Le libéralisme à très grande vitesse, voilà ce qui attend les salariés du transport. Si elle n’est pas repoussée, la loi sur le « service minimum » constituera un vrai recul dans l’exercice de plus en plus périlleux du droit de grève. On assiste déjà à un premier recul, à mettre au crédit de la petite claque prise par l’UMP aux élections législatives. La loi ne parle plus, en effet, comme Sarkozy durant sa campagne électorale, de réquisitionner du personnel pour assurer le fonctionnement des transports aux heures de pointe, trois heures le matin et trois heures le soir.
Lors de son intervention télévisée, Sarkozy, en habile manipulateur, a flatté les préjugés antigrévistes en annonçant que les grèves ne seraient plus payées. Il ne faut jamais avoir fait grève de sa vie pour ne pas savoir que chaque jour de grève, dans les transports, est déjà systématiquement ponctionné.
Le projet prévoit d’exiger des salariés qu’ils déclarent leur intention de faire grève 48 heures à l’avance. Pourtant, la direction ne reçoit souvent les syndicats qu’au dernier moment pour négocier, voire le dernier jour. Comment les collègues pourront-ils se déterminer alors que les négociations ne seront toujours pas finies ? Certains grévistes, ils seraient 20 %, se déterminent le jour même de la grève, notamment en discutant avec les grévistes, sur les fameux piquets de grève qui n’empêchent, depuis déjà bien longtemps, plus personne d’aller travailler, mais permettent d’expliquer les raisons d’un conflit et de convaincre les indécis. En devant se prononcer 48 heures à l’avance, on ne peut plus exercer un droit fondamental, surtout lors des longs conflits, celui de pouvoir changer d’avis. On sait bien que de nombreux collègues rejoignent une grève en cours de route.
La loi prévoit également la mise en place d’un accord de prévention des conflits. Il en existe pourtant déjà dans quasiment toutes les entreprises de transport, et, dans les faits, mis à part le renforcement du sentiment qu’il y a trop de grèves, cela ne change pas grand-chose en réalité. La loi prévoit de faire passer le nombre de jours de préavis de cinq à treize. Ce délai prévu pour la négociation est bien souvent supérieur à cinq jours. Pourtant, la direction attend fréquemment le dernier moment pour négocier, lorsqu’elle n’attend pas, tout simplement, de voir le pourcentage de grévistes avant de sérieusement discuter.
La loi va permettre à la direction d’organiser un vote à bulletin secret au bout de huit jours de conflit. Or, au cours des conflits, des votes sont organisés par les grévistes dès le premier jour, lors d’assemblées générales, notamment sur la poursuite du mouvement. Ces votes sont réservés aux grévistes, car c’est ceux qui perdent de l’argent tous les jours qui doivent pouvoir décider entre eux de la façon de mener leur conflit, la grève ne peut appartenir qu’aux grévistes. Il serait très mal venu, qu’après huit jours de perte de salaire, les non-grévistes puissent venir décider du sort d’un mouvement qu’ils n’ont pas construit.
La philosophie générale de ces mesures vise à faire baisser la conflictualité en France. Le candidat du Medef, en parlant de « prise en otage d’usagers », assimile les grévistes à de dangereux terroristes et il surfe sur un vrai sentiment d’intolérance vis-à-vis des conflits sociaux dans les transports. Il y a pourtant peu de grèves actuellement dans les transports (0,79 jour de grève par agent à la SNCF contre 5,82 en 1995 au moment du plan Juppé). En cas de conflit, le service minimum et le droit de grève sont deux choses inconciliables. Une grève, pour être efficace et aboutir vite, ne peut pas ne pas déranger et, le seul moment où la direction écoute les salariés, c’est quand ils bloquent leur outil de travail.