Les Comités de résistance, les syndicats, les organisations de femmes et les comités locaux au Soudan lancent un appel urgent à la solidarité et à la paix alors que la rivalité entre les factions de la junte militaire au pouvoir s’est transformée en une guerre meurtrière dans la capitale Khartoum, dans les villes voisines d’Omdurman et de Bahri et dans d’autres grandes villes du pays. Selon les médias internationaux et des témoins oculaires, les combattants des Forces armées soudanaises (général Abdel Fattah al-Burhan) et de la milice des Forces de soutien rapide (général Mohamed Hamdan Dagalo, dit Hemedti) ont engagé des combats et échangé des tirs d’obus dans les rues bondées de la ville, frappant des écoles, des hôpitaux et des quartiers résidentiels. Les Forces armées soudanaises (SAF) auraient également attaqué les positions des Forces de soutien rapide (RSF) avec des avions de chasse MiG et Sokhoi.
Des dizaines de milliers de civils ont été pris au piège par les combats, notamment des patients d’hôpitaux qui ont dû être évacués et des centaines d’écoliers de Khartoum qui ont été confinés dans leurs salles de classe. L’ONU a déclaré mardi 18 avril qu’au moins 185 personnes avaient été tuées et 1800 blessées. Dans le même temps, des organisations soudanaises ont signalé que les réseaux d’eau et d’électricité étaient défaillants ou inaccessibles dans certaines parties de la capitale.
« Nos gouvernements sont complices de cette effusion de sang, ils ne sont pas des spectateurs. » (MENA Solidarity)
Les deux belligérants de ce conflit sont des factions rivales de la junte militaire qui a pris le pouvoir en octobre 2021 aux politiciens civils qui étaient leurs « partenaires » dans le gouvernement de transition mis en place à la suite de la chute du dictateur Omar el-Béchir en 2019. Ils ont été armés jusqu’aux dents et ont reçu un soutien en matière de renseignement, de diplomatie et de finances de la part des puissances régionales que sont l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, l’Egypte et Israël, tous alliés fidèles des principaux gouvernements occidentaux (et bénéficiaires d’énormes quantités d’aide et d’armes de la part de l’Occident). Les deux parties à la guerre ont également courtisé Poutine en Russie, qui espère ainsi obtenir l’accès à une nouvelle base navale et militaire au Soudan.
Loin de prendre des mesures efficaces pour isoler les militaires et les miliciens putschistes, les gouvernements des Etats-Unis et de Grande-Bretagne ont à plusieurs reprises poussé les mouvements civils soudanais à négocier avec les militaires et les miliciens (RSF). Le gouvernement britannique a réitéré cet appel dans une autre déclaration publiée le 15 avril. Ceci est en contradiction avec la position claire adoptée par les Comités de résistance, la plupart des syndicats et les principales organisations de la société civile qui rejettent toute tentative de légitimer le coup d’Etat militaire par des négociations.
Services de santé, professionnels de la santé et hôpitaux attaqués
Les affrontements en cours au Soudan ont eu de graves répercussions sur le système de santé du pays, les hôpitaux et le personnel médical ayant été attaqués. Selon les Nations unies, plus de 180 personnes ont été tuées et 1800 blessées, tandis que des témoins oculaires ont fait état d’un grand nombre de cadavres dans les rues.
Les hôpitaux et les établissements de soins de Khartoum et d’autres villes soudanaises ont été la cible de tirs d’artillerie et de bombardements, qui ont causé d’importants dégâts et contraint certains établissements à fermer complètement leurs portes. Ces bombardements constituent une violation flagrante du droit humanitaire international et des accords qui stipulent que les établissements de santé doivent être protégés et neutralisés.
La fermeture des pharmacies a rendu difficile l’approvisionnement des femmes en produits d’hygiène féminine et en serviettes hygiéniques, ainsi que l’accès aux hôpitaux pour les femmes enceintes ou sur le point d’accoucher. En outre, une femme enceinte et son père ont été tués devant un hôpital alors qu’ils tentaient d’obtenir des soins médicaux et l’enfant a été miraculeusement sauvé, tandis qu’un certain nombre de médecins et de membres du personnel de la santé ont été blessés et tués.
L’Union des médecins soudanais a mis en place des canaux de communication en ligne pour aider les citoyens et citoyennes à la recherche de soins médicaux en publiant des numéros de téléphone en ligne pour les médecins volontaires de toutes les spécialités afin qu’ils apportent leur aide par le biais d’appels téléphoniques et de groupes WhatsApp. L’Union des médecins se coordonne également avec les Comités de résistance dans tout le pays pour mettre en place des salles de soins afin de parer aux blessures et d’être prête à faire face à toute situation d’urgence.
La communauté internationale doit contraindre les parties en conflit à ne pas prendre pour cible les établissements de santé, à ouvrir des passages sûrs et à autoriser le passage des ambulances. En outre, les organisations humanitaires doivent prendre des mesures urgentes pour évacuer les blessés et fournir du matériel médical à ceux qui en ont besoin. La protection du personnel de santé, des patients et des installations doit être une priorité pour garantir l’accès aux soins médicaux à ceux qui en ont le plus besoin.
18 avril 2023
MENA Solidarity Network
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Déclaration commune des syndicats soudanais
Notre pays se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Après l’échec de sa révolution prometteuse, il est désormais confronté à une dégradation de la sécurité et à des assassinats arbitraires dans plusieurs villages et villes, en particulier dans la région du Darfour. Cette situation s’est accompagnée d’une plongée du pays dans des affrontements militaires ouverts entre l’armée et les Forces de soutien rapide, une guerre qui conduira le pays au chaos et menacera son existence si nous ne nous y opposons pas fermement et si nous ne l’endiguons pas.
La capitale nationale, Khartoum, s’est réveillée ce matin, samedi 15 avril, au son des tirs et du bourdonnement des avions. Des rapports font état de victimes civiles.
Ce danger imminent exige que les personnes concernées appellent les deux parties à un cessez-le-feu et fassent appel à la raison pour s’opposer fermement aux plans destructeurs qui visent à faire avorter le glorieux projet de révolution et son ambition de transformer le pays en un Etat civil démocratique où règnent la liberté, la paix et la justice.
Le phénomène de la détérioration de la sécurité a commencé il y a des décennies dans les Etats du Darfour, du Kordofan-Sud et du Nil Bleu. Il n’aurait jamais commencé s’il n’y avait pas eu le coup d’Etat des Frères musulmans et leur insistance à déchirer le pays et à humilier ses citoyens pacifiques. Aujourd’hui, ce phénomène a dépassé ce cadre géographique pour s’étendre à l’ensemble du pays. Les récents affrontements dans la région de Marawi, dans l’Etat du Nord, ont donné lieu à de vives tensions. Elles ont conduit à des affrontements militaires en raison de la concurrence entre l’armée et les Forces de soutien rapide. Ces tensions ont été alimentées par les influences régionales environnantes qui sont devenues évidentes sur la scène soudanaise, avec l’intervention d’éléments du régime déchu par le biais d’une mobilisation médiatique et d’un travail, apparent et caché, visant à diffuser un message de haine.
La crise actuelle est le résultat du désir de nombreuses parties de maintenir leurs intérêts douteux au Soudan. Rien qu’au Darfour, et au cours de la semaine dernière, avec la participation de groupes transfrontaliers, la région de Forbaranga a été attaquée, où 25 personnes ont été tuées et des milliers ont été déplacées, sans compter les dizaines de blessés. Dans la région de Kundube, au Darfour occidental, six personnes ont été tuées. Dans l’Etat du Darfour Nord, une milice armée a attaqué la région de Luwabid, à 40 km d’El Fasher, la capitale de l’Etat, où un véhicule appartenant à une banque a été attaqué, quatre employés ont été tués et l’argent (les salaires) a été volé, en plus d’autres incidents.
Conscients de la responsabilité nationale et morale, et de ce que la conscience nationale impose dans cette situation historique critique que traverse le pays, de nombreux organes syndicaux se sont réunis au siège de l’Union des journalistes soudanais à Khartoum. Ils ont convenu de faire face aux tentatives de sédition et de déstabilisation du pays, et de s’opposer à la guerre, à la dégradation de la sécurité et à l’impunité, dans l’espoir de prendre des mesures sérieuses pour faire prévaloir la voix de la raison et de la sagesse, et pour désamorcer les crises et les conflits qui se sont intensifiés.
Les efforts se poursuivront pour discuter des crises, trouver des solutions et appeler tous les syndicats et organismes civils à assumer leur rôle et à participer à la responsabilité de mettre fin à la guerre et à la dégradation de la sécurité.
15 avril 2023
Organes syndicaux signés : Sudanese Journalists’ Union, Steering Committee of the Sudanese Bar Association, Bahri Industrial Zone committees, Sudan Unions Solidarity, The Preparatory Committee of the Union of Professors at Sudan University of Science and Technology, The Steering Committee for the Federation of Sudanese Engineers, Sudanese Teachers Committee, Sudanese Writers’ Union, The Preparatory Committee of the Pharmacists Union – Khartoum State, Darfur Lawyers Association, The University of Khartoum Teaching Staff Trade Union
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Déclaration des Comités de résistance de l’Etat de Khartoum
Femmes et hommes révolutionnaires, fils et filles de notre peuple courageux, le pays a glissé dans l’abîme des conflits armés, poussé par la folie des militaires, allumant les feux de la destruction et de l’effusion de sang.
C’est pourquoi nous, la Coordination des comités de résistance de l’Etat de Khartoum, rejetons totalement la guerre et déclarons haut et fort qu’il n’y a pas de guerre, vive la paix ! Notre glorieuse révolution a commencé et a triomphé grâce à des moyens pacifiques, à ses courageux sacrifices, à notre unité permanente et au rejet de la mobilisation tribale et raciste.
Notre peuple courageux, le pays vit un moment historique sans précédent dans l’histoire moderne du Soudan. Nous exhortons toutes les forces civiles et politiques nationales à défendre l’unité du Soudan, notre peuple et notre terre. Nous les appelons à tirer la sonnette d’alarme et à œuvrer pour créer le plus grand front pour la paix et protéger la révolution soudanaise de l’effondrement.
Citoyens et honorables révolutionnaires, jusqu’à ce que cette étape critique soit passée, nous vous demandons de ne pas succomber aux discours d’incitation et de contre-incitation qui ont déjà commencé à se répandre de la part des parties belligérantes. Préservez la sécurité de vos quartiers et de vos villes, et ne lancez pas d’appels à la violence ou au port d’armes.
Notre devoir national est de faire retentir des slogans de paix, de faire résonner dans les terres et l’espace la voix de la sagesse et de la raison, de faire obstacle aux combats et de remplir le pays d’hymnes de paix.
Que Dieu sauve le Soudan et protège son peuple. Gloire aux martyrs.
5 avril
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Déclaration au peuple soudanais de la Coordination des Comités de résistance de l’Etat de Khartoum
Nous ne sommes pas neutres, car nous menons une bataille pacifique depuis l’époque du déchu Bachir jusqu’à aujourd’hui, contre la militarisation du pays et le contrôle des armes dans les rues. Nous avons commencé par être pacifiques et nous continuerons à l’être pour atteindre nos objectifs contre toutes les parties de la guerre en cours dans les rues du pays. Al-Burhan et Hemedti sont des ennemis de la révolution et des révolutionnaires. C’est par cette voie pacifique que nous avons commencé et c’est par elle que nous vaincrons, parce que nous sommes contre la guerre et contre toute solution qui y conduit. Les deux parties à la guerre ne se soucient pas de la sécurité de notre peuple. C’est pourquoi nous leur demandons instamment de ne pas régler leurs comptes sur le dos des civils innocents.
Nous appelons les révolutionnaires des quartiers à s’organiser en fonction de la situation actuelle et à se préparer à subvenir aux besoins fondamentaux de notre peuple dans leurs zones en fonction des circonstances actuelles.
Nous demandons aux comités de résistance de chaque quartier de prendre les mesures suivantes, comme ils l’entendent :
• Surveiller la situation sur le terrain et rendre compte de ce qui se passe dans et autour de chaque quartier, périodiquement, pour éviter les rumeurs et relayer les faits tels qu’ils sont, afin d’être une source fiable pour notre peuple.
Mettre en place des salles de soins pour parer à toute éventualité de blessure et être prêt à faire face à toute situation d’urgence.
• Surveiller les conditions d’approvisionnement en matériel dans le quartier, en particulier avec la possibilité que la guerre actuelle se prolonge, et vérifier les conditions de vie de notre peuple dans ces circonstances difficiles.
• Surveiller la situation en matière de sécurité dans le quartier et veiller à ce que les enfants et les personnes âgées soient tenus à l’écart des zones de conflit.
Diffuser le slogan « Non à la guerre÷ et ne pas répondre aux appels à l’armement, car ils nous conduiront à la guerre civile. Le seul perdant de la guerre est le peuple, alors unissons-nous pour la vaincre.
Nous appelons toutes les organisations civiles et humanitaires, ainsi que le Croissant-Rouge, la Croix-Rouge, Médecins sans frontières et le Comité préparatoire de l’Union des médecins soudanais, à jouer leur rôle en apportant les premiers soins aux blessé·e·s et en les transférant dans des lieux sûrs, et à aider le peuple soudanais à surmonter cette crise.
Enfin, nous prions pour tous les citoyens et citoyennes innocents qui sont tombés et les considérons comme des martyrs aux yeux de Dieu. Nous souhaitons un prompt rétablissement aux blessé·e·s et un retour en sécurité aux personnes disparues.
Que Dieu protège notre peuple
Les militaires doivent rentrer dans leurs casernes et les Janjawids [miliciens] doivent être dissous.
16 avril
Signé par Haj Yousef Revival Committee Gathered, Bahri Neighbourhood Committees, Coordination of the East Nile South Resistance Committees, Coordination of the Greater Omdurman Resistance Committees, Coordination of the Khartoum State Resistance Committees