Le gouvernement veut maintenant mettre en œuvre sa politique. Les travaux de démolition ont commencé dès cet été, avec la session parlementaire ouverte ce mardi 3 juillet. L’été est régulièrement propice aux mauvais coups, gageons que la version 2007 ne dérogera pas à cette sinistre tradition. Au programme de la session extraordinaire, quatre projets de loi emblématiques de la politique de Sarkozy. La loi dite en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, représente, en fait, un vaste plan de nouvelles exonérations au bénéfice des plus riches.
Le renforcement de la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs instaure des peines plancher, qui aboutissent à ne plus prendre en com¬pte l’environnement social, économique et familial, supprimant de fait l’excuse de minorité entre 16 et 18 ans. La gouvernance et les nouvelles compétences des universités visent l’achèvement du processus de privatisation et de mise en concurrence des universités. Enfin, la loi sur le dialogue social et la continuité du service public de transport est une attaque gravissime contre le droit de grève.
Le premier de ces textes sera débattu du 10 au 13 juillet. Il est présenté par la très libérale ministre de l’Économie, Christine Lagarde, comme une série de mesures pour « redonner toute sa place au travail comme valeur, comme outil d’amélioration du pouvoir d’achat et comme instrument de lutte contre le chômage ». Il se situe dans la droite ligne du « travailler plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy.
Premier objectif affiché, l’augmentation de la durée du travail, présentée comme la condition essentielle de la baisse du chômage. Cette contre-vérité est assenée avec toute l’arrogance des économistes libéraux. La suite, de la même veine, présente le travail comme une marchandise - pour augmenter la durée du travail, il faut jouer sur l’offre et sur la demande. Il faut donc que patrons et salariés y gagnent, comme s’ils étaient à égalité ! On a donc un nouvel allégement de cotisations pour les entreprises sur toutes les heures supplémentaires et, parce que « l’accord du salarié facilite grandement le recours aux heures supplémentaires », il faut aussi que le salarié s’y retrouve. C’est la raison de la réduction des cotisations sociales et de l’exonération des impôts sur les heures supplémentaires et complémentaires pour les salariés.
L’exposé des motifs de cet article de la loi comporte plusieurs aveux. Les salariés ont besoin de voir leurs salaires augmenter, c’est une évidence. Ceux qui décident de la durée du travail sont les employeurs, et non les salariés auxquels la durée du travail est imposée. Tout au plus, leur acceptation facilite le recours aux heures supplémentaires, mais elle n’est pas indispensable. Pour gagner plus, il n’y a pas d’autre solution que d’augmenter les salaires. Répétons-le, l’exonération des cotisations sociales n’est pas une augmentation du salaire, c’est une baisse de ce dernier qui comprend à la fois le salaire net touché directement chaque mois et les cotisations finançant la protection sociale. Enfin, pour travailler toutes et tous et lutter contre le chômage, il ne faut pas allonger la durée du travail, mais la diminuer. Le comble du cynisme est sans doute atteint quand l’exposé des motifs prétend « lutter contre la pauvreté au travail ». La seule mesure efficace serait l’interdiction de temps partiel imposé, qui condamne tant de femmes salariées à la misère.
Les articles suivant de la loi n’ont pas grand-chose à voir avec l’emploi et le pouvoir d’achat, puisqu’il s’agit d’une succession de cadeaux fiscaux qui, comme toujours, ne concernent que les plus riches. Elles ont aussi une forte portée idéologique. Le crédit d’impôts sur le revenu, égal à 20 % des intérêts d’emprunt pour l’acquisition d’une résidence principale, veut concrétiser le projet du candidat Sarkozy d’une « France de propriétaires ». Mais elle ne sera d’aucune aide aux 3,2 millions de personnes mal-logées. L’article sur les droits de succession prétend « faciliter la transmission des patrimoines représentant le fruit d’une vie de travail ». Aujourd’hui, 90 % des successions entre conjoints et 80 % des transmissions en ligne directe sont exonérées.
Dans la réalité, les nouvelles mesures ne font qu’avantager les patrimoines les plus importants et elles permettent la transmission du fruit de l’exploitation du travail d’autrui et de la spéculation ! Le bouclier fiscal limitera, à partir de 2008, le niveau des impôts directs d’un contribuable à 50 % de ses revenus. C’est explicitement un cadeau fait à une poignée de privilégiés. Comme ce gouvernement n’est jamais à court d’idées cadeaux aux plus fortunés, l’impôt de solidarité sur la fortune peut, encore, être réduit, cette fois au prétexte du soutien aux PME, à la recherche, aux universités (autonomes !) Chacun de ces avantages, cumulables, peut atteindre 50 000 euros. Pour finir en beauté, les mesures qui conjuguent maigres aumônes et contrôle accru des bénéficiaires du RMI suivent immédiatement l’article, qui fait semblant de moraliser les parachutes dorés des grands patrons ! Tout un symbole de l’arrogance de ce gouvernement.
Frida Fuego
La gazette des gazettes
Sous le titre « Où vivent les riches ? », l’Express a consacré l’un de ses dossiers au « classement, ville par ville, des patrimoines et des revenus ». Et c’est assez instructif. On y apprend - sans surprise - que Neuilly est « la championne de France de l’ISF », l’impôt sur la fortune. Au-delà des données statistiques, l’article fourmille de détails croustillants sur la vie des habitants de ce « ghettos de riches » : « Un industriel français du sucre vient ainsi de dépenser 450 000 euros pour refaire la décoration de son duplex. À lui seul, le carrelage des deux salles de bains a coûté plus de 80 000 euros. Soit plus de cinq ans du salaire d’un smicard, ou le prix de six Renault Clio. » À quoi le journaliste, qui ne manque pas d’humour, ajoute : « Une voiture au demeurant peu répandue dans la commune... » Dans l’article qui introduit le dossier, un autre journaliste s’interroge sur la concentration géographique des richesses : « Pourquoi les plus fortunés des Français s’établissent-ils là où les prix de l’immobilier atteignent des sommets, alors que, par définition, ils pourraient emménager partout ailleurs et réaliser de subs¬tantielles économies ? » Réponse sans appel : « Les riches veulent, avant tout, rester entre soi. »
Dans le même ordre d’idées, sous le titre « Au bonheur des riches », Libération consacre son ouverture à une étude universitaire qui s’est attachée, non aux 10 % les plus riches, comme le font en général les statisticiens, mais aux 1 % les plus riches. Elle révèle « l’envolée des revenus des Français les plus aisés depuis 1998 ». À savoir, une augmentation de « 19 % entre 1998 et 2005 ». Un chiffre qui « explose littéralement quand on monte encore plus haut dans la hiérarchie sociale : + 32 % pour les 0,1 % les plus riches et carrément + 42,6 % pour le petit club des 0,01 % les plus fortunés (3 500 foyers). »
Pour les éditorialistes paresseux, comme pour les idéologues libéraux, l’affaire est entendue : la lutte des classes, c’est dépassé ; et, d’ailleurs... la classe ouvrière existe-t-elle encore ? En revanche, il ne viendrait à personne l’idée de s’interroger sur l’existence de la bourgeoisie. Et pour cause !
François Duval