Avec la disparition de l’ancien premier ministre Kiichi Miyazawa, mort jeudi 28 juin à l’âge de 87 ans, le Japon perd l’un des derniers hommes politiques dont la carrière a jalonné ces cinquante dernières années. Expert des finances, à deux reprises « grand argentier » du pays, il fut premier ministre de novembre 1991 à août 1993. Il lui incomba de gérer à la fois la flambée du yen et l’éclatement de la « bulle financière » qui allait s’ensuivre. On lui reprocha alors de ne pas avoir pris les mesures nécessaires. Chose rare, après avoir quitté ses fonctions, il revint aux finances dans les cabinets Keizo Onuchi et Yoshiro Mori entre 1999 et 2003.
Affable et souriant, faisant preuve d’une grande souplesse d’esprit et non dépourvu d’une ironie acerbe, M. Miyazawa s’inscrit dans la lignée des hauts fonctionnaires devenus hommes politiques dans les années 1960-1970 qui placèrent le Japon sur l’orbite de la croissance économique. « Enfant de Nagata-cho » (quartier des instances gouvernementales et par analogie du monde politique), il était né dans une famille de politiciens d’Hiroshima.
Entré au ministère des finances à sa sortie de l’Université impériale en 1941, anglophone, le jeune Miyazawa fut l’un des délégués japonais à la signature du traité de San Francisco (1951) par lequel le Japon recouvrait sa souveraineté. Elu sénateur en 1953, il devint secrétaire particulier du ministre des finances, Hayato Ikeda, qui allait prendre par la suite les rênes du gouvernement et lancer le Japon vers la haute croissance des années 1960. Dans le cabinet Ikeda, il fut directeur de l’Agence de planification. Une fonction qu’il occupa quatre fois par la suite.
Représentant du Japon au Kennedy Round et ayant participé au premier sommet à Rambouillet en 1975, M. Miyazawa détint successivement les plus importants portefeuilles dans différents cabinets (affaires étrangères, commerce et industrie). Aux finances, il géra la revalorisation du yen, menant, sous la pression américaine, une politique financière laxiste qui favorisa la formation de la « bulle spéculative » dont l’éclatement précipita le Japon dans la récession pour plus d’une décennie.
En dépit d’un dédain affiché pour les « cuisines de la politique », M. Miyazawa n’en fut pas moins mêlé comme d’autres barons du Parti libéral-démocrate (PLD) à des scandales. L’affaire Recruit, en 1988, le contraint à quitter ses fonctions de ministre des finances dans le cabinet Takeshita. Ce qui ne l’empêcha pas de devenir premier ministre en 1991. Il fut chassé du pouvoir deux ans plus tard par une motion de censure à la suite de la défection d’une partie du PLD.
Le retour aux affaires en 1998 du « patriarche de la finance » fut accueilli avec sarcasme par la presse, qui rappela qu’il avait sa part de responsabilité dans le marasme de l’époque. En 2000, M. Miyazawa proposa des pactes bilatéraux entre banques centrales de la région afin d’éviter des tempêtes monétaires comme celle qui avait balayé l’Asie en 1997-1998.
Considéré comme une « colombe » en politique étrangère, il était hostile à la révision de la Constitution pacifiste, actuellement à l’ordre du jour. Il n’en avait pas moins été le promoteur d’une loi permettant à l’armée nippone d’effectuer des missions de maintien de la paix à l’étranger, sous l’égide des Nations unies.
En dépit de son attachement aux Etats-Unis, M. Miyazawa avait été blessé par l’arrogance maintes fois manifestée par Washington à l’égard du vaincu de 1945. Il rappelait dans ses Mémoires combien il est parfois désagréable d’être aussi étroitement dépendant d’une alliance avec une superpuissance.
Parcours
8 octobre 1919 : Naissance à Hiroshima (Japon)
1991 : Premier ministre
1999 : Ministre des finances
28 juin 2007 : Mort à Tokyo