Un monde littéralement en flammes. Le Canada est depuis plusieurs mois ravagé par les incendies. Neuf cents feux y sont toujours actifs, dont 570 « hors de contrôle ». Déjà 10 millions d’hectares de forêt ont disparu, soit un cinquième de la surface de la France.
L’ouest et le sud des États-Unis sont pour leur part touchés par des vagues de chaleur. Plus de 60 millions de personnes vivent sous des températures supérieures à 40 °C, frôlant les 45 °C. Et la Chine a, le 16 juillet, battu son record historique de relevé avec 52,2 °C enregistrés dans la province du Xinjiang.
Le bassin méditerranéen, considéré comme un des épicentres des dérèglements climatiques, n’est pas en reste. En Espagne, une canicule est prévue en ce début de semaine et plus de 4 500 hectares de forêt ont déjà brûlé samedi sur l’île de La Palma, aux Canaries.
Des records historiques de températures sont aussi attendus dans les prochains jours en Italie, et pour plusieurs régions du Maroc, des alertes rouges à la chaleur ont été émises par les autorités.
Le mégafeu de La Palma a brûlé environ 4 500 hectares de forêt. Îles Canaries (Espagne), le 15 juillet 2023. © Photo : Andres Gutierrez / Anadolu Agency via AFP
S’il est difficile d’être surpris quand, depuis plus trente ans, le Giec martèle que les canicules ou les mégafeux seront de plus en plus « intenses » et « fréquents » à mesure que nos émissions augmentent, il est pour le moins étonnant que les firmes fossiles jouissent encore d’une impunité totale.
En effet, en nous inondant en continu de pétrole, de gaz et de charbon – dont la combustion est à l’origine de près de 90 % des émissions mondiales de CO2 – les multinationales énergétiques sont les premières responsables de la crise climatique.
Néanmoins, elles continuent d’engranger des profits record en sabotant le climat. Les principales majors que sont TotalEnergies, Shell, BP, Chevron, ExxonMobil et Saudi Aramco ont cumulé 340 milliards de dollars de bénéfices en 2022.
Toutefois, elles poursuivent les lancements de nouveaux projets d’extraction d’énergies fossiles à travers le globe, à rebours de toutes les recommandations des scientifiques, des Nations unies ou de l’Agence internationale de l’énergie.
Elles maintiennent l’investissement massif et à long terme dans le pétrole et le gaz, alors qu’elles savent depuis les années 1970 que leurs activités sont néfastes pour l’avenir de l’humanité.
Pourtant, elles continuent de renoncer à leurs engagements climatiques. En juin, le géant anglo-néerlandais Shell a annoncé faire machine arrière sur son plan vert en prévoyant finalement une production de pétrole « stable » jusqu’en 2030. BP a revu à la baisse cette année ses objectifs de réduction d’émissions initiaux. Et TotalEnergies, qui se présente comme étant en pleine transition énergétique, est le pétrolier international qui a approuvé le plus de nouveaux projets fossiles en 2022.
À TotalEnergies, la crise climatique reconnaissante
Alors que le mois de juin 2023 a été le plus chaud jamais enregistré sur Terre, que fait la France, pays de l’accord de Paris sur le climat, pour contrer ces entreprises qui soufflent sciemment sur les braises du réchauffement planétaire ?
Le ministre de l’agriculture Marc Fesneau s’est félicité, samedi 15 juillet sur France Inter : « On n’a pas eu des températures extrêmes, on a plutôt eu des températures normales, pour un été. »
Le ministre de la transition écologique Christophe Béchu, face aux chaleurs extrêmes actuelles, « appelle à la vigilance » et conseille dans son plan canicule de « baisser les stores ».
Le ministre de l’économie Bruno Le Maire, à contre-courant des recommandations de l’ONU, s’obstine à refuser de taxer les superprofits des majors fossiles, alors que l’Espagne, l’Italie ou le Royaume-Uni ont instauré une taxe sur les profits des pétroliers.
Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a dissous les Soulèvements de la Terre, vaste mouvement de révolte écologiste contre les mégaprojets destructeurs du vivant.
Enfin, le président Emmanuel Macron a, vendredi dernier, élevé au grade d’officier de la Légion d’honneur Patrick Pouyanné, le patron de TotalEnergies. Une semaine auparavant, le boss du groupe déclarait encore : « TotalEnergies, je l’assume, continuera de produire des énergies fossiles. »
Alors que nous sommes en train de vivre un des étés les plus frais du reste de notre vie, cet ensemble de gestes politiques funestes vient nous rappeler que nous sommes désormais face à un gouvernement qui non seulement couvre mais en plus décore les criminels climatiques. Alors que face aux structures de pouvoir qui maintiennent le business as usual, le temps d’une écologie du rapport de force et du démantèlement est définitivement venu.
Dans ce contexte, lutter pour le climat sans vouloir renverser le capitalisme fossile revient à mettre la climatisation. Même en ayant pris soin de baisser les stores auparavant.
Mickaël Correia
17 juillet 2023 à 12h48