“Enlèvements : la terreur au service d’un pouvoir absolutiste !” titre L’Événement dans son édition du 10 octobre. Le bimensuel d’investigation burkinabè met le doigt sur un phénomène en vogue depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré à la faveur du coup d’État du 30 septembre 2022 : les enlèvements. Des pratiques “en violation des règles de droit” et quasiment tues dans les médias burkinabè, soumis à une chape de plomb.
“Les enlèvements figurent en bonne place dans la panoplie des moyens de soumission du parfait régime de dictature”, écrit ce média. “Arme fatale pour soumettre et briser”, selon lui, ils sont apparus “très tôt” sous la présidence d’Ibrahim Traoré, “d’abord pour des raisons de lutte contre le terrorisme” (ciblant notamment des Peuls, assimilés aux “terroristes”), “puis maintenant pour des motifs purement politiques”.
Et de décrire le mode opératoire : tout se fait “de façon clandestine par des moyens de camouflage” qui intègrent des “voitures sans immatriculation, des personnes cagoulées et des destinations inconnues”.
L’Événement documente deux cas. Celui, d’abord, du médecin anesthésiste Arouna Louré, qui s’inscrit dans la droite ligne d’une pratique apparue en mars : l’enrôlement forcé parmi les Volontaires pour la défense de la patrie, une milice composée de supplétifs civils de l’armée.
Le 23 mars, le “président capitaine” avait en effet ordonné le rapt et l’enrôlement du militant des droits humains malvoyant Boukare Ouedraogo. Son tort : “avoir critiqué la politique sécuritaire d’Ibrahim Traoré”.
Arouna Louré – autre voix critique du régime – a reçu quant à lui reçu une note de réquisition par l’armée le 7 septembre.
Puis, écrit L’Événement, “une escouade de forces de défense et de sécurité […] a été envoyée le cueillir sur son lieu de travail, pour une destination jusque-là inconnue. Une dizaine de jours après cet enlèvement manu militari, les réseaux sociaux ont été inondés par les images du docteur en tenue militaire, genou à terre, avec une Kalachnikov en main.”
Le deuxième cas documenté concerne l’homme d’affaires Anselme Kambou, enlevé dans la nuit du 20 au 21 septembre alors que “de folles rumeurs” de coup d’État circulent à Ouagadougou. L’homme est réputé proche d’Evrard Somda, le chef d’état-major de la gendarmerie limogé le 4 octobre, peu après l’interpellation de quatre officiers, dont deux de ses proches collaborateurs, soupçonnés de “complot contre la sûreté de l’État”.
“Anselme otage pour retourner Evrard ?” interroge L’Événement, qui est formel sur l’implication de deux personnes dans son enlèvement : le patron de l’Agence nationale de renseignements et Ibrahim Maïga, propagandiste du régime très actif sur les réseaux sociaux. À ce jour, écrit le journal, rien n’a filtré sur les motifs de ce rapt ni sur le lieu de détention d’Anselme Kambou.
Courrier International
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