Il s’agit de l’explosion au marché aux épices d’Istanbul du 19 juillet 1998, dont il a été prouvé qu’elle était due à un accident. A cette date-là, Pınar Selek était déjà en prison depuis 8 jours et torturée pour livrer l’identité de militants kurdes qu’elle avait interviewé.e.s dans le cadre de son enquête sociologique. Acquittée 4 fois, elle est à nouveau mise en accusation, début 2023. Une première audience de ce 5e procès a eu lieu le 31 mars dernier en Turquie et avait débouché sur un report du procès au prétexte que Pınar Selek devait être présente pour être jugée. C’est sur ce motif que la Cour avait sollicité une demande d’extradition, alors qu’un jugement pourrait être prononcé en son absence. En réalité, le dossier d’accusation est vide.
Concrètement, que s’est-il passé aujourd’hui ?
Réunie une nouvelle fois, la Cour criminelle d’Istanbul a reporté à nouveau l’examen du dossier au 28 juin prochain, face à de nombreux soutiens turcs rejoints comme en mars dernier par une imposante délégation internationale, composée d’élu.e.s de la république, d’avocat.e.s, universitaires et chercheurs, d’artistes ainsi que de représentant.e.s d’organisations de défense des droits humains, de syndicats et associations professionnelles d’avocat.e.s et de l’enseignement supérieur et de la recherche française et de militant.e.s. Le tribunal s’est refusé à confirmer pour la 5e fois que Pınar Selek est innocente : en effet toutes les fois qu’une Cour de justice a regardé le fond de son dossier, elle a admis qu’il n’y avait aucune preuve contre elle. Il cherche à faire diversion, en renvoyant la balle à la France, censée examiner une demande d’extradition, qu’elle n’a toujours pas reçue. Le ministère de la justice turque lui-même a renvoyé le dossier à la Cour, jugeant la demande insuffisamment motivée. Dans une conjoncture où la Turquie redemande son adhésion à l’Union européenne, le déni de justice dont elle est victime fait sans doute mauvais genre.
Aujourd’hui, la Cour criminelle d’Istanbul s’est donc contentée de déclarer avoir à nouveau transmis la demande d’extradition de Pinar Selek. La France la recevra-t-elle ? Interpol attendait en effet toujours en mars dernier les éléments permettant de diffuser une notice rouge contre Pinar Selek.
Que comprendre de tout cela ?
Que la justice turque qui souhaite enfermer PInar Selek à perpétuité pour ses travaux de recherche, comme pour ses œuvres littéraires et ses prises de position en faveur des minorités kurdes et arméniennes, des mouvements féministes et des minorités LGTB+ turques, poursuit son acharnement politique contre elle, qui relève du harcèlement, voire de la torture psychologique. Elle espère sans doute épuiser la résistance de Pinar Selek, comme celle de la puissante solidarité internationale qui se dresse à ses côtés.
Mais notre détermination reste entière, afin que justice soit enfin rendue pour notre collègue, amie et camarade, et que cette grande intellectuelle puisse poursuivre ses activités d’enseignante, de chercheure, d’écrivaine et de militante en toute liberté. Ce procès politique en terrorisme est une des formes les plus extrêmes d’atteinte à la liberté d’expression et à la liberté académique, menacées aujourd’hui partout dans le monde. Nous serons toujours à ses côtés, le 28 juin, à Istanbul et ailleurs. Justice pour Pinar !
La coordination des collectifs de solidarité avec Pinar Selek