Le 16 juin, les sénateurs japonais ont voté la loi prônant la “compréhension des personnes LGBT”, présentée par le Parti libéral démocrate (PLD, droite), au pouvoir, et son allié, le Komeito (centre droit), a rapporté le Nihon Keizai Shimbun. Le texte, validé également à la chambre basse le 13 juin, a donc été officiellement adopté.
Qualifiant d’“inacceptables” les discriminations “injustes” fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, il est destiné à favoriser une société respectueuse des droits des minorités sexuelles.
“Il est désormais obligatoire pour le gouvernement de monter une stratégie pour promouvoir la compréhension des personnes LGBT, et de publier un rapport public annuel pour en faire l’état des lieux”, détaille le journal économique, tout en précisant qu’“étant donné que le texte ne prévoit pas de sanction, certains mettent en cause l’efficacité du dispositif”.
“Jusqu’ici, le Japon ne disposait pas de loi spécialisée contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle. […] Un des objectifs du projet est d’esquiver les critiques épinglant le retard que le Japon a pris en la matière en comparaison d’autres pays développés”, continue le quotidien.
Longues tractations
Or, dans un pays où le mariage gay n’a toujours pas été mis en place et où la frange droitière du PLD résiste fortement à toute initiative en faveur des droits des personnes LGBTQI, la loi a fait l’objet de tractations pendant plusieurs années.
Parmi ces politiques conservateurs, certains sont régulièrement pointés du doigt pour leurs opinions homophobes, comme Mio Sugita, députée du PLD qui avait déclaré en 2018 que les membres de la communauté LGBTQI “ne sont pas productifs” car “ils ne font pas d’enfants”.
Signe des compromis qui ont été faits pour les ménager, le mot “injuste” a été inséré par le PLD dans le texte après le terme “discrimination”, alors qu’il ne figurait pas dans le texte original, selon un article de la chaîne publique NHK.
Chez les militants règne une impression que cette loi va au contraire “bloquer”, voire “empêcher” la compréhension des personnes LGBTQI, selon les témoignages recueillis par le quotidien Asahi Shimbun. En cause : le texte stipule que le gouvernement “veille à faire en sorte que tous les Japonais puissent vivre sereinement”.
“Cette phrase part du présupposé que les minorités sexuelles menaceraient la majorité”, déplore, dépité, Soshi Matsuoka, journaliste et militant LGBTQI influent au Japon, cité par le journal. “C’est comme s’ils affirmaient qu’ils aimeraient continuer à nous discriminer et qu’ils n’ont aucune intention d’affronter les problèmes et les difficultés que les minorités sexuelles éprouvent dans leur vie”, poursuit-il.
Débats envenimés
Lors des débats parlementaires, des propos haineux à l’encontre des personnes transgenres ont été prononcés à la Diète japonaise, regrette le journal. “À plusieurs reprises, certains élus se sont inquiétés que des personnes transgenres fréquentent les bains publics en fonction de leur identité de genre [et non du sexe qui leur a été assigné à la naissance]. Les conservateurs soulignaient que ce texte irait à l’encontre des droits des femmes. Certains élus du PLD ont même boycotté le vote de la chambre basse du 13 juin”, regrette le journal.
Avant le vote au Sénat, le Mainichi Shimbun appelait dans son éditorial du 13 juin à débattre davantage sur le projet de loi, “pour ne pas trahir la pensée des personnes concernées, qui ne font que demander une meilleure protection de leurs droits”. Cet appel est resté un vœu pieux.
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