TOKYO CORRESPONDANT
Bien que seulement la moitié des 242 sièges de la Chambre haute, dont les membres disposent de moins de pouvoir que les députés, soit en jeu, les élections sénatoriales du 29 juillet au Japon ont pris la forme d’un vote de confiance pour le cabinet de Shinzo Abe. En chute dans les sondages (avec un taux de popularité de 30 %) après dix mois de pouvoir, le plus jeune premier ministre du Japon (52 ans) risque de sortir fragilisé d’un scrutin qui pourrait entamer la majorité gouvernementale.
Contrairement à une défaite à la Chambre basse, où le Parti libéral-démocrate (PLD) détient une majorité confortable, un revers lors de ce scrutin n’entraînerait pas automatiquement la chute du cabinet. Mais une défaite trop cuisante du PLD et de son allié dans la coalition (le parti centriste Komei), accentuerait les pressions pour le départ de M. Abe ou, à tout le moins, affaiblirait considérablement celui-ci en entraînant un vraisemblable réalignement des partis.
A l’ouverture de la campagne, le 12 juillet, les sondages étaient défavorables à la coalition gouvernementale, qui ne détient qu’une faible majorité à la Chambre haute. Par le passé, deux premiers ministres ont été obligés de quitter le pouvoir à la suite d’une défaite aux élections sénatoriales, dont Ryutaro Hashimoto en 1998.
C’est sur la défensive que Shinzo Abe a ouvert la campagne, quémandant le soutien des électeurs : « Il est crucial que vous me donniez les moyens de poursuivre les réformes. Je vous en prie, confiez-moi votre force. Je ne peux me permettre de perdre. » Une dramatisation que joue également l’opposition, qui martèle qu’il s’agit d’un « vote crucial pour l’avenir de la démocratie ».
Ichiro Ozawa, président du Parti démocrate (PD), principale formation d’opposition, a annoncé qu’il se retirerait si le PLD l’emportait. « C’est la dernière chance de mettre le peuple en première ligne », a déclaré ce vétéran de la politique qui, en 1993, avait réussi à mener une fronde au sein du PLD qui avait conduit à son éviction temporaire du pouvoir.
L’ambition de M. Ozawa est de faire émerger au Japon une force d’alternance après plus d’un demi-siècle de monopole du pouvoir par le PLD, à l’exception de cette courte parenthèse. « Ce vote doit être une motion de censure », a déclaré la présidente du Parti social-démocrate (PSD), Mizuho Fukushima, stigmatisant l’ambition de M. Abe de réviser la Constitution pacifiste.
Les partis de gauche mettent surtout en avant les disparités et injustices sociales grandissantes. Les jeunes contraints à la précarité et la population vieillissante des campagnes en sont les premières victimes. Les zones rurales se détournent du parti conservateur dont elles estiment qu’il ne défend plus leurs intérêts.
CANDIDATURES INATTENDUES
L’opposition joue sur l’impopularité de M. Abe, éclaboussé par une série de scandales qui s’est traduite par une « hécatombe » dans son cabinet - deux démissions et un suicide pour une affaire de corruption - perçue comme un symptôme de son incapacité à gouverner. Un nouveau scandale, dans lequel est impliqué le ministre de l’agriculture, a un peu plus enfoncé le gouvernement, à la veille de l’ouverture de la campagne.
L’opposition capitalise sur le fiasco dans la gestion du système des retraites publiques auquel est sensible l’opinion : les centres de Sécurité sociale sont accusés d’avoir égaré ou identifié de manière erronée 50 millions de dossiers et beaucoup craignent de recevoir des allocations ne correspondant pas à leurs cotisations.
La campagne est pimentée par des candidatures inattendues, comme celle de l’ex-président du Pérou, Alberto Fujimori. Bénéficiant de la double nationalité, ce dernier, assigné à résidence au Chili, a lancé sa campagne par une vidéo sous la bannière du minuscule Nouveau parti du peuple (NPP). La petite fille du général Tojo, pendu en 1948 pour crimes de guerre, se présente également. Candidate indépendante, Mme Yuko Tojo (67 ans) entend défendre la mémoire de son grand-père et des anciens combattants.