Le 28 juin 2007, la Cour militaire du Katanga a rendu son arrêt dans le
procès de Kilwa, débuté le 12 décembre 2006, où 8 militaires et 3 employés
de la société minière Anvil Mining sont mis en cause. Les faits qui sont
jugés remontent au 15 octobre 2004, date du massacre de civils et de
rebelles dans la ville de Kilwa située dans la province du Katanga riche
en ressources minières. C’est dans cette région qu’est installée Anvil
Mining, qui exploite les gisements de cuivre et d’argent à Dikulushi (près
de Kilwa) et dont les investissements sont garantis par l’Agence
multilatérale de garantie des investissements (AMGI, filiale de la Banque
mondiale). Il est prouvé qu’Anvil Mining a fourni un soutien logistique
aux troupes militaires pour réprimer violemment un mouvement de rébellion
de faible envergure, notamment par des exécutions sommaires.
Sur les onze prévenus poursuivis pour crimes de guerre et complicité de
crimes de guerre, seulement trois appartenant aux FARDC (Forces Armées de la République Démocratique du Congo) ont été condamnés. Deux militaires, dont le colonel Ademar qui a dirigé le massacre de plusieurs dizaines de civils [1] le 15 octobre 2004, écopent de la prison à perpétuité pour meurtre.
Le CADTM qualifie ce verdict de révoltant pour trois raisons majeures.
– D’abord, parce ce que les juges n’ont pas retenu la qualification de «
crime de guerre » malgré les rapports de la MONUC (Mission des
Nations-unies en RDC) et d’ASADHO (Association africaine de défense des
droits de l’homme) sur les exécutions sommaires de nombreux civils, les
traitements inhumains et dégradants, les pillages, les arrestations
arbitraires et détentions illégales : autant d’éléments constitutifs du
crime de guerre [2]. Les accusés ont reconnu, au cours des audiences de
mai 2007, les arrestations arbitraires et les détentions illégales, mais
les ont justifiées par le risque d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Or,
l’origine du massacre de Kilwa est le soulèvement d’un groupe de moins de
10 personnes se présentant comme le Mouvement révolutionnaire pour la
libération du Katanga, un mouvement inconnu auparavant.
– Ensuite, le droit des victimes a été bafoué puisque les juges se sont
déclarés incompétents sur les demandes d’indemnisation des parties
civiles. Ainsi, les familles des 122 victimes défendues par les avocats et
soutenues entre autre par ASADHO et l’ONG anglaise RAID (Rights and
Accountability in Development) ne sont tout simplement pas reconnues par
la justice congolaise. Ce verdict est également choquant compte tenu du
caractère inéquitable du procès, puisque les audiences de Kilwa et de
Pweto se sont déroulées en l’absence des avocats de la partie civile,
faute de moyens financiers pour se rendre dans ces deux localités du
Katanga.
– Enfin, la Cour sauve la réputation d’Anvil Mining en acquittant trois de
ses ancien employés accusés d’avoir facilité ces crimes en mettant des
véhicules de la société à la disposition des FARDC dans le cadre de la
répression. Pourtant, en octobre 2004, le commandant des FARDC déclarait à la MONUC que l’intervention de l’armée avait été possible grâce au soutien
logistique d’Anvil Mining. Mais les juges ont considéré que la
responsabilité d’Anvil Mining ne pouvait être engagée car la société ne
pouvait se soustraire à la réquisition de l’armée. Les juges semblent donc
ignorer les indices de la collusion entre Anvil Mining et le gouverneur du
Katanga puisque la lettre de ce dernier confirmant les instructions de
réquisition a été signée le 11 juin 2005, soit huit mois après le massacre
de Kilwa et cinq jours après la diffusion de l’émission de télévision
australienne Four Corners qui a médiatisé l’affaire. De surcroît, le
gouverneur du Katanga de l’époque, Katumba Mwanke, a fait partie du
conseil d’administration de la société Anvil Mining de novembre 2001 à
juin 2004 et entretenu des liens étroits avec l’actuel Directeur général,
Bill Turner. Enfin, on peut sérieusement douter de l’impartialité du
procès puisque le procureur qui a repris l’affaire en février 2007 était
un proche conseiller de Mwanke lorsque celui-ci était encore le gouverneur
de la province.
Le CADTM s’oppose catégoriquement à ce verdict et soutient les avocats des
parties civiles qui ont décidé d’interjeter appel. Il est indispensable de
lutter contre l’impunité des transnationales comme Anvil Mining qui, pour
poursuivre l’exploitation des ressources naturelles de la RDC, se rendent
complices de graves violations de droits humains. De plus, au nom du droit
international, il est indispensable que la Banque mondiale, qui est
également un acteur important de l’affaire concernée puisqu’elle continue
de garantir les investissements d’Anvil Mining, soit contrainte de rendre
des comptes sur le soutien qu’elle apporte à cette société qui s’est
rendue complice de crimes.
Contacts :
Damien Millet, président du CADTM France,
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Eric Toussaint, président du CADTM Belgique,
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