Rappelons que durant la longue guerre du Vietnam, l’escalade massive des moyens matériels et humains (plus de 500 000 soldats américains à l’apogée de l’intervention) n’a jamais débouché sur un risque de confrontation directe entre l’URSS et les États-Unis.
L’escalade permanente de la Russie
L’offensive en Ukraine de 2022 a eu lieu sur tous les fronts et pas seulement sur quelques régions comme en 2014. L’ensemble des moyens militaires (à part les armes nucléaires) a été utilisé : aviation, chars d’assaut, navires, artillerie, missiles, troupes aéroportées.
Les cibles visées n’étaient pas seulement militaires, mais aussi civiles : zones d’habitation, centrales électriques, infrastructures énergétiques. Ces bombardements se poursuivent. Des exécutions sommaires et des déportations de population ont accompagné les opérations militaires de Poutine.
Les forces d’agression sont parties des zones occupées du Donbass, mais aussi de Russie et d’un pays étranger, la Biélorussie.
Les menaces nucléaires
L’occupation de la centrale atomique de Zaporijjia, dont les six réacteurs fournissaient encore 20 % de l’électricité de l’Ukraine au début du mois de mars 2022, la rend vulnérable à de graves dysfonctionnements, qui pourraient provoquer une catastrophe radioactive. La situation reste instable et imprévisible.
La Russie a également utilisé le blocus des exportations de céréales. Les conséquences de cet acte ne concernaient pas que l’Ukraine mais s’étendaient à des dizaines de pays dont les populations seraient les premières victimes. Finalement, des accords temporaires ont été négociés pour permettre le passage des navires céréaliers. Mais ces accords doivent être renouvelés tous les quatre mois, ce qui donne à la puissance navale russe un droit de veto pour bloquer ces exportations.
La mobilisation partielle a constitué un nouveau moment d’escalade, intégrant plus de 300 000 nouveaux soldats au sein des armées russes.
Cette énumération met en évidence des moyens de guerre de haute intensité, bien davantage que pour les opérations de police extérieure antérieures, comme en Géorgie ou dans le Haut-Karabakh.
Quelle fourniture d’armements supplémentaires ?
Constatons déjà que beaucoup de pays de l’OTAN ont rechigné à répondre aux demandes de livrer des armes. Soit des refus polis, soit des fournitures partielles, voire symboliques, sans beaucoup d’effet sur la supériorité militaire, mais avec beaucoup de battage médiatique. Certaines de ces fournitures sont du matériel ancien, voire d’origine soviétique ! Les réticences de Macron et de Scholz ont empêché les forces ukrainiennes d’avoir une supériorité décisive en automne 2022 et d’avancer rapidement au Donbass.
La France et l’Allemagne semblent davantage intéressées par le gel du conflit et le fait d’éviter un effondrement militaire russe, qui pourrait ouvrir une période d’instabilité politique. Pour certaines armées, cela permet de justifier un remplacement par du matériel neuf made in USA.
Les nouvelles annonces d’approvisionnement, soit quelques dizaines de chars et quelques avions, ne vont pas constituer un changement qualitatif. Ils peuvent se révéler utiles seulement si l’armée russe s’affaiblit dans des combats d’usure.
Ces livraisons ont aussi révélé l’état de faiblesse et de sous-équipement de beaucoup d’armées européennes de l’OTAN, en particulier dans le domaine des munitions. Cette situation démontre que les forces de l’OTAN n’avaient pas les capacités pour menacer la sécurité de la Russie par des activités militaires. La « menace de l’OTAN » invoquée par Poutine est un mythe.
La véritable escalade est en Asie
La fixation sur l’OTAN empêche de considérer le danger des nouvelles situations qui se déroulent dans la région Asie-Pacifique. L’accord QUAD (États-Unis, Australie, Inde, Japon) devient plus actif. L’alliance AUKUS (Australie, Royaume-Uni et États-Unis) vient de décider la construction d’une nouvelle génération de sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire. L’inclusion de l’Australie dépasse le simple équipement. Ce pays deviendrait une base active dans la perspective d’endiguement de la Chine.
Ces alliances stratégiques viennent s’ajouter aux nombreuses infrastructures militaires déjà présentes dans cette zone du monde. Pour les États-Unis, elles s’ajoutent à toute une série de politiques financières et économiques destinées à garder coûte que coûte la suprématie mondiale. Après l’éviction de multinationales chinoises (Huawei, TikTok) vient le financement public massif dans le domaine des puces électroniques (Chips Act). L’ensemble de ces éléments est à considérer comme une menace d’embrasement bien plus sérieuse que la fourniture au compte-gouttes à l’Ukraine de quelques chars et de quelques avions.
José Sanchez