“Avec la reconnaissance des Punan Batu en tant que peuple autochtone, j’espère que leurs forêts pourront être préservées et qu’ils ne perdront pas leur culture, qui s’est transmise de génération en génération”, a déclaré le gouverneur de la région de Bulungan, dans la province de Kalimantan du Nord, sur l’île de Bornéo. Le 2 juin, il remettait aux représentants de cette communauté de 103 chasseurs-cueilleurs un décret reconnaissant leur statut de “peuple autochtone”.
Kompas précise que, jusque-là, les Punan Batu n’étaient même pas recensés par l’État indonésien et ne disposaient pas de cartes d’identité. Ils ne figuraient pas non plus “sur la liste des communautés autochtones les plus isolées du ministère des Affaires sociales”.
Punan Batu, suku pemburu dan peramu terakhir di Kalimantan di sekitar Bukit Benau dan Sungai Sajau kini diakui sebagai Masyarakat Hukum Adat (MHA). https://t.co/SwR11V6eSK
— Kompas.com (@kompascom) June 4, 2023
Si cette reconnaissance devrait assurer aux Punan Batu un meilleur accès à l’éducation et à la santé, le quotidien espère que le gouvernement ne retombera pas dans les écueils du passé. Pendant les trente-deux années de la dictature du général Suharto (1965-1998), l’État a procédé à des déplacements et à des sédentarisations forcés de peuples autochtones nomades, comme les Orang Rimba, à Sumatra. Les zones forestières, habitats ancestraux de ces peuplades, ont parfois été cédées à des entreprises exploitant l’huile de palme ou le bois industriel.
18 000 hectares d’espace de nomadisation
Contacté par Kompas, Taufik Hidayat, membre de l’Association pour la conservation de la nature de Nusantara, explique qu’il cherche désormais “des moyens d’apporter les services d’éducation et de santé [aux gens de] la forêt, et non l’inverse”. Akim Asut, le chef des Punan Batu, a confirmé au quotidien qu’ils refuseraient de quitter la forêt pour vivre dans un village :
“Depuis toujours, nous nous déplaçons de grotte en grotte dans la forêt. Nos enfants et petits-enfants, eux aussi, sont tous nés dans la forêt.”
Akim Asut a lancé une demande auprès du ministère de l’Environnement et des Forêts pour assurer aux quelque 18 000 hectares d’espace de nomadisation des Punan Batu le statut de “forêt coutumière”. Il souhaite que cette zone riche en grottes karstiques et en rivières souterraines soit inscrite sur la liste des géoparcs par l’Unesco.
Cartographie
Selon le site du ministère de l’Environnement et des Forêts, 70 millions d’Indonésiens sont issus de communautés coutumières, réparties en 1 100 peuples. Pradiptajati Kusuma, chercheur en génétique des populations de l’Institut Mochtar Riady pour la nanotechnologie (MRIN) affirme que “les Punan Batu sont les derniers chasseurs-cueilleurs actifs de Kalimantan”.
En 2018, alors qu’il travaillait pour l’Institut Eijkman de biologie moléculaire, il a réalisé une cartographie des déplacements des Punan Batu grâce à des GPS portés par 27 d’entre eux pendant près de deux ans. Des éléments de son étude ont été publiés en février 2022 dans la revue Evolutionary Human Sciences (Cambridge University Press.
Cette cartographie montre que les Punan Batu se déplacent de grotte en campement tous les huit ou neuf jours, sur environ 5 kilomètres. Ils peuvent ainsi chasser le gibier, récolter de la nourriture, du miel et d’autres produits forestiers.
Bien que le gibier se fasse de plus en plus rare, en particulier les sangliers, victimes de la peste porcine africaine, le premier souhait d’Akim Asut est que leur forêt soit préservée : “Si la forêt disparaît, les Punan Batu disparaîtront aussi”, confie-t-il à Kompas.
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