Les neuf juges de la Cour constitutionnelle de Jakarta ont décidé à l’unanimité de rejeter la requête de Ramos Petege, qui contestait la loi de 1974 interdisant le mariage entre personnes de confessions différentes. “En raison de cette loi, Petege, un catholique de Papouasie, ne peut pas épouser l’amour de sa vie, qui est musulmane”, s’indigne le Jakarta Post.
Le quotidien en langue anglaise compare cette décision de la plus haute instance juridique indonésienne au “dernier clou planté dans le cercueil des mariages interconfessionnels”. Il ajoute que cela ne ressemble pas à une nation qui respecte la liberté et la diversité, toutes deux garanties par la Constitution et la devise nationale : “L’unité dans la diversité”.
L’Indonésie est une république à la fois laïque et pluriconfessionnelle, selon les domaines de juridiction. Les mariages doivent être enregistrés par le tribunal religieux conformément à la confession du couple. Six cultes sont officiellement reconnus : musulman, hindou, bouddhiste, catholique, protestant et confucéen, et près de deux cents croyances ancestrales.
Une décision obsolète et absurde
Pour Koran Tempo, “le mariage devrait être une affaire civile. La seule tâche de l’État étant de l’enregistrer. Le choix d’utiliser les lois coutumières ou traditions religieuses devrait être la décision de ceux qui décident de se marier.”
Le quotidien observe que la décision de la Cour constitutionnelle est non seulement obsolète mais absurde, étant donné qu’elle peut être contournée “par diverses astuces, comme faire semblant de changer de religion pour que le mariage soit légalisé par l’État”, quitte à embrasser à nouveau sa confession d’origine une fois l’union prononcée.
En effet, bien que l’islam soit la religion majoritaire en Indonésie, les musulmans peuvent librement se convertir à une autre religion. Le Jakarta Post ironise sur le deuxième stratagème, conforme à la déclaration d’un des juges dans une opinion concordante : “Le couple peut se marier deux fois, par exemple une fois dans une mosquée et la seconde dans une église, dans le cas d’un musulman épousant une chrétienne.”
L’interdiction pourrait encourager la ségrégation
La troisième option est de se marier à l’étranger puis de faire légaliser l’union au bureau d’état civil en Indonésie, note le Jakarta Post.
“C’est une façon parfaitement légale de contourner la loi de 1974. De nombreux couples le font déjà, Singapour et l’Australie étant les destinations les plus populaires. Mais cette option n’est possible que pour ceux qui ont de l’argent.”
Même si cette loi peut-être relativement facilement détournée, elle n’en reste pas moins dangereuse. “Est-il est déjà venu à l’esprit de la Cour et des législateurs que l’interdiction des mariages mixtes pouvait encourager la ségrégation ?” questionne Koran Tempo.
Pour le Jakarta Post, le fait qu’il n’y ait pas eu d’opinion dissidente parmi les neuf juges prouve que la Cour constitutionnelle est entre les mains d’un groupe de conservateurs.
“À moins que cette composition ne soit modifiée, nous pouvons nous attendre à des décisions plus conservatrices de ce tribunal, dont les décisions sont définitives et contraignantes, ce qui pourrait mettre en danger l’unité dans la diversité telle que nous la connaissons.”
Courrier International
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