De Rome,
Celui qui attend un bilan critique de la part de ceux qui participent, depuis un an, à un gouvernement dont la politique est totalement néolibérale et guerrière, risque d’être déçu. Après les mauvais scores enregistrés par tous les partis de l’Union (le PRC perdant la moitié de ses voix) lors des dernières élections administrative, fin mai, et surtout, après les congrès des Démocrates de gauche (DS) et de la Marguerite (centre) approuvant l’unification de leurs forces dans le Parti démocratique (PD), la discussion est entièrement centrée sur la nécessité d’un nouveau parti unique de la gauche (sans adjectifs) qui devrait réunir le PRC, le Parti des communistes italiens (PDCI), les Verts et la Gauche démocrate (membres de DS qui n’ont pas voulu participer au PD). Ce projet, ouvertement soutenu par le président de l’Assemblée nationale, Fausto Bertinotti (PRC), est désormais présenté comme la seule solution pour sortir la gauche « radicale » de sa crise après une année de participation au gouvernement.
Le débat politique, centré sur la création de nouveaux partis de centre gauche, n’aborde pas du tout les raisons de la crise actuelle et de la perte d’influence parmi les couches populaires et jeunes. La gauche italienne est étouffée par des erreurs qui viennent de loin et dont les actuels groupes dirigeants sont pleinement responsables : compromis avec les adversaires politiques et de classe, myopie sur la perspective politique, forte vocation à aider ou amender le capitalisme national, incompréhension des mouvements sociaux et de leur nécessaires auto-organisation et indépendance, eurocentrisme, paternalisme. Cette gauche se pense en fait comme un acteur capable de gouverner une économie capitaliste avancée comme celle de l’Italie.
C’est pour toutes ces raisons que nous pensons qu’il est nécessaire de maintenir une perspective d’une gauche de classe, d’opposition et d’alternative, c’est-à-dire anticapitaliste, anti-impérialiste, féministe et écologiste. En affirmant cela, nous n’envisageons pas la formation d’un énième micro parti de propagande et d’auto-affirmation, mais nous voulons construire un acteur politique réel, démocratique, capable de présenter publiquement une certaine crédibilité, de s’enraciner socialement et d’avancer des idées et projets. Un acteur politique fortement engagé dans les mouvements sociaux, capable de construire des réseaux, des coordinations, des forums peuvent attirer les énergies militantes qui demeurent importantes dans ce pays, et construire des nouvelles mobilisations. Cela cons¬tituait, au début, l’aspiration du PRC après la rupture, en 1998, avec le premier gouvernement Prodi et son investissement dans le mouvement altermondialiste depuis la manifestation de Gênes. Cela demeure la nôtre et c’est pour cela que notre chemin s’éloigne de celui du PRC. Il ne s’agit pas d’une scission, mais du refus d’adhérer à une perspective totalement différente de celle qui prévalait à la constitution du parti, à une sorte de refondation sociale-démocrate, qui, d’ailleurs, n’a même pas été discutée dans un congrès.
Cela n’exclut pas une convergence dans les luttes et les batailles sociales qui s’annoncent. La séparation des deux projets politiques, de deux gauches, ne s’est pas produite dans des discussions internes mais concrètement, le 9 juin, sous la forme de deux manifestations concurrentes. Nous sommes engagés dans la construction de Gauche critique et nous poursuivons ce chemin avec détermination. Nous préparons un séminaire en septembre et une première conférence nationale l’automne prochain.