Peuple iranien épris de justice et de liberté,
En ce quarante-quatrième anniversaire de la révolution de 1979, les fondements économiques, politiques et sociaux du pays sont pris dans un tel tourbillon de crises et de décomposition qu’aucune perspective n’est envisageable dans le cadre du système politique actuel.
C’est pourquoi depuis cinq mois le peuple opprimé d’Iran – notamment les femmes, et les jeunes épris.es de liberté et d’égalité – ont transformé les rues des villes de tout le pays en une arène historique et décisive du combat pour mettre fin à la situation inhumaine actuelle. Et cela au péril de leur vie étant donnée la répression sanglante de l’État.
Les femmes, les étudiant·es, les enseignant·es, les ouvriers·ères, celles et ceux qui demandent justice (familles et proches des prisonnier.es politiques ou des mort.es dans les manifestations), artistes, queers, écrivain·es, opprimé·es de toutes les régions d’Iran (du Kurdistan au Sistan et Baloutchistan), ont levé le drapeau des protestations fondamentales contre la misogynie, l’exclusion sexiste, l’interminable insécurité économique, l’esclavage de la force de travail, la pauvreté, l’oppression de classe, l’oppression nationale et religieuse. C’est une révolution contre les maux de notre société que le despotisme religieux ou non-religieux nous impose depuis plus d’un siècle. Les femmes et hommes qui luttent en Iran reçoivent un soutien international sans précédent.
Les protestations profondes actuelles sont issues des grands mouvements sociaux modernes, ainsi que du soulèvement d’une génération. Celle-ci n’a plus peur. Elle veut mettre fin à un siècle d’arriération et relever le défi de construire une société moderne de bien-être et de liberté.
Après deux grandes révolutions dans l’histoire contemporaine d’Iran, les grands mouvements sociaux pionniers – mouvement ouvrier, mouvement des enseignant·es et retraité·es, mouvement égalitaire des femmes, des étudiantes et des jeunes, mouvement contre la peine de mort… – veulent changer la structure politique, économique et sociale du pays en intervenant en masse et partir d’en bas.
C’est pourquoi ce mouvement veut mettre fin, une fois pour toute, à l’existence d’un pouvoir d’en haut. Il veut commencer une révolution sociale, moderne et humaine pour l’émancipation du peuple de toute forme d’oppression, d’exclusion, d’exploitation et de dictature.
Nous, les organisations syndicales et civiles signataires de la présente déclaration, sommes attachées à l’unité et la construction de liens entre mouvements sociaux et revendicatifs, ainsi qu’à la lutte contre la situation inhumaine et destructrice actuelle.
Nous considérons que les revendications minimales ci-dessous sont les exigences fondamentales des protestations de fond du peuple d’Iran. Elles préfigurent les bases de l’établissement d’une société nouvelle, moderne et humaine.
Seul le peuple iranien est capable d’établir les éléments fondateurs d’une société nouvelle et moderne. Nous demandons à tous les êtres humains épris de justice, dont le cœur bat pour la liberté, l’égalité et l’émancipation de lever l’étendard de ces revendications de l’usine à l’université, des écoles aux quartiers, et partout dans le monde :
1. Libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers·ères politiques. Fin de la criminalisation des activités politiques, syndicales et civiles. Jugement public des commanditaires et agents de la répression des protestations populaires ;
2. Liberté sans restriction d’opinion, d’expression, de pensée et de la presse. Liberté de constituer, au niveau local et national, des organisations politiques, syndicales et associatives. Liberté de rassemblement, de grève, de manifestation. Liberté des réseaux sociaux et médias audiovisuels ;
3. Abolition immédiate de la peine de mort, de la loi du talion. Interdiction de toute sorte de torture physique et psychologique ;
4. Etablissement immédiat de l’égalité des droits entre les femmes et les hommes. Et cela dans tous les domaines politique, économique, social, culturel, familial. Abolition immédiate de toutes les lois et formes d’exclusion en raison des appartenances sexuelles, reconnaissance de la communauté LGBTQ+. Décriminalisation de toutes les tendances et appartenances sexuelles. Respect inconditionnel des droits des femmes sur leur corps et leur destin, interdiction du contrôle patriarcal ;
5. Non-intervention de la religion dans les lois politiques, économiques, sociales et culturelles : la religion est une affaire personnelle ;
6. Renforcement de la sécurité sur les lieux de travail, protection de l’emploi. Hausse immédiate des salaires des ouvriers·ères, enseignant·es, fonctionnaires et de tous les actifs·ves et retraités·es. Présence, et intervention de représentant·es élu·es d’organisations nationales indépendantes. Conclusion d’accords par ces derniers.
7. Suppression des lois basées sur l’exclusion, l’oppression nationale, et l’oppression religieuse. Création d’institutions adéquates pour soutenir et répartir égalitairement les moyens publics nécessaires au progrès culturel et artistiques dans toutes les régions d’Iran. Mise en place de façon égalitaire des moyens nécessaires à l’apprentissage et l’enseignement de toutes les langues existantes dans le pays ;
8. Suppression des organes de répression existants. Limitation des prérogatives de l’État. Intervention directe et permanente de tous et toutes dans l’administration des affaires du pays par le biais de conseils locaux et nationaux. Le pouvoir de révoquer à tout moment tout responsable national ou local, devrait être un droit fondamental des électeurs et électrices.
9. Confiscation des richesses et actifs du peuple iranien accaparés, directement ou indirectement, par toute personne, entité légale, institution gouvernementales, semi-gouvernementale et privée. Le montant des confiscations doit être utilisé immédiatement pour la modernisation et la refondation de l’éducation nationale, le financement des caisses de retraites, l’écologie, ainsi que pour les besoins des populations des régions d’Iran ayant beaucoup souffert sous les deux régimes islamique et monarchique ;
10. En finir avec la destruction de l’environnement. Mise en œuvre d’une politique systématique de reconstruction des structures écologiques détruites depuis un siècle. Retour à la propriété publique de tous les espaces naturels ayant été privatisés, dont les pâturages, les plages, les forêts et les montagnes ;
11. Interdiction du travail des enfants et garanties pour leur vie quotidienne et leur éducation, indépendamment de la situation économique et sociale de leurs familles. Création d’assurances chômage et d’une sécurité sociale fortes pour toutes les personnes en capacité de travailler ou non. Gratuité de l’éducation et du système de santé pour toutes et tous ;
12. Normalisation des relations extérieures au plus haut niveau avec tous les pays du monde. Celles-ci doivent être basées sur des relations justes et le respect réciproque. Interdire les armes atomiques et œuvrer pour la paix mondiale.
Nous pensons que les revendications de base ci-dessus sont réalisables immédiatement, étant donné les ressources actuelles et potentielles du pays, l’existence d’une population consciencieuse et capable, ainsi que d’une jeunesse aspirant à une vie décente, gaie et libre.
Ces revendications correspondent aux principes fondamentaux des signataires. Il est évident que la poursuite de la lutte et de la solidarité nous permettra d’apporter plus de précisions.
– Conseil de coordination des associations syndicales des enseignant.es d’Iran
– Union libre des ouvriers·ères d’Iran
– Union des associations étudiantes unitaires
– Association de défense des droits humains
– Syndicat des ouvriers/ères de la canne à sucre Haft – Tapeh
– Conseil d’organisation des protestations des salarié·es non – contractuel·les du secteur pétrolier
– Maison des enseignant·es d’Iran
– Éveil féminin
– Voix des femmes d’Iran
– Voix indépendante des ouvriers métallurgistes du groupe national de l’aciérie d’Ahvaz
– Association de défenseurs/es des droits des salarié.es
– Association syndicale des ouvriers électriciens et métallurgistes de Kermanchah
– Comité de coordination pour l’aide à la constitution des syndicats ouvriers
– Union des retraité·es
– Conseil des retraité·es d’Iran
– Association des étudiant·es progressistes
– Conseil des élèves libres-penseurs d’Iran
– Syndicat des ouvriers peintres en bâtiment de la province de l’Alborz
– Comité de soutien à la fondation de syndicats ouvriers d’Iran
– Conseil des retraité·es de la Sécurité sociale
Date de publication en persan : 15 février 2023