Dimanche 24 septembre, dans son interview au 20h de TF1 et France 2, Emmanuel Macron a finalement acté ce qui était devenu, ces dernières semaines, inéluctable : le retour de l’ambassadeur français, devenu persona non grata du fait des postures martiales et belliqueuses de la France depuis le 27 juillet, et le retrait des 1500 militaires toujours présents sur place.
Ce faisant, il prend acte – avec retard – de la réalité concernant la situation au Niger, mais en escamotant le réel enjeu auquel fait face la République néocoloniale qu’il incarne : c’est bien l’ensemble de l’ingérence française en Afrique qui est aujourd’hui pointée du doigt par les mobilisations populaires africaines et les différents régimes politiques qui tentent d’asseoir leur légitimité sur ce rejet [1].
C’est tout le déni français qu’a incarné le président de la République hier soir, en affirmant : « Il n’y a plus de Françafrique. Donc quand il y a des coups d’État nous on n’interfère pas dans la vie politique des pays ». Avant d’ajouter : « La seule autorité légitime du Niger, c’est le président Bazoum qui a été élu par son peuple et qui aujourd’hui est détenu en otage et est l’objet de ce coup d’État ». La France n’a pas fait mystère, depuis deux mois, de son appui outrancier à la CEDEAO pour intervenir militairement au Niger. Dans le même temps, elle continue de traiter avec les autorités putschistes au Tchad, qui ont aux yeux de Paris le bon goût de ne pas remettre en cause la présence militaire française, et elle a rapidement normalisé ses relations avec les putschistes au Gabon, où sa base militaire n’est à ce jour pas menacée par le régime dit « de transition ».
En se résolvant à sacrifier ses bases « de partenariat » au Niger, Paris espère bien préserver le reste de son maillage, qui n’a encore une fois pas été questionné par les journalistes qui interviewaient le président Macron :
Les bases permanentes au Sénégal (400 soldats en juin d’après le ministère des Armées français), à Djibouti (1500 soldats), en Côte d’Ivoire (500 soldats) et au Gabon (350 soldats) [2] ;
Ses « forces de partenariat » au Tchad (un millier de soldats en juin, auxquels pourrait s’ajouter une partie du contingent actuellement au Niger) ;
Ses officiers et sous-officiers détachés au sein des régimes répressifs au titre de la « coopération sécurité-défense », comme au Tchad (plus de 15 coopérants en mars dernier d’après la Direction Coopération Sécurité Défense [3]), au Cameroun (10 à 15 coopérants), au Togo (5 à 10 coopérants), Mauritanie (10 à 15 coopérants), Congo Brazzaville, Guinée (5 à 10 coopérants), etc. Journalistes, ONG et parlementaires ne disposent à ce jour d’aucune information sur les fonctions exactes de ces militaires qui, bien souvent, occupent des postes de conseillers particulièrement stratégiques pour l’influence et le renseignement français.
Pour Patrice Garesio, co-président de l’association Survie, « si on ne parle que du Niger, c’est l’arbre qui cache la forêt. Le débat public en France ne doit pas se limiter à un pays, au risque de recommencer à pleurer dans quelques semaines ou mois sur un prétendu « sentiment anti-français ». »
Le retrait des troupes françaises du Niger est une étape, mais c’est l’ensemble de la politique africaine de notre pays qu’il faut remettre à plat, et toute sa portée néocoloniale sur laquelle il faut commencer à ouvrir les yeux collectivement. »
Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé aux partis politiques un débat parlementaire cet automne sur la politique africaine de la France [4] et que les décisions récentes sur la coopération culturelle et académique avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont soulevé un tollé légitime [5], l’association Survie appelle à ce que le débat public embrasse l’ensemble de la politique africaine de la France. Ses dimensions militaires, économiques et culturelles doivent enfin être mises en débat : c’est à ce pas vers la fin de notre colonialisme que nous invitent les peuples africains en lutte.
Survie