistes.
En plus de construire et d’étendre notre solidarité envers les survivants du tremblement de terre, nous sommes obligés de rappeler à tout le monde, à chaque occasion, le fait que nous étions tous sous ces décombres. Nous allons guérir nos blessures et rechercher la justice tous ensemble, avec notre solidarité. Les blessures causées par Erdoğan et l’AKP sont, par contre, au-delà de la guérison. Ils doivent partir. Ils doivent partir.
Sanem Öztürk