Vincent - Quelle est, quelle sera, la réaction des SdlT face à une (éventuelle) dissolution ?
Caroline - D’abord nous organisons notre défense juridique avec nos avocatEs. Nous avons déposé auprès du ministère de l’Intérieur nos remarques aux attendus demandant notre dissolution. Ensuite, si nous sommes dissouts le 19 avril (ou plus tard) les personnes concernées par l’arrêté iront en référé liberté pour empêcher la dissolution immédiate. 2000 personnes partageront leur recours, ainsi que des associations comme le Syndicat des avocats de France. Nous irons également en appel sur le fond. L’aspect politique est aussi très important. Il y a actuellement plus de 85 000 signataires à la tribune « Nous sommes les soulèvements de la Terre ». Il y a aussi un texte interassociations qui en regroupe plus de 350, un appel de personnalités, universitaires, et une tribune internationale avec Via Campesina, l’EZLN, des militantEs d’Afrique, des sans-terres d’Amérique latine... Au meeting du 12 avril à Paris ont pris la parole entre autres Alain Damasio, Philippe Descola, Inès Léraud et même la climatologue Valérie Masson-Delmotte, co-présidente du GIEC, le Syndicat de la magistrature1...
Plusieurs vidéos reprenant tous ces éléments circulent et rencontrent un vrai succès ! Partout dans le pays se préparent des initiatives pour le 19 avril, date possible de la dissolution. Meetings unitaires, accrochages de banderoles, de quoi faire de cette date le jour de la contre-dissolution ! Un grand jeu se prépare consistant à faire réapparaître les Soulèvements dans l’espace public. Ce qui repousse partout ne peut être dissout. Nous allons mettre en place des points relais : dans les commerces, les bars, les centres sociaux, un macaron sera apposé indiquant que là, on peut trouver de l’info, du matos, un contact avec les Soulèvements... Enfin, les comités locaux vont surgir — surgissent déjà — partout en France ! Avant le 25 mars, il n’y avait qu’un seul comité local… à Rennes. Une carte sur le site des SdlT2 permet de suivre en direct l’émergence des comités, en France mais pas que... car il y en a qui se montent en Suisse, en Belgique !
Peux-tu dire un mot de la saison 5 ?
Quelle que soit l’actualité de la dissolution, la saison 5 va se mettre en place, reposant sur des coalitions locales. D’abord, les 22 et 23 avril contre l’A69 Castres-Toulouse, divers événements seront organisés pendant le week-end : manifs, course de bolides, discussions, concerts et spectacles, repas… Ensuite du 6 au 8 mai, ce sera contre le Grand Contournement Est de Rouen, avec Les Naturalistes des terres : « La forêt euroise nous appelle (...) à venir écrire une autre histoire, une histoire de partage, de jeux dans les arbres, de bourdonnements collectifs. Pour que vive la forêt, et leur barrer l’autoroute ! » Puis les 10 et 11 juin, au sud de la Loire, où le bocage de Saint-Colomban « est en proie à un double péril : l’extractivisme au profit de la métropole et l’accaparement des terres par l’industrie du maraîchage... »
Avec le collectif local « La tête dans le sable » un convoi en tracteurs et vélos est prévu depuis Saint-Colomban jusqu’au centre de Nantes pour une déambulation festive. Enfin le 17 juin, dans la vallée de la Maurienne, manifestation montagnarde contre le chantier du Lyon-Turin, une mobilisation franco-italienne. « Depuis une dizaine d’années, en France, collectifs et associations se mobilisent pour montrer le non-sens absolu de ce projet. Mais cette lutte dépasse les frontières ! » En conclusion de cette saison, du 3 au 6 août, nous serons présentEs et interviendrons avec les Soulèvements de la Terre lors du grand rassemblement organisé par nos camarades de Terres de Luttes sur les terres historiques du plateau du Larzac.
Malgré les possibles tiraillements que la dissolution pourrait provoquer dans les cadres locaux d’organisation, la saison 5 va se tenir dans le même esprit que les précédentes, tout aussi joyeuse et déter...
Comment s’articulent, pour les SdlT, mouvement de masse et action directe ?
Notre idée était de créer un mouvement de masse contre l’artificialisation des sols, de relier entre eux le monde paysan et la société civile, les collectifs en lutte localement, les habitantEs des territoires, des ZAD, la jeunesse climatique... au sein d’une grande coalition de forces politiques diverses. Et puis comme on en a toutEs marre de marcher, il faut de l’action plus directe, comme des occupations de terres, des blocages, des désarmements...
Des désarmements, peux-tu préciser ?
Il s’agit de retourner le stigmate. Nous ne sommes pas les écoterroristes. Ce sont eux, nos adversaires. Ce sont eux, les écocidaires.
Donc, occupations de terres, blocages, désarmements…
Ce sont les trois conditions qui nous permettent, lors des interludes que sont les AG nationales des Soulèvements qui se tiennent tous les 6 mois et qui définissent le programme des saisons, de labelliser des actions locales comme initiatives des SdlT. La composition des saisons au sein des interludes se fait avec la Confédération paysanne, Extinction Rebellion, les collectifs locaux — et de plus en plus l’unité tient même face à des actions qui auraient pu, à d’autres moments, provoquer des réticences... Pour reprendre la formule de Julien Le Guet, du collectif Bassines Non Merci, on peut dire que « on s’est tellement mélangéEs, on s’est tellement aiméEs » qu’ils ne pourront pas séparer le bon grain de l’ivraie, car Nous sommes toutEs les Soulèvements de la Terre !
Ces actions sont-elles une façon de résoudre le hiatus entre les manifs climat qui s’épuisent et les luttes locales qui font le plein ?
Ce qui fait la différence, c’est la territorialisation, l’attachement au territoire qui t’entoure. Ça te touche plus si tu vois près de toi les terres qu’ils vont prendre pour une autoroute, un centre commercial. Ces luttes sont en lien direct avec les lieux que chacun habite, au vivant, à son environnement. C’est une manière d’ancrer les luttes, de les construire en partant de la base. Mais on y retrouve les militantEs qui se sont mobiliséEs sur le climat, les jeunes de Youth for the Climate, les jeunesses climatiques. Celles et ceux qui ont porté les grèves du vendredi sont dans le mouvement aujourd’hui...
C’est aussi le fruit de l’expérience de la lutte de Notre-Dame-des-Landes qui a éprouvé la composition entre des comités locaux, des paysanEs, des naturalistes en lutte, des zadistes, des jeunes urbainEs. On assiste ainsi à une radicalisation des associations de terrain qui se heurtent à des impasses liées à un pouvoir intransigeant. Par exemple, les urbanistes se disent « pourquoi ne pas faire comme les naturalistes ? les urbanistes en lutte » ; les assos environnementales n’en peuvent plus d’être enfermées dans les contrats d’engagement républicain à l’origine de leurs financements.
On ne dissout pas un mouvement, soyons nombreuxEs lors des prochains actes des Soulèvements de la Terre !
Propos recueillis par Vincent du NPA Rennes