Alors que le pouvoir islamo-nationaliste prend de plus en plus régulièrement la communauté LGBTQI pour cible, la marche des fiertés prévue pour le dimanche 18 juin à Istanbul a finalement été interdite, et les accès au quartier central de Taksim et à ses environs, barricadés par les forces de l’ordre.
Les quelques dizaines de participants qui ont bravé l’interdit ont été pourchassés dans les rues par la police, qui a interpellé au moins sept personnes, rapporte le média en ligne Gazete Duvar.
La manifestation avait été interdite par le nouveau préfet d’Istanbul, Davut Gül, nommé au lendemain de la victoire électorale, le 28 mai, du président Recep Tayyip Erdogan.
Ancien préfet de Gaziantep, il est surnommé “le cauchemar des LGBTQI” par le quotidien islamiste Yeni Akit, qui applaudissait sa nomination, soulignant qu’il avait promis “de ne jamais laisser des manifestations perverses se dérouler dans cette ville”.
Un temps tolérées par le pouvoir de l’AKP dans une phase plus libérale, les gay prides et manifestations LGBTQI s’étaient multipliées à Istanbul ; celle, historique, de 2013 avait rassemblé près de 100 000 personnes dans les rues du quartier de Taksim.
Mais, après cette embellie, plus aucune manifestation de ce type n’a été autorisée depuis 2015. Surtout, le pouvoir en a fait l’un des thèmes de la récente campagne électorale et s’en prend de plus en plus sévèrement dans ses discours aux LGBTQI ou à ce que des responsables qualifient “d’organisation terroriste”.
Les “nouveaux ennemis” du pouvoir
“La police intervient contre la terreur LGBTQI”, titrait ainsi le 9 juin le quotidien progouvernemental Sabah, après l’arrestation de cinq étudiants ayant tenté d’organiser une marche des fiertés sur le campus de la prestigieuse université ODTÜ, à Ankara.
Deux jours plus tôt, la projection d’un film intitulé Pride dans le jardin d’une association culturelle à Istanbul avait été interdite et les organisateurs et participants arrêtés, rapporte le média en ligne Arti Gercek.
Au début du mois s’est également ouvert le procès de 70 étudiants (ainsi que d’un journaliste et d’un universitaire) accusés d’avoir bravé une interdiction de manifester et organisé une gay pride au printemps 2022 sur le campus de l’université stambouliote de Bogaziçi, rapporte le média en ligne Bianet, selon lequel le procès a été reporté au 2 novembre.
“Le pouvoir a toujours besoin d’ennemis, il a décrété que nous étions ses nouveaux ennemis”, estime Defne Güzel, responsable associative, interrogée par le média en ligne Medyascope.
“La répression va s’intensifier”
“Nous allons entrer dans une période difficile pour les LGBTQI de Turquie. La répression contre les personnes et les associations va s’intensifier, c’est certain”, ajoute Anjelik Kelavgil, un autre responsable associatif.
L’entrée au Parlement turc de deux partis islamistes radicaux, alliés d’Erdogan, inquiète particulièrement les défenseurs des droits des minorités sexuelles. Président de l’une de ces formations, Fatih Erbakan – fils de Necmettin Erbakan, figure de proue de l’islam politique turc et ancien mentor d’Erdogan – ne cache pas qu’il fera de la lutte contre les LGBT une de ses priorités, souligne le média en ligne T24 :
“Nous allons utiliser notre présence au Parlement pour combattre une des plus grandes catastrophes de la période actuelle, la perversion LGBTQI, organisée par des puissances étrangères.”
Courrier international
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