NPA : « Notre objectif est de construire le cadre d’organisation le plus utile aux exploité·E·s et opprimé·E·s »
Quels sont les enjeux de ce forum pour le NPA ?
Le mouvement social contre le recul de l’âge légal de départ à la retraite vient d’être une nouvelle fois l’occasion de montrer que la question politique dans son sens le plus large reste brûlante : quelle alternative au projet ultra-libéral et autoritaire de Macron ? En commençant par s’interroger sur comment dénouer la question de l’organisation : quelle force, pour quoi faire et comment ?
Nous le voyons bien, il y a plus de militantEs et sympathisantEs qui partagent largement et mènent les combats contre ce système « dehors » qu’engagéEs dans le NPA tel qu’il est, il faut donc chercher à construire le cadre adapté pour que touTEs puissent s’y organiser. Pour nous, il n’y a pas de contradiction entre construire aujourd’hui le NPA et penser son dépassement, qui est nécessaire nous en sommes convaincuEs. Notre objectif reste, dans les coordonnées et les possibilités de la situation, de construire le cadre d’organisation le plus utile aux exploitéEs et oppriméEs.

Ce processus de forums est un outil pour avancer dans ce sens : vérifier les possibilités de construire avec d’autres, actuellement organiséEs ou non, en échangeant et en faisant des tests pratiques autour de campagnes.
De quel outil politique avons-nous besoin et quelles relations avec la Nupes sont possibles ?
Les six derniers mois montrent le besoin impérieux d’un outil à la fois radical et unitaire, démocratique et révolutionnaire, un outil qui soit capable d’intervenir et de peser sur tous les champs de la vie politique. Mais aussi un cadre de mise en commun des expériences, de la construction d’une compréhension collective de la situation, d’élaboration de perspectives politiques, de choix de stratégie, d’implantations, d’alliances… Qu’on l’appelle parti ou non, c’est un outil pour faire de la politique, pour articuler la lutte contre l’exploitation capitaliste, contre les oppressions patriarcales, coloniales et racistes, contre le productivisme écocide. Un outil démocratique, avec des règles, des droits et des garanties pour débattre, décider et agir ensemble. Le NPA a une culture organisationnelle issue d’une longue histoire, avec décision à la majorité, droit de tendance, de fractions, pour le meilleur et pour le pire… Nous voulons la confronter à d’autres histoires, à d’autres cultures militantes pour inventer ensemble un fonctionnement à la fois émancipateur et efficace.
Aucune organisation vivante n’existe comme une île isolée. À gauche l’espace politique est occupé par la Nupes, elle-même dominée par La France insoumise, la question des relations avec la Nupes est donc forcément posée. Le NPA a participé à de nombreuses réunions publiques unitaires avec la Nupes en soutien à la mobilisation contre la réforme des retraites. Dans beaucoup de villes, nous nous côtoyons dans des collectifs unitaires… Mais la Nupes est avant tout une alliance électorale, et ce dont nous avons besoin c’est de cadres pour combattre l’extrême droite et la politique de Macron, des cadres à la base, dans les lieux de vie et de travail unissant toutes les forces qu’elles soient politiques, syndicales ou du mouvement social. Ces cadres sont à construire. Nous pensons aussi qu’il y a besoin d’une force indépendante, qui défende une rupture révolutionnaire, c’est pour cela que nous nous engageons dans ce processus de construction d’une alternative politique.
Comment cette première discussion s’organise-t-elle et quelles sont les perspectives envisagées ?
Ce dimanche 2 juillet, il s’agit en effet d’un premier rendez-vous national. Quelques trop rares rencontres ont eu lieu localement. L’objectif est vraiment d’enclencher un processus de discussions et de pratiques permettant de tester « en marchant » les possibilités d’un outil politique commun.
En une (courte) journée, c’est un défi. Dès cette première rencontre, nous voulons que les différentes expériences et cultures militantes trouvent leur place, à égalité, afin que le processus soit celui de celles et ceux qui s’y engagent. Pour cela, les signataires ont construit un déroulement qui partant de la situation, des mobilisations et luttes, de leur contenu et articulations, débouche sur une boîte à outils pour agir, mener des campagnes communes.
Ces campagnes nous sont dictées par les trop nombreuses urgences : contre la répression et l’extrême droite, pour mettre un coup d’arrêt à tous les projets écocides et désarmer les criminels climatiques, contre les profits pour l’échelle mobile des salaires, la réduction massive du temps de travail… Il faudra aussi se donner les moyens de réagir à de nouvelles attaques que le gouvernement ne manquera pas de lancer. Reste à mettre tout ça en musique, à produire du matériel, du contenu... avec la volonté d’être utiles à la mobilisation du plus grand nombre et à l’auto-organisation.
L’autre aspect, mais qui est lié, c’est la construction dans le plus grand nombre de lieux possible, de forums locaux, à l’échelle qui permet le mieux de débattre et d’agir ensemble, de débattre pour agir, mais aussi, en agissant ensemble, d’enrichir nos débats. Sur cette base, nous tiendrons une nouvelle rencontre à l’automne.
Christine Poupin
Ensemble ! : « Il est nécessaire de construire une convergence des forces de gauche et de l’écologie politique »
Dans la situation sociale et politique que nous connaissons tous, quels sont les enjeux de ce forum ?
Dans son Assemblée générale de novembre 2022, le mouvement ENSEMBLE ! s’est très clairement posé la question d’une recomposition politique globale et de son propre « dépassement ». Le monde capitaliste et ses modes de domination sont de plus en plus violents, avec des États ouvertement antidémocratiques, le surgissement de nouvelles formes d’impérialismes, l’exacerbation des guerres à nos portes, la tentation d’extrême droite ou fascisante comme mode de gouvernement.
Dans ce contexte, le mouvement ouvrier connait de multiples évolutions qui bousculent nos réflexions : le travail surexploité et morcelé, la révolution féministe mondiale (accélérée par #MeToo), l’antiracisme, le refus des discriminations et l’aspiration à des droits universels, le défi écolo-climatique comme enjeu de civilisation face à des décennies d’économie extractiviste et destructrice du monde vivant. Le syndicalisme est obligé de se remettre en question.
Les courants historiques de la gauche et de l’écologie politique antilibérales sont traversés d’interrogations, de remises en cause et de crises internes, auxquelles les courants anticapitalistes n’échappent pas. Dans quel monde vivons-nous ? Comment repenser et redéfinir l’objectif révolutionnaire et autogestionnaire aujourd’hui ? Il est nécessaire de se poser ces questions et d’organiser collectivement une réflexion stratégique

De quel outil politique avons-nous besoin ?
Comme militantes et militants engagéEs politiquement, nous apprenons d’abord de l’action collective. Nous devons participer sans vision avant-gardiste à la construction commune des outils de lutte, syndicaux, associatifs ou citoyens. Les luttes sont en elles-mêmes très politiques, au sens fort. La participation à l’action est un ferment de débats, d’idées, d’inventions dans les modes de participation (assemblées), avec une exigence démocratique forte. Comme militantEs visant l’émancipation collective, nous portons des propositions à partager, autour de campagnes d’action. Par exemple : contre la loi Darmanin qui se prépare, agir sur la question de la santé (PLFFS), faire avancer une sécurité sociale de l’alimentation, renforcer le salaire socialisé. Mais aussi pour mettre à l’ordre du jour des exigences radicales : obtenir la gratuité des transports collectifs contre le tout « voiture », désobéir aux directives européennes qui menacent le fret ferroviaire (avec la complicité du gouvernement), construire des alternatives radicales indispensables à une écologie de rupture, agir pour une agriculture paysanne respectueuse des cycles de vie, de la biodiversité, avec des circuits courts autour des métropoles et la défense des terres fertiles.
Notre participation commune aux luttes et aux outils des luttes et nos exigences radicales doivent trouver une expression politique et un processus de construction de nouvelle force politique de gauche alternative.
Quels rapports avec les autres forces, quelles relations avec la Nupes sont possibles selon vous ?
Face à la droite, autoritaire et néolibérale, flanquée d’une menace néofasciste aux portes du pouvoir, il est absolument nécessaire de construire une convergence des forces de gauche et de l’écologie politique. La création de la Nupes, sous l’impulsion de LFI, est un élément positif même si nous avons une appréciation critique. Son échec ouvrirait un boulevard à l’extrême droite. Nous avons, avec d’autres forces, proposé d’en faire partie intégrante, pour démultiplier des assemblées populaires citoyennes sur tout le territoire. La Nupes ne doit pas se réduire à un accord électoral ou à l’action parlementaire. Les forces de la gauche de résistance doivent se transformer en forces de l’alternative, pour convaincre l’électorat abstentionniste, remobiliser de manière pluraliste et dynamique, construire du commun avec toutes les luttes. Dans la Nupes, les réflexes d’appareil menacent. Mais nous sommes concernéEs par les enjeux. Nous devons agir. C’est avec ce projet partagé que nous pouvons aussi chercher le dialogue et la construction commune avec d’autres organisations en phase avec cet objectif, tout en produisant aussi nos propres perspectives.
Ainsi, construire une nouvelle force politique de gauche alternative, impliquée dans les enjeux nationaux, mais capable d’attirer des énergies nouvelles dans le monde du travail et les mobilisations, est un objectif complémentaire du rassemblement des forces politiques et sociales.
Florence Ciaravola, Jean-Claude Mamet
Rejoignons-Nous : « On a besoin d’une organisation collective, démocratique, conviviale et polyvalente »
Dans la situation sociale et politique que nous connaissons touTEs, quels sont selon vous les enjeux de ce forum ?
Béa Whitaker : La dissolution des Soulèvements de la Terre, après celle du CCIF, le passage en force face au mouvement social contre la réforme des retraites, les politiques de plus en plus racistes… montrent bien l’urgence de s’organiser pour faire front contre l’autoritarisme du gouvernement et la fascisation en cours, mais aussi pour élaborer un projet politique nouveau, révolutionnaire, démocratique, internationaliste et pluraliste, porteur d’une alternative globale.
Pour Rejoignons-nous, cela passe nécessairement par une nouvelle organisation politique pour donner une nouvelle impulsion. Cela fait trois ans que l’on fait des propositions à ce sujet et les choses avancent. Les discussions, notamment avec le NPA, sont très positives, et nous sommes très heureux de voir que l’annonce du forum a également rencontré un écho auprès de celles et ceux qui ne sont à l’heure actuelle dans aucun parti politique.

Pour nous, l’enjeu du forum, c’est d’abord de donner envie au plus de militantEs possible, notamment des quartiers populaires et de la nouvelle génération de mouvements sociaux écologistes, féministes et antiracistes, d’entrer dans la discussion, la construction, aux niveaux local et national. Car s’il faut rassembler les militantEs issus des organisations politiques de la gauche radicale et anticapitaliste, c’est aujourd’hui en dehors des partis que se trouvent les forces vives dont nous avons besoin pour changer les choses. Faisons passer le message à toutEs celles et ceux qui voient bien que ce système mène à notre perte : nous pouvons construire ensemble un nouvel outil politique, utile, puissant, enthousiasmant aussi. La porte est grande ouverte : rejoignons-nous dès maintenant pour le faire !
De quel outil politique avons-nous besoin ?
Fabien Marcot : Finalement, la question de fond est : « À quoi sert une organisation politique aujourd’hui ? ». On a besoin d’une nouvelle organisation utile pour intervenir dans le débat public, les luttes et le champ politique de manière coordonnée, mais aussi et d’abord utile dans la vie de tous les jours. Une organisation qui nous permette de nous défendre, d’apprendre les unEs des autres, de prendre des décisions et agir sur le terrain. Pas un mouvement gazeux et vertical, ni un simple réseau de collectifs militants, mais une organisation véritablement collective, démocratique, conviviale et polyvalente, construite à égalité par toutes et tous ses membres.
Dans notre « Manifeste pour une nouvelle organisation politique révolutionnaire, démocratique et pluraliste »1, nous avons fait une série de propositions. Pour résumer, nous ne voulons pas de ce qui fait l’échec et le rejet légitime des partis politiques existants : électoralisme, opportunisme, caporalisme, manque de démocratie, sectarisme, déconnexion des quartiers populaires et des réalités quotidiennes du travail, mépris des initiatives antiracistes et féministes et des expériences autogestionnaires. De manière générale, il faut trouver les mécanismes capables d’éviter en interne la reproduction des schémas de domination que l’on peut retrouver dans la société : sexisme, racisme, validisme, division inégalitaire des activités militantes… Cette organisation devra être pluraliste et unitaire et articuler toutes les dimensions de la lutte sociale et politique : solidarité concrète, autodéfense et autogestion, grèves et occupations, batailles idéologiques et institutionnelles, formation et intervention médiatique, débats stratégiques, en menant les combats aux niveaux local, national et international. Elle devra à la fois avoir une colonne vertébrale idéologique forte et se rendre perméable aux cultures politiques qui ne sont pas issues de l’histoire traditionnelle de la gauche radicale et révolutionnaire. C’est peut-être là que se situe l’enjeu principal : nous avons besoin d’une organisation du « mouvement réel », pas d’un club privé de convaincuEs.
Après le forum de dimanche à Paris, quelles perspectives pour continuer ?
Alexis Cukier : Ce sera aux participantEs du forum d’en discuter, de proposer des discussions politiques et des campagnes prioritaires. Nous proposerons, avec les autres composantes et militantEs impliquéEs dans la préparation, une méthode : que le forum national fasse des propositions qui soient discutées, précisées, complétées en septembre dans des forums locaux partout où des militantEs et habitantEs veulent participer au processus. Pour Rejoignons-nous, le travail pourrait porter sur deux axes : la réflexion autour de l’organisation politique que nous voulons construire et les actions concrètes et utiles pour développer des pratiques communes. Par exemple, pour nous un des rôles d’une organisation politique est de montrer la cohérence et la transversalité entre les luttes. On pourrait élaborer par exemple des campagnes autour de « Travail, écologie, féminisme », qui portent ensemble les pratiques et propositions de réduction du temps de travail, décarbonation de l’économie, décision démocratique sur les besoins, partage des activités socialement nécessaires...
Cela impliquerait d’abord de réfléchir à ce que veut dire « une campagne » : comment on l’élabore, comment on la fait vivre partout, comment on trouve les mots, les formats, les outils pour convaincre et permettre à chacunE de s’impliquer. Bref, les perspectives, ce n’est pas ce qui manque ! Le chantier est énorme mais tout aussi nécessaire et enthousiasmant !
Alexis Cukier, Béa Whitaker, Fabien Marcot
